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Edwin, les origines de son voyage

Entretien avec Manon Textoris et Julien Lambert

Propos recueillis par L. Gianati Interview 29/09/2014 à 14:56 8650 visiteurs

C'est parmi plus de cent vingt projets qu'Edwin, le voyage aux origines a été choisi pour remporter le Prix Raymond Leblanc en 2013. Dix-huit mois plus tard, cette jolie histoire imaginée par Manon Textoris et mise en images par Julien Lambert est enfin disponible aux éditions du Lombard. Récit d'aventure se déroulant en plein cœur du 19ème siècle, Le voyage aux origines se révèle bien plus complexe qu'il n'y paraît au premier abord. Surtout, il permet de mettre en lumière deux jeunes auteurs qu'il convient désormais de suivre avec une grande attention.

Quels ont été vos parcours respectifs et comment vous êtes-vous rencontrés ?

Manon Textoris :  Depuis toute petite je suis une grande passionnée de Bande Dessinée mais je n’avais jamais pensé que je pourrais en réaliser une un jour. Je ne savais pas du tout dessiner, ce qui me semblait indispensable et irrémédiable. Et puis, après des études de lettres modernes et un mémoire sur Hugo Pratt, j’ai tout de même eu envie d’essayer. On m’a recommandé l’école d’art Saint-Luc, en Belgique. Je suis arrivée à Liège avec des affaires pour trois jours et j’y suis finalement restée quatre ans. Julien suivait alors le même cursus que moi mais nous nous connaissions très peu. À la sortie de l’école, j’ai commencé à écrire l’histoire d’Edwin et puis j’ai eu la chance d’être embauchée comme décoratrice couleur sur le long métrage d’animation Le Magasin Des Suicides, de Patrice Leconte. C’est à cette occasion qu’avec Julien nous avons mieux fait connaissance.

Julien Lambert : Après mes études à Saint-Luc, option bande dessinée, j’ai travaillé comme facteur à Liège, avant d’être animateur dans une maison de jeunes. Puis en 2011, j’ai aussi eu la chance de travailler sur les décors du film Le Magasin Des Suicides et l’année suivante, j’ai migré vers Angoulême où j’ai travaillé sur les décors d’un autre dessin animé, Loulou L’Incroyable Secret, de Grégoire Solotareff et Eric Omond. J’ai alors entendu parler de la Maison des Auteurs et je suis entré en résidence  pour y développer un projet personnel de bande dessinée. En parallèle, avec Manon, nous avions donc proposé notre projet au prix Raymond Leblanc, grâce auquel notre première BD est aujourd’hui éditée.

Pouvez-vous nous dire quelques mots sur le prix Raymond Leblanc ? Qu’avez-vous fourni au jury pour qu’il puisse juger votre travail ?

M.T. :  Le prix existe depuis déjà plusieurs années, mais en 2013, la Fondation Raymond Leblanc en a changé la formule. Désormais, il récompense un projet de bande dessinée et offre au lauréat une bourse et la possibilité de réaliser un album aux éditions du Lombard. C’est une aide incroyable pour de jeunes auteurs comme nous.

J.L. : Pour participer, il faut fournir un dossier qui comporte un synopsis, un projet de couverture, trois planches et une présentation des personnages. C’est donc, au-delà du concours, une très bonne occasion pour tous les participants de réfléchir concrètement à un récit et de constituer un « dossier d’éditeur », c’est en tout cas comme ça que nous l’avions envisagé.

Le récit était prévu au départ en deux tomes. Quelles concessions avez-vous dû faire pour réaliser finalement un one-shot ?

M.T. :  C’est vrai qu’au départ nous pensions raconter l’histoire en deux tomes. Mais nous n’avions pas fait un découpage précis de notre récit et comme nous n’avions jamais écrit d’histoire aussi longue, la division en deux tomes était plutôt instinctive. D’ailleurs si nous avions une idée assez précise du début, de la fin et de la première partie, la seconde était assez floue. Notre éditeur, Gauthier Van Meerbeeck, nous a bien aidés et c’est en discutant avec lui que nous avons réalisé que nous pouvions restructurer l’histoire et la simplifier afin qu’elle gagne en efficacité. Et puis, nous aimions l’idée d’un album à la pagination plus importante, qui offrirait une histoire complète.

J.L. :  De plus, ce format one-shot nous a poussés à bien réfléchir à la place de chaque séquence. Il y avait certaines scènes importantes auxquelles nous voulions consacrer plus d’espace et d’autres moins essentielles que nous pouvions réduire. Au final, j’espère que la narration a gagné en dynamisme grâce à ces changements de rythme.

Comment les éditions du Lombard vous-ont-elles ensuite accompagnés dans la réalisation de l’album ?

M.T. :  Toute l’équipe du lombard a été très à l’écoute, très disponible, tout en nous laissant une grande liberté. Après avoir parlé avec Gauthier, nous avons rédigé un scénario de quelques pages que nous lui avons envoyé. Nous avons fait la même chose avec les premières planches définitives. Il nous a conseillés, tout en insistant sur le fait que la décision finale nous appartenait.

J.L. : C’était également très intéressant de discuter avec l’équipe des différents éléments de l’album, comme le choix du papier, la couverture, la maquette... Beaucoup de découvertes.

