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L'Apocalypse comme ultime Héritage

Entretien avec Jérôme Félix et Paul Gastine

Propos recueillis par S. Salin Interview 30/01/2017 à 10:58 8761 visiteurs

Le dernier opus de L’héritage du diable, chez Grand Angle, est l’occasion de s’intéresser à un jeune dessinateur doué et perfectionniste et au scénariste qui l’accompagne sur cette aventure depuis près de dix ans.

Mars 2009/Juin 2016 : sept ans pour quatre albums. Avez-vous douté, connu des difficultés ou simplement souhaité prendre votre temps ?

Paul Gastine : Un peu de tout cela… mais pas de doute ! Personnellement, j’ai connu tout simplement quelques difficultés graphiques à certains moments de la série, avec des choses plus longues à dessiner. Comme L’héritage du diable était ma première BD, j’ai progressé… à mon rythme !

Vous n’aviez pas mis la barre un peu haute dès le premier album ?

P.G. : Personnellement, j’estime que la barre n’est jamais assez haute. Après… il faut assurer derrière. À revoir la série dans son ensemble, il y a une progression et je ne regrette pas d’avoir pris mon temps pour donner le meilleur.

Jérôme Félix : Le succès inattendu du premier album a fait que Paul a rehaussé volontairement son niveau d’exigence. Sur cette série, il ne s’est jamais fait de cadeau !

P.G. : J’étais conscient, à partir du Secret du Mont-Saint-Michel, que je n’allais pas très vite et je voulais, ne serait-ce qu’en compensation de cela, que tout soit irréprochable.

J.F. : Le pire a été Rex Mundi où Paul a dit « il n’y aura pas une case à jeter », même si techniquement, il n’avait pas encore la maîtrise totale de son sujet. Toutefois, il n’a pas lâché. Sur chaque case, il a décidé de prendre le temps nécessaire pour obtenir le résultat souhaité ! Mais cela a pris un temps fou.

Pourtant, n’existe-t-il pas un moment, où il faut savoir arrêter une planche, une case ?

PG : Oui, si vous ne trouvez pas de solution, il faut savoir se dire : « Là, j’ai donné le meilleur, je n’arriverai pas à faire mieux et je passe à la case d’après ».

J.F. : À l’époque, tu ne savais pas le faire !

P.G. : Effectivement, mais j’ai appris sur cette série… Je ne prends cette décision que si je suis certain de ne pas pouvoir faire mieux.

Entre vous, c’était l’osmose parfaite ou des discussions à n’en plus finir ?

J.F. : Nous avons la chance d’habiter tout près donc de pouvoir nous voir très régulièrement. Le scénario n’est qu’un outil de travail sur lequel Paul va me dire : je prends, je prends pas. Et à partir de là, l’histoire est rebâtie à deux. Au début, je faisais la mise en scène, voire le storyboard, mais le deal était clair. Dès que Paul a eu envie de reprendre en charge ces choses-là, il l’a fait et cela a dû se réaliser sur la fin du deuxième album. Après, plus le temps allait, moins je donnais d’indications à Paul, car moins il a d’indications mieux il travaille. Il a besoin de liberté. Ensuite, sur l’histoire, nous pouvons en rediscuter lors de grandes séances de travail, ce qui peut remettre en cause certaines choses.

P.G. : Cela ne va pas jusqu’à reconsidérer les grandes lignes de l’histoire, mais cela va parfois jusqu’à reprendre certaines séquences.

Initialement la série était prévue en trois albums ?

J.F. : Il faut se rappeler que lorsque nous avons commencé, Grand Angle était le seul éditeur qui annonçait à l’avance le nombre de volumes. Au début, j’ai dit trois comme… j’aurais dit quatre. Arrivés au second album, nous avons bien senti que cela serait court en trois…

D’autant plus qu’à la fin du second volume  l’action s’envole littéralement...

J.F. : Rennes-le-Château ayant bien marché, nous nous sommes dit que l’album suivant serait plus orienté vers l’aventure. L’aventure c’est bien, mais cela prend beaucoup de pages et ne fait pas toujours avancer l’histoire. Quoi qu’il en soit, Paul avait envie de dessiner des scènes d’actions et puis n’étions-nous pas dans un récit d’aventure ? Alors autant en donner !

P.G. : Nous étions aussi dans le souci de faire voyager le lecteur, d’explorer avec nos personnages des endroits différents.

Graphiquement, vous avez dû vous faire mal ?

