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Erase and rewind

Entretien avec Ange

Propos recueillis par L. Gianati et L. Cirade Interview 27/10/2014 à 13:49 7021 visiteurs

Faire disparaître le tome d'une série pour le remplacer, plus de dix années plus tard, par un nouveau, flambant neuf : être scénariste c'est aussi être un peu magicien ! Le procédé est discutable mais il permet non seulement d'effacer la déception des fans de Nemesis jugeant la première version du tome six bien en deçà des précédents, mais aussi d'attirer de nouveaux lecteurs pour suivre les aventures de Mallow et Fischer qui redémarrent sur les chapeaux de roue. Retour avec Ange sur cette renaissance.

Vous avez déclaré que « personne n’était satisfait » du premier tome six. Quels sont les éléments qui ont conduit à ce constat d’échec ?

Ange : C’était une sale période personnelle et professionnelle. Et cela s’est vu. Vicente Cifuentes a fait huit super pages au début. Il n’a ensuite sans doute pas eu le rythme « franco-belge », il a plus l’habitude des comics et faire des gros plans tout le temps. La qualité de l’album a donc baissé entre le début et la fin. Au départ, l’histoire devait tenir en deux tomes, on a été obligé de la faire en un seul volume.  

N’était-il pas envisageable de reprendre l’histoire là où le « premier » tome 6 se terminait ?

A. : Non, on a surtout pensé à éliminer ce tome-là. Comme on est dans le domaine de la SF, on a utilisé ce procédé qui est, à ma connaissance, plutôt inédit sauf peut-être en comics où les relaunchs sont nombreux. Peut-être que j’ai ouvert la voie à de nouvelles expériences de ce type.

N’a-t-il pas été trop difficile de convaincre l’éditeur ?


A. : Si. (sourire) On est passé par de longues semaines de négociations à tous niveaux. Tous les problèmes étaient liés à la commercialisation de l’album : il y avait déjà un tome six, on ne pouvait donc pas dire que c’était aussi un tome six. On a donc décidé d’effacer complètement le premier tome six et de recommencer l’histoire immédiatement après la dernière case du tome cinq. Les lecteurs de Nemesis qui suivaient  vraiment la série n’ont pas été déçus.

Reprendre la série avec le dessinateur originel, Alain Janolle, c’était une condition sine qua non ?

A. : Oui. C’était lui ou personne d’autre. On avait la série « morte » pendant plus de dix ans. Là où on avait mené Nemesis, certains diraient dans le mur (sourire), on ne pouvait pas le ressortir comme ça. Il fallait vraiment Alain pour éliminer le truc qu’il y avait en trop.

La continuité entre le tome cinq et le nouveau tome six passe aussi par l’effet miroir présent entre les deux albums…

A. : C’est pour ça que pour continuer la série avec les tomes sept et huit qui viendront l’année prochaine (février ou mars pour le tome sept), il fallait retourner sur les rails d’une série normale et ne pas continuer avec un personnage complètement possédé comme à la fin du tome cinq. Cette fin était d'ailleurs un clin d’œil appuyé à Twin Peaks. Il est marrant de noter que l’annonce du retour de Twin Peaks est très récente et concorde avec la sortie de ce nouveau tome de Nemesis.

Tout effacer et recommencer grâce au paradoxe temporel, c’est plutôt pratique. Ne craignez-vous pas que les lecteurs se méfient dorénavant ? (sourire)

A. : Non, parce qu’on ne fait ce genre de trucs qu’une seule fois. C’est un joker qu’on a pu utiliser car on était dans de la SF. On avait placé tout ce qu’il fallait dans les tomes précédents, et notamment dans le tome cinq, pour s’en servir au cas où.

La fin du dernier tome six propose une fin qui aurait pu clore la série. Comment allez-vous faire évoluer l’histoire ?

