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Ernest, Rebecca, Billy... et les autres

Entretien avec Guillaume Bianco

Propos recueillis par L. Gianati et L. Cirade Interview 13/03/2014 à 14:52 13387 visiteurs

Les festivaliers les plus curieux, qui ont su abandonner pendant quelques heures les bulles bondées du Champ de Mars pour flâner dans les rues d'Angoulême, ont pu découvrir au Musée l'exposition consacrée à Ernest & Rebecca. Entre la collection des Arts d'Afrique et d'Océanie et de nombreux squelettes, les célèbres personnages créés par Guillaume Bianco ont investi un chouette espace de jeux. Car c'est bien une aventure ludique et didactique qui a été proposée aux jeunes lecteurs venus rencontrer la petite fille et le gentil microbe, mais également leur auteur qui a répondu à quelques questions.

Comment est venue l’idée de l’exposition Ernest & Rebecca à Angoulême ?

Guillaume Bianco : Le tome quatre d’Ernest & Rebecca a été récompensé en 2013 par le Prix des Ecoles d’Angoulême. Le festival a l’habitude de proposer des expos suite au palmarès de l’année précédente. C’est d’ailleurs pour ça qu’il y a également une expo sur Les Légendaires, suite à son prix Jeunesse.


Quelle a été votre implication dans cette expo ?

G.B. : Antonello (Danelo, NDLR) a refait quelques dessins originaux. Il y a eu beaucoup de récupération des tomes précédents. J’ai retouché quelques textes, proposé des idées… Comme Angoulême est déjà remplie d’expos d’originaux, on a surtout souhaité faire quelque chose de ludique pour les enfants. Le choix du musée permet aussi de faire visiter ce lieu par des jeunes lecteurs, d’investir un lieu culturel. On a surtout voulu jouer sur l’aspect détente.


Ce prix a-t-il permis à de nouveaux lecteurs de découvrir la série ?

G.B. : Comme la plupart des auteurs, on est un peu enfermés dans notre propre univers, l’éditeur serait peut-être plus à même de répondre. C’est vrai que, outre flatter l’ego des auteurs, cela permet de faire parler de la série ou de l’album en question, les prix reçus à Angoulême étant les plus importants que l’on puisse recevoir.


Le tome 4 d’Ernest & Rebecca a fait partie des 8 albums proposés aux 48HBD en avril 2013. Qu’avez-vous pensé de cette opération ?

G.B. : J’ai trouvé cette initiative intéressante mais je ne pense pas que ce soit quelque chose qui ait permis de faire découvrir la série à de nouveau lecteurs. J’ai maintenant plein d’albums gratuits que je dédicace en festival. (sourire)


Comment construisez-vous les scénarios d’Ernest & Rebecca ? Autour d’un ou deux thèmes comme l’école ou la maladie de Pépé Bestiole dans le tome cinq ?


G.B. : À l’origine de la série, il y a tout d’abord le duo. Puis on a voulu traiter le divorce du papa et de la maman. Comme chez la plupart des auteurs de BDs, à partir du moment où on a déterminé le caractère des personnages, ces derniers vivent leur propre vie. Il suffit ensuite de les mettre dans un lieu, comme Rebecca à l’école, et on sait exactement comment ils vont réagir. Tout vient de manière très naturelle une fois que l’on a établi un concept de base. On a toujours un point de départ et un point d’arrivée plus ou moins flou. Puis, avec Antonello, on se laisse la liberté d’emprunter le chemin qui nous convient. Là, par exemple, on sait qu’elle va retourner à la campagne pour voir son pépé qui est malade, mais on n’écrit rien à l’avance. 


Rebecca grandit aussi…


G.B. : Oui, mais de façon très lente, six mois en cinq albums. Le temps pour un enfant est très long, très étiré. Je ne pense pas qu’on la verra un jour ado avec une poitrine naissante. On n’a pas non plus envie de faire soixante-dix-sept albums comme dans Boule et Bill avec Boule qui ne grandit pas et qui vit toujours dans une banlieue belge des années soixante. Figer ainsi les personnages, c’est quelque chose qui se faisait beaucoup il y a une trentaine d’années. Aujourd’hui, les jeunes auteurs ont beaucoup de lu de manga et de comics et font évoluer leur personnage, un peu comme le fait Toriyama avec Sangoku. J’étais donc parti au départ pour faire des albums de gags et puis, petit à petit, je me suis dit que ce n’était pas si grave s’il n’y avait pas un gag à la fin de chaque page. J’essaie de rester cohérent et léger tout en écrivant de manière fluide.

