Session de rattrapage pour ceux et celles qui seraient passés à côté de ce mignon petit album sorti il y a déjà un an aux éditions de La Pastèque. Guillaume Perreault y raconte les aventures de Bob le facteur parti faire sa tournée. Une tournée ? Oui, mais pas n'importe laquelle. Les clients qui attendent fébrilement leur colis ont pour lieu de résidence une planète car comme son nom l'indique, Le Facteur de l'Espace est bien une œuvre de science fiction. Aventure et humour sont au programme de ce joli récit destiné avant tout aux plus jeunes.
Selon vous, les facteurs québécois ont-il une approche différente de leur métier ?
Guillaume Perreault : Je pourrais parler effectivement des facteurs du Québec mais je n’ai aucune idée de ce qui se passe en France. (rires)
Les facteurs sont parfois le dernier lien social pour certaines personnes isolées…
G.P. : Oui, c’est vrai… Il y a d’ailleurs à ce sujet le passage avec la vieille dame extra-terrestre. Elle veut faire rentrer le facteur chez elle pour prendre un thé. On imagine que tous les facteurs ont eu cette invitation au moins une fois pendant leur activité.
En France, on essaie de faire remplir ce rôle aux facteurs tout en réduisant en parallèle le nombre de bureaux de poste…
G.P. : Il y aussi au Québec de moins en moins de bureaux de poste. Avec les mails et les SMS, il y a de moins en moins de courriers. Et même quand le courrier est présent, on incite les gens à se déplacer vers les boîtes postales plutôt que de leur distribuer directement les lettres. Les temps changent et c’est un peu ça aussi qui m’a donné l’idée de réaliser ce livre. Chaque fois que l’on pense à la science fiction, on imagine des technologies très avancées. J’ai pour ma part imaginé un futur un peu bric-à-brac et rétro. L’idée romancée est que, même dans le futur, le facteur existerait encore avec ses colis et ses lettres.
Quand, dans l’album, le facteur a du mal à changer ses habitudes on pense à un changement d’école pour un jeune élève…
G.P. : (rires) Oui, l’un des thèmes principaux de ce livre est effectivement le changement, le fait aussi de se lancer dans l’aventure. Bob est un peu inquiet de se lancer un nouveau défi mais il réussit avec brio à le faire.
On peut aussi imaginer que les astéroïdes et autres objets qui se baladent dans l’espace près de là où habite la vieille dame évoquent une chambre mal rangée…
G.P. : (rires) Oui, c’est vrai.
Le narrateur qui s’adresse directement au lecteur, c’est une façon de capter son attention ?
G.P. : Oui. La bande dessinée est faite pour une lecture indépendante. Je pense qu’elle peut être lue sans l’aide des parents. Mon narrateur prend un peu leur rôle en effectuant une mise en contexte destinée aux plus jeunes lecteurs qui ont ainsi l’impression d’être accompagnés sans être tenus par la main. Une des critiques qui m’a fait plaisir est que Le Facteur de l’Espace était un bon album pour être initié à la bande dessinée.
Les cases sont grandes et très claires…
G.P. : Exactement. On peut faire le parallèle avec des contes qui contiennent une grande illustration avec seulement une phrase explicative. J’ai beaucoup alterné le nombre de cases par page, de une à trois, pour créer un rythme intéressant.
Comment avez-vous réalisé le casting des clients du facteur ?
G.P. : Il existait un champ assez vaste de personnages à rencontrer, parmi lesquels des robots ou des extraterrestres. Je me suis alors posé la question autrement. Je me suis demandé quel genre de clients les facteurs rencontrent aujourd’hui et comment le transposer dans un univers de science fiction. Il rencontre donc le géant qui représente le type sympathique et blagueur, la vieille dame qui a besoin d’attention, les chiens qui sont indispensables quand on évoque un facteur, le Petit Prince qui m’est venu immédiatement à l’idée quand j’ai pensé aux planètes et qui est le type même du client chiant, celui qui n’est pas coopératif…
Les différents chapitres qui correspondent aux différents clients ont-ils d’abord été publiés séparément ?
G.P. : Non. Dès l’origine, ils figuraient dans un seul livre. L’idée des chapitres vient du fait que l’album est destiné à la jeunesse et que les enfants n’avaient peut-être pas le courage de tout lire d’une traite.
Le facteur ne possède pas de mains. Vous n’aimez pas les dessiner ? (sourire)
G.P. : Il en a au début mais sa combinaison les cache ! (rires) Je confirme que je peux dessiner des mains et des pieds. C’est en fait un choix. Quand j’ai commencé à dessiner des bonhommes en combinaison spatiale dans mon carnet de dessins, j’essayais d’adopter le style le plus minimaliste possible avec des rectangles, des triangles… Puis, je suis tombé sur la combinaison que Bob porte dans l’album et je l’ai adoptée. C’est donc avant tout un choix artistique et graphique.
Comme toute histoire pour enfants, celle-ci a sa morale : celle de ne pas se fier à la première impression quand on rencontre quelqu’un ?
G.P. : Exactement. Il ne faut pas se fier aux apparences. Bob se rend compte que tous les clients qu’il a rencontrés avaient de bonnes intentions, même les chiens. Une autre morale serait celle de voir le bon côté des choses comme Bob fait au retour de sa tournée. Enfin, il y aussi le fait d’apprendre à vivre l’aventure et à prendre des risques.
N’avez-vous pas été contacté par la Poste Québécoise pour réaliser une campagne publicitaire ? (sourire)
G.P. : (Rires) Non ! Mais c’est vrai que ça aurait été une très bonne idée. Il faudrait que j’aille voir en France si c’est possible. Je prévois ça pour le deuxième album. (sourire)
Un deuxième album est donc déjà sur les rails ?
G.P. : Au départ, j’ai écrit l’album juste pour un one-shot. Mais quand le projet a avancé, j’ai commencé à prendre beaucoup de plaisir pour le réaliser et à m’attacher au personnage. C’est à ce moment-là que l’idée a germé d’avoir la possibilité d’en faire un deuxième. Quand je l’ai terminé, de nombreuses idées sont venues : des nouvelles planètes, de nouveaux clients, des nouvelles situations… Donc, un deuxième est en cours et pourquoi pas aussi ensuite un troisième…
Vous continuez aussi en parallèle les illustrations jeunesse ?G.P. : Oui, c’est un peu ma spécialité et j’en fais beaucoup. Je travaille en collaboration avec d’autres auteurs pour de nombreuses maisons d’édition québécoises.
Quelles sont vos références en matière de dessin ?
G.P. : J’aime beaucoup John Martz, un illustrateur canadien. J’aime chez lui la composition de ses personnages, notamment ses rondeurs. J’apprécie aussi le travail de Tom Gauld, dessinateur britannique, pour la simplicité de son trait. Mon travail s’inspire beaucoup de ces deux auteurs.