A. : On se retrouve avec des agents du FBI et de la CIA qui font leur boulot dix ans plus tard. Ils ont évolué et continuent d’attirer les ennuis. Ce qui a changé c’est l’environnement et la technologie… C’est un peu comme si on regarde des épisodes d’X-Files aujourd’hui, on en rigole. On a tous aujourd’hui un iPhone dans la poche qui est plus puissant que tout le matériel qu’ils avaient dans leur salle informatique à l’époque. Quant aux monstres tentaculaires, ils sont pour l’instant plutôt calmes.

Quelles sont les difficultés de reprendre une série plus de dix années après avoir écrit le dernier tome ?

A. : Je pense que ces dix années ont été profitables. Se relancer de suite après cet échec relatif du premier sixième tome aurait été plus difficile. Alain a passé du temps sur d’autres séries (Babel, H.O.P.E., Trois Peuples…). Il est revenu car il avait vraiment envie de retravailler sur Nemesis. Est-ce que les lecteurs auront envie de le lire ? C’est un autre problème…

Ressortir les cinq tomes avec une nouvelle couverture, c’est pour attirer éventuellement de nouveaux lecteurs ?

A. : C’est effectivement pour attirer un nouveau lectorat car douze ans plus tard, il y a eu un turn-over complet des lecteurs. Il y avait aussi des albums en rupture de stock, les tomes quatre et cinq, ce qui est plutôt embêtant pour vendre une série surtout quand on fait un tome six. On a fait des efforts sur les deux premiers tomes au niveau de l’impression car la première édition chez Soleil était vraiment sombre. On a essayé de se recaler sur des couleurs plus fidèles. Là aussi, cela avait été fait à l’époque par Caroline Van Den Abeele sur du matos qui n’existe plus aujourd’hui. Les nouvelles couleurs sont réalisées par Gaëtan Georges. 

Le nombre de tomes est-il déjà défini ?


A. : On repart au moins sur deux tomes, sous forme de diptyque, qui sortent tous les deux l’année prochaine, un en début d’année, l’autre en fin d’année. C’est un peu l’avantage de Delcourt aujourd’hui. Quand on prédéfinit un nombre de tomes pour une série, on est sûr d’aller au bout. Alors qu’avant, on pouvait très bien avoir prévu quatre tomes et s’arrêter au bout du premier.

Vos prochaines sorties dans un futur proche ?

A. : Le tome dix-neuf de La Geste des Chevaliers Dragons, le tome vingt-et-un des Blondes, le tome treize du Collège Invisible l’année prochaine, sûrement le tome trois de Tibill le Lilling aussi l’année prochaine. Puis aussi des nouveaux bouquins mais étant superstitieux…

Dans le marché actuel de la BD, est-il plus rassurant de redonner naissance à une série qui a connu un certain succès plutôt que de se lancer dans la création d’une œuvre originale ?

A. : Comme dirait Bajram, avant on avait une certaine vision de la Bande Dessinée, ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui. Je pense qu’effectivement ressortir une série comme Nemesis peut raviver certains souvenirs de lecteurs. Mais le marché est tellement bizarre en ce moment qu’on ne peut rien prédire de ce qu’il va arriver. Tout est compliqué. Il faut de la production régulière, après ce n’est pas les auteurs qui signent des projets mais les éditeurs…

Et puis les éditeurs sont à la recherche de niches…


A. : Peut-être… Mais prenez l’exemple de l’Héroïc Fantasy. Il y a un an ou deux, le grand mot d’ordre chez les éditeurs était : l’Héroïc Fantasy ne marche plus, ce qui était plutôt embêtant pour nous. Puis, Jean-Luc Istin a sorti Elfes qui a juste fait un carton instantané. Ce qui est vrai c’est que la mauvaise Héroïc Fantasy ne marche plus, de même que la mauvaise SF ne marche pas. Leo, Bajram et Bourgeon sont parmi les plus grosses ventes en BD…  Le seul problème est de sortir des bons bouquins avant tout.




Propos recueillis par L. Gianati et L. Cirade

Bibliographie sélective

Nemesis (Ange/Janolle)
6. Reloading Six

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Le collège invisible
12. Grandum Illusionem

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La geste des Chevaliers Dragons
19. L'Antidote

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Tibill le Lilling
2. Mata a ri

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