Avouez, un papa qui dit à son ex qu’elle forme un beau couple avec son nouveau compagnon, c’est de la SF ! (sourire)

G.B. : (rires) On dramatise toujours tout. C’est comme à l’école, faire une maîtresse ou un maître méchant, ça fait cliché. J’ai décidé que le maître, M. Rébaud est quelqu’un de gentil en m’inspirant de l’un de mes anciens instituteurs. Dans les couples, les divorces se passent aussi rarement très bien. Sans être rebelle, on aime bien aller à contre-courant. Plutôt que de montrer le côté moche, on a décidé de montrer les choses belles dans Ernest & Rebecca.


Pourtant, un virus, ce n’est pas forcément très rigolo…

G.B. : C’est vrai. Mais les enfants doivent savoir qu’on est aussi constitué de bactéries, qu’on nous inocule des vaccins pour nous sauver… Finalement, j’ai pensé aux microbes qu’on essaie de zigouiller alors qu’ils ne sont peut-être pas tous négatifs. On avait envie de faire quelque chose de positif sans être non plus trop moralisateur. 


Chaque tome introduit de nouveaux personnages, comme M. Rébaud dans le tome cinq. Est-ce quelque chose d’important pour renouveler la série ?

G.B. : Curieusement, je n’aime pas trop quand il y a beaucoup de personnages. Je m’étais demandé pendant un moment si on devait rester en mode clos avec peu de personnages à la façon de Calvin et Hobbes… Mais Rebecca est une petite fille qui s’ouvre à la vie et à l’univers qui l’entoure. Elle a donc besoin de rencontrer de plus en plus de personnages et Ernest n’est pas aussi présent que peut l’être Hobbes pour Calvin. Donc effectivement, à chaque tome, on découvre un ou des nouveaux personnages même s’il n’est pas sûr du tout qu’ils deviennent récurrents.


Avez-vous mesuré l’impact auprès de vos lecteurs de la possibilité de voir Ernest quitter définitivement Rebecca à la fin du tome quatre ?

G.B. : J’ai eu plusieurs réactions du type : « On voit plus Ernest, comment ça se fait ? » ou « C’est triste, je ne veux pas qu’il parte ». C’était aussi une façon de montrer que rien n’est éternel. On a tous des crises d’amour, d’amitié, avec des disputes. Ou on se voit moins sans trop savoir pourquoi et on se perd de vue. On voulait aussi montrer que Rebecca n’a pas forcément besoin d’être malade pour choisir ses copains.


Pourquoi avoir changé les couvertures pour les rééditions des trois premiers tomes ?

G.B. : C’était un choix de l’éditeur qui voulait plus d’unité entre les différentes couvertures. Ils ont opté pour un fond assez clair, blanc, tout en mettant en avant le côté espiègle de Rebecca et le duo formé avec Ernest. Je n’étais pas au départ très enthousiaste mais la partie éditoriale n’est pas mon domaine.


Quel est le public qui vient vous voir en séance de dédicaces ?

G.B. : C’est un public assez large, plutôt familial. Bien sûr, il y a souvent des petites filles assez jeunes, autour de huit ou neuf ans. Il y a aussi le fan qui collectionne tous les albums, mais c’est assez rare. Ça fait plaisir car j’aime bien ces salons spécialisés et, petit, je venais souvent à Angoulême. Aujourd’hui, sans m’être lassé, j’aime bien aller aussi vers des gens qui ne connaissent pas la bande dessinée. J’adore les foires du livre plus générales. J’aime l’idée qu’une grand-mère puisse venir acheter un Ernest & Rebecca et le parcourir tout en comprenant l’histoire même si elle ne connaît pas les codes de la bande dessinée.


Pouvez-vous nous dire quelques mots sur le prochain tome ?