Sans dévoiler la teneur de l’histoire, quelle a été votre idée première ? Un récit d’aventures fantastique ou une réflexion sur le processus créatif ?

M.T. :  Probablement un récit d’aventure, mais c’est assez difficile à dire car tout est un peu né en même temps. En réalité ce sont les personnages qui sont apparus en premier. Je ne savais pas à quoi ils ressemblaient mais j’avais une idée assez claire de leur personnalité. Et lorsqu’il a fallu raconter leurs péripéties, le début et la fin sont arrivés simultanément. En fait je crois que ce qui m’a d’abord intéressée, c’est le cheminement personnel d’Edwin, son aventure intérieure. Les éléments fantastiques ont surtout permis de créer l’opposition entre les deux univers. 


Les deux premières planches, permettant au lecteur d’attiser sa curiosité, étaient-elles prévues dès le départ ?

J.L. : Oui, lorsque Manon m’a présenté le projet, cette scène existait déjà. Nous avons juste un peu changé la mise en scène.

M.T. :  C’est un procédé narratif que j’avais sans doute vu dans d’autres ouvrages et que je trouvais assez efficace. De plus il permettait de créer un lien entre les deux principaux lieux de l’histoire, Londres et la jungle.


D’ailleurs les fausses pistes sont nombreuses, notamment le duel Edwin – Butler (Darwin – Burton ? ) qui n’est finalement qu’un prétexte…

M.T. : C’est vrai que nous avons mis en place de nombreuses pistes différentes dans cette histoire. Mais au-delà du suspense, il me semble qu’elles sont importantes pour la construction du personnage d’Edwin. Richard Francis Burton est un homme au destin incroyable. J’ai été fascinée par le récit de sa vie. Il est probable que, même si je ne l’ai pas fait consciemment, le choix du nom de Butler vienne de là. Et bien que la question des origines de l’homme soit très liée à Darwin, le choix du prénom Edwin s’est aussi fait un peu par hasard. Nous avons choisi celui-ci parmi une liste de prénoms anglais courants au 19eme siècle, sans penser une seconde à Darwin. Et maintenant nous avons Edwin-Butler, Darwin-Burton… c’est rigolo.

Julien, Manon vous a-t-elle donné un cahier des charges très précis concernant notamment les personnages et les décors ?

J.L. : Oui et non. Nous discutions énormément du scénario, j’ai donc été très vite impliqué dans la construction des décors et des personnages. La seule exigence de Manon était que mon dessin traduise bien les caractères des personnages, comme le côté un peu maladroit et rêveur d’Edwin. Graphiquement, ce dernier  a d’ailleurs pas mal évolué au fil du récit, car petit à petit, je me sentais plus à l’aise avec lui, j’avais le sentiment de mieux le connaître. Le choix des décors s’est fait assez naturellement, nous avons juste essayé de respecter une certaine réalité historique pour la première partie.

Si on vous dit qu’Edwin a des faux airs de Docteur Poche… ? (sourire)

J.L. :  J’ai lu pas mal d’albums de Jeannette Pointu, mais malheureusement je ne connais pas le Docteur Poche.

M.T. :  Hum… je ne connais pas non plus le Docteur Poche, mais du coup je suis très curieuse...

Quelles ont été vos sources d’inspiration pour imaginer le pays extraordinaire dans lequel évolue Edwin ?

J.L. :  Je pense que ce pays s’est construit au fil de nos discussions. Nous ne voulions surtout pas nous lancer dans la création d’un univers dont il aurait fallu imaginer des règles et une  organisation complexe. Les lieux étaient pour nous moins importants que les rencontres et les péripéties qui s’y déroulent. Les sources d’inspiration ont dès lors été très diverses, depuis nos souvenirs de films et BD d’aventure, en passant par nos lectures et un paquet de photos, prises notamment lors d’un voyage à Londres.

M.T. : Nous avions juste envisagé la possibilité d’un monde où les animaux auraient grandi, afin de s’adapter et survivre dans le milieu hostile de la jungle. Et là l’inspiration est totalement Darwinienne !

Une autre couverture était a priori prévue à l’origine. Comment avez-vous finalement choisi celle-ci ?

J.L. :  La scène illustrée sur cette première couverture n’apparaît finalement pas dans l’histoire, et je n’en étais graphiquement pas content. Elle avait été faite à l’arrachée, juste avant de clôturer le dossier pour le prix Raymond Leblanc. Nous avons donc réfléchi à de nouvelles idées, qui sont devenues des avant-projets. Nous les avons montrés à Gauthier et nous avons finalement retenu celle qui illustre l’album.


Manon, avez-vous les mêmes sentiments qu’Helena vis-à-vis d’Edwin ? (sourire)

M.T. :  (sourire) C’est difficile de répondre sans trop en dire sur l’histoire mais je pense que oui, même si je serais sans doute plus nuancée qu’elle.

Le personnage d’Edwin est-il appelé à vivre de nouvelles aventures ?

M.T. : Edwin est un grand aventurier ! (sourire)

Avez-vous d’autres projets de bandes dessinées ?

 
J.L. :  Oui, plein.

M.T. :  Beaucoup d’envies, oui.


  • Pour découvrir les premières pages, rendez-vous sur la preview


Propos recueillis par L. Gianati

Information sur l'album

Edwin, le voyage aux origines

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