P.G. : Non je me suis amusé… bien que le Zeppelin m’ait quand même fait mal et que le Mont Saint-Michel ait été lui aussi un gros morceau…

Entre ce que vous vouliez que cette série soit, du moins à son début et ce qu’elle est une fois terminée, qu'est-ce qui a changé ?

J.F. : Elle a évolué. Sur les deux premiers albums, nous avions travaillé avec une narration assez simple. Arrivé au troisième, Paul avait emmagasiné assez de métier pour que nous puissions complexifier l’histoire et nous orienter vers quelque chose de plus historique. Il y a alors eu ce basculement sur Rex Mundi qui a été source de discussions avec notre éditeur qui ne partageait pas notre point de vue.

P.G. : Parallèlement, nous avons renoncé à des fins possibles auxquelles nous avions pensé initialement pour la simple raison que nous avions pris le parti de changer en cours de route de direction.

J.F. : En fait, il y a une chose qui a changé. Nous avions la fin, nous savions dès le début que c’était un coup monté. Mais notre éditeur a mis le doigt sur un truc qui a fait tilt. Sur Rex Mundi, lorsque nous lui avons laissé entrevoir le dénouement final, il en a conclu que les héros perdaient puisque la Seconde Guerre mondiale avait finalement lieu. Il lui paraissait peu concevable d’avoir emmenés les lecteurs pendant huit ans pour leur dire que les héros avaient échoué. La remarque était particulièrement judicieuse, mais parallèlement, la Deuxième Guerre mondiale avait bien eu lieu ! Nous avons alors cherché comment tout ce petit monde pouvait perdre, mais gagner quand même. C’est comme cela que le final en deux temps est arrivé. Ça, ce n’était pas prévu au début et Dieu sait que nous en avons sué pour le trouver…

Jérôme, Apocalypse est dense et referme, malgré tout, toutes les portes ouvertes précédemment en offrant, en prime une conclusion inattendue. Comment vous y êtes-vous pris ? Quelles contraintes vous êtes-vous mises, quelles facilités avez-vous refusées ?

P.G. : La facilité aurait été que cela se termine en apocalypse, que les Nazis se mettent à fondre… à l’Indiana Jones. Moi c’est ce qui me faisait envie lorsque qu’à dix-huit ans j’ai commencé la série. Je rêvais de dessiner des tentacules, les mecs qui explosent. Mais, j’ai complétement muri avec ce projet… et la fin a été dure à trouver.

J.F. : Il faut se remettre dans le contexte de l’époque, nous sortons de la période Triangle secret. Je ne suis pas dupe, la collection Loge Noire a bien fait son boulot et nous arrivons en bout de course. Dès lors, une seule alternative s’ouvre à nous : soit nous découvrons le énième secret du Vatican, à condition qu’il en reste un, soit nous proposons une série avec un dénouement réaliste. Je tenais à cela, mais cela a généré des craintes chez notre éditeur lorsqu’il a compris que nous n’aurions pas une fin ésotérique. Son argument était que nous avions, sur les premiers albums, initié une série ésotérique et que le final ne sera pas en cohérence. Là, il a fallu tenir bon ! Personnellement, je maintenais que nous ne pouvions découvrir un « nouveau secret ». Sur des séries longues, ce qui est souvent décevant, c’est la fin. Mais il faut savoir que c’est dur à trouver… une fin. Dans le cas présent, je pense que nous avons surpris en bien, car nous n’avons pas donné le dénouement que d’aucuns soupçonnaient. Après, le premier tome est effectivement dense et un peu daté dans sa narration, mais c’est une BD que les lecteurs prendront plaisir à relire dans le sens où ils redécouvriront des choses à la relecture. Même dans une BD ésotérique, les lecteurs ont envie d’apprendre des choses, de sortir de l’album en se disant « Je ne savais pas, j’ai appris des choses » et là je crois que nous avons rempli cette mission.

Vous disiez  que cette série était datée ?

J.F. : Cela fait quelque peu BD des années 80, mais L’héritage du diable est une série que nous assumons et que nous avons eu plaisir à faire. Vous ne passez pas dix ans dans l’univers de Rennes-Le-Château sans raison. Aujourd’hui, le lectorat va plutôt vers des albums plus light. À ce titre, l’album en préparation est plus dans l’air du temps !

Paul, en sept ans on évolue, au moins graphiquement (sourire) ! Comment gère-t-on la chose sur la longueur surtout lorsque l’on est un tout jeune dessinateur ?

