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Lettre ouverte au ministre de la Culture

748 auteurs signataires

SNAC BD News 10/06/2014 à 10:49 6460 visiteurs

Les auteurs de bande dessinée adressent, sous l'égide du SNAC, une lettre ouverte à Aurélie Filippetti, ministre de la culture. Après l'annonce de l'augmentation de la TVA, c'est la hausse de la cotisation retraite obligatoire qui risque d'achever nombre d'acteurs d'une profession déjà fragilisée puisque ces prélèvements les privent de plus d'un mois de salaire alors que les plus précaires gagnent déjà moins que le SMIC. La lettre est signée par 748 auteurs, dont 15 grands prix de la ville d'Angoulême, une première dans le monde la bande dessinée.


Madame la Ministre,

Le temps est-il venu de nous dire adieu ? 

Depuis des années, sans bruit, sans révolte, nous survivons par passion pour notre métier, pour nos histoires et ceux qui les lisent, mais aujourd’hui, nous voyons notre fin approcher et nous refusons  de nous y résigner. 

En mars dernier, à l’occasion du Salon du Livre de Paris, le Conseil Permanent des Écrivains avait tiré la sonnette d’alarme, exposant de nombreux motifs d’inquiétude sur l’avenir immédiat de notre profession. À cela s’ajoute la paupérisation croissante qui frappe les auteurs, que ce soit au travers des baisses d’avances ou de pourcentages, ou par l’apparition de formules numériques illimitées qui ne rémunéreront personne, sinon les diffuseurs.

Alors qu’il semblait impossible d’aggraver davantage la situation, le RAAP vient de nous annoncer abruptement, par simple courrier et sans consultation d’aucune sorte, qu’à compter de janvier  2016 nous allions devoir cotiser à hauteur de 8 % de nos revenus pour financer notre retraite  complémentaire obligatoire. Actuellement les auteurs peuvent cotiser à cet organisme privé en ne  versant qu’une cotisation minimale de 200 € par an.

Madame, nous vous prions de considérer avec gravité cette dernière raison de notre juste colère autant que de notre dégoût. Dans quel autre métier inflige-t-on des baisses de revenus aussi  importantes à des travailleurs déjà fragilisés ? Des « travailleurs de l’esprit » qui ne bénéficient  d’ailleurs pas des avantages que peut offrir le régime général (chômage, congés payés, 13e mois)…Lettre ouverte des auteurs de Bande Dessinée à Madame la Ministre de la Culture page 2/9 Cette réforme soudaine et irréfléchie, les auteurs n’en veulent pas. Ils la rejettent au motif premier  qu’elle est INACCEPTABLE autant qu’inapplicable.

Même si nous sommes évidemment favorables à un système solidaire des retraites, et ne sommes pas à ce titre opposés à une réforme juste, mesurée et concertée, croyez-vous que les auteurs  pourront, en plus de leurs autres sacrifices, se priver de 8 % de leurs revenus afin de s’acquitter de  nouvelles cotisations sociales ? Ceci représente l’équivalent de presque un mois de revenus, alors  que la plupart d’entre eux ne gagnent pas assez pour payer des impôts et peinent à boucler leurs fins  de mois. Nous vous rappelons, Madame la Ministre, que le revenu de la moitié des auteurs de BD se  situe (hélas) bien en dessous du SMIC. Il est urgent que cette réalité soit prise en compte, avant de  réformer quoi que ce soit.

Depuis l’annonce de cette réforme, des auteurs, certains très précarisés, d’autres ayant vendu des centaines de milliers de livres, ont déclaré qu’ils abandonnaient le métier. Ils sont écœurés, fatigués  et ne croient plus en des lendemains meilleurs alors qu’ils sont les premiers acteurs, et pourtant les  plus mal lotis, de la chaîne du livre. Au rythme où vont les choses, leur exemple sera bientôt suivi  par de nombreux confrères.

Dans un pays où le taux de chômage est croissant, nous créons notre propre emploi. Mieux, nous sommes à l’origine de milliers d’autres. Sur le plan économique, l’industrie culturelle est la quatrième  plus rentable de France, comme votre ministère s’en est récemment enorgueilli. Sans parler de la  vitrine qu’il représente à l’étranger, le marché du livre représente 80 000 emplois et 5,6 milliards  d’euros. NOUS, AUTEURS, sommes à l’origine de cette richesse, de cette dynamique.

Nous demandons dès à présent la suspension de l’application de cette réforme et nous vous invitons à réfléchir et à faire réfléchir AVEC NOUS à la meilleure façon de conduire cette réforme de  financement des retraites complémentaires pour qu’elle aille dans le sens d’un réel progrès social.  La piste qui nous apparaît comme la plus évidente serait d’envisager un réel financement de la  couverture sociale des auteurs par les acteurs de la chaîne du livre qui bénéficient le plus du travail  de ces professionnels, comme c’est le cas dans d’autres domaines artistiques. À titre d’exemple, pour  le RACD, les producteurs financent en partie la cotisation des auteurs, sans affecter le niveau des  rémunérations nettes.

Notre lettre exprime les opinions majoritaires du monde de la bande dessinée, opinions partagées par bien des artistes et des écrivains avec qui nous comptons agir très prochainement. Les auteurs signataires de cette lettre souhaitent, isolément ou à travers les représentants de  leurs organisations professionnelles, engager une action de concertation constructive avec leurs interlocuteurs (Ministères concernés, RAAP, Agessa/MDA, SNE…), à partir du moment où des  garanties d’écoute réciproque existent.

Dans le cas contraire, nous envisageons, dès septembre 2014, l’organisation d’actions collectives et médiatiques de blocage ou d’opposition par toutes les voies légales autorisées.

Les idées ne manquent pas. Après tout, c’est notre métier.

Les auteurs.


  • Pour retrouver l'ensemble des 748 signataires : SNAC-BD






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