G.B. : Il s’appellera La Boîte à Blagues. Rebecca retourne à la campagne voir son pépé qui est hospitalisé. Elle va revoir des copains, faire d’autres rencontres.


Ernest & Rebecca
a-t-il été édité en Italie ?


G.B. : Oui, par ReNoir en petit format souple. Le marché en Italie est un peu compliqué, c’est surtout un public de kiosques. Les éditions allemandes et anglaises sont particulièrement réussies.


C’est curieux que l’auteur d’Ernest & Rebecca se soit associé à l’un des auteurs les plus hypocondriaques du 9ème Art, Lewis Trondheim… (sourire)


G.B. : Je suis fan de Lewis depuis les Lapinot et La Mouche. Je l’ai connu il y a quelques années au festival de Montpellier. Je faisais à l’époque des strips pour Spirou. Je l’ai mis au défi de m’envoyer un scénario. Il m’a dit : « Trouve-moi un faire-valoir ». Je lui ai répondu : « Une chauve-souris ! ». On est donc parti là-dessus et Zizi Chauve-Souris est née. On s’est énormément amusés avec Lewis, comme deux gamins. Il faudrait d’ailleurs que je fasse le second tome que je m’étais engagé à faire.


Un projet sur les seins est également prévu chez Delcourt…


G.B. : Oui, je voulais faire quelque chose de très sérieux là-dessus. J’avais entendu des études sociologiques sur ce sujet et je voulais savoir pourquoi ils fascinent autant les gens. J’ai pris un carnet et j’ai noté des anecdotes. J’ai montré ça à Lewis et il m’a dit : « C’est super, si ça t’intéresse, je le publie ». Ça va donc sortir dans la collection Shampooing.


La contrainte du strip publié en magazine, c’est plutôt un moteur ?


G.B. : Oui. J’en fais d’ailleurs dans un journal local à Aix en Provence tous les dimanches (La Provence, NDLR). C’est un exercice qui me plairait énormément si je ne faisais que ça. Le souci, c’est que je suis assez dispersif et le strip est quelque chose qui demande beaucoup d’investissement. Ça me plait, mais ça m’angoisse aussi.

Pour Billy Brouillard, en revanche, il y a la volonté de ne pas s’enfermer dans un gaufrier classique…

G.B. : C’est tout à fait ça.


Pensez-vous que vous pourriez répondre à cette contrainte comme l’a fait Lewis Trondheim avec Mister O et Mister I ?


G.B. : Billy Brouillard, ce sont trois bouquins autour desquels gravitent d’autres albums. Je voulais écrire une aventure de Billy Brouillard, que j’ai commencée en roman, et que je souhaitais réaliser dans une forme très classique en bande dessinée. Ça se fera peut-être un jour...


Les Petites Comptines Malfaisantes
sont-elles inventées ou tirées de votre enfance ?


G.B. : Elles ne sont pas inventées puisque Billy Brouillard existe réellement ! (sourire) D’ailleurs, si on me proposait de réaliser une statue de Billy Brouillard, je refuserais. Ses histoires ont donc vraiment été écrites par le Diable en personne.


Quand vous étiez petit, vous ne portiez donc pas de tee-shirt à rayure avec un short ?


G.B. : Si, j’avais un tee-shirt super capuche et je m’étais vraiment ouvert la tête et j’avais eu un gros pansement sur le front. J’ai aussi véritablement trouvé mon chat mort dans le jardin et me suis posé des questions existentielles comme Billy Brouillard. Ma mère, pour me rassurer, me disait : « Si si on va mourir aussi mais dans très très longtemps. » J’ai aussi fait des misères à ma petite sœur. Le premier tome est très autobiographique. 
 


Propos recueillis par L. Gianati et L. Cirade

Bibliographie sélective

Ernest & Rebecca
1. Mon copain est un microbe

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Note: 4.8/5 (20 votes)

Billy Brouillard
1. Le don de trouble vue

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Note: 3.8/5 (109 votes)

Billy Brouillard
Les comptines malfaisantes

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Note: 3.6/5 (14 votes)

Zizi Chauve-souris
1. Cheveux rester

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Note: 3.9/5 (9 votes)

Information sur l'album

Ernest & Rebecca
5. L'école des bêtises

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Note: 4.8/5 (4 votes)