P.G. : Le problème majeur que j’ai eu sur le dernier tome a été d’assurer la continuité graphique avec les précédents. Lorsque nous avons commencé à faire la série, je n’aimais pas dessiner Constant. En fait, je ne le trouvais pas intéressant car, à l’époque, je préférais dessiner les femmes, les pin-up hollywoodiennes comme Emma Calvé. Bien que Constant soit le personnage par lequel le lecteur rentre dans l’histoire, cela ne me branchait pas plus que cela de dessiner cette espèce de Tintin dénué d’un vrai caractère. Puis, à mesure que la série avançait, Jérôme a donné de l’épaisseur à ce personnage, je me suis complètement attaché à lui et je me suis appliqué à le faire évoluer également. Le problème est qu’il a évolué, comme mon dessin, vers plus de réalisme. Et effectivement, entre le Constant du premier album et le dernier… il a un peu mûri ! Mais en même temps, le personnage s’est durci intérieurement. Au final, il y a une certaine cohérence avec le contenu du scénario, Constant s’en prend plein la figure, il est confronté à des situations vraiment pas faciles qui forgent le caractère et, progressivement, le personnage un peu naïf, à la Tintin, un peu gros nez, devient un vrai héros. Heureusement, car je ne pouvais ni continuer à lui faire la même tronche que dans Rennes-le-Château, ni reprendre les trois albums précédents pour lui (re)dessiner la tronche du quatrième (sourire). Donc, Constant a évolué!

Cette évolution  dans le graphisme de Paul a-t-elle eu des conséquences sur le scénario ?

J.F. : Oui, car lorsque j’ai vu les traits du personnage évoluer, nous nous sommes dit qu’il était possible de s’intéresser à lui. Pour la petite histoire, nous avons été jusqu’à faire le profil psychologique de Constant (sourire). Si pour les femmes il n’y avait pas de questions existentielles, certains trouvaient notre héros un peu nunuche et il faut avouer que la comparaison avec ses partenaires ne lui était pas favorable. Alors, nous lui avons offert une petite séance de psychanalyse !

Évoquons l’avenir ! Après sept ans sur une série, vous n’êtes pas sujets à un petit coup de blues post-éditum ?

J.F. : (Rires) Nous sommes en plein dedans.

P.G. : Mais nous nous soignons… en travaillant tous les deux sur un nouveau projet, un one-shot.

Paul, vous dessinez les femmes superbement bien, j’espère qu’elles vous le rendent bien ! Ceci étant, poursuivrez-vous dans cette veine au risque de vous y enfermer ?

PG : (Rires) Sur le prochain album, j’entame une vraie rupture… la preuve, je viens de terminer la quinzième planche et il n’y a pas encore une seule femme ! Nous sommes dans un univers totalement différent. Comme je l’ai dit, sur la fin de L’héritage du diable, j’ai été obligé de brider mon style pour assurer la cohérence  graphique de la série. Là, sur le projet en cours, j’ai lâché le frein à main.

J.F. : En plus il a (graphiquement) un sacré défi, car il va y avoir une héroïne dans l’histoire. Le problème pour Paul, c’est que c’est tout sauf une pin-up ! Dans notre série précédente, les personnages féminins étaient typés et c’était pleinement assumé. Là, Paul dessine une femme de tous les jours, qui n’est pas un top model et ne fait pas des trucs incroyables. Un sacré défi car rares sont les dessinateurs qui savent dessiner les femmes simplement.

P.G. : Il faut que les personnages féminins soient dessinés en fonction du caractère qu’ils ont dans l’histoire. C’est difficile, car beaucoup de dessinateurs sont habitués à dessiner les femmes de manière codée. Sur certaines histoires, il faut renoncer à ces canons esthétiques et ce n’est pas toujours évident ! Sur cet album, l’approche est différente, le dessin plus réaliste avec une mise en couleurs différente et qui fait partie intégrante de l’histoire.  Ce n’est pas comme sur la série précédente où je faisais en noir et blanc puis j’ai colorisé par la suite. Là, dès que je commence à travailler sur le script de Jérôme, je vois déjà les ambiances que je veux. Certaines scènes sont même directement à la couleur, le trait encré ne va pas être systématique.

Pour finir, quelle est la question dont vous rêvez et que personne ne vous a jamais posée ?

P.G. : Je ne vois pas !

J.F. : Pourquoi je ressemble à Brad Pitt ? Personne ne me la pose jamais.

P.G. : C’est peut-être parce que tu ne ressembles pas à Brad Pitt !



Propos recueillis par S. Salin

Bibliographie sélective

L'héritage du Diable
4. L'Apocalypse

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Le triangle Secret
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