Futuropolis revient par la même occasion à ses premiers amours pour une Bande Dessinée "à prix raisonnable", chaque album de la collection 32 étant vendu à un prix unique de 4,90 euros.
Le Directeur de la collection, Luc Brunschwig, nous explique l'esprit de 32 :
Comment définissez-vous le principe de la collection 32 ?
C'est la possibilité pour les auteurs de réaliser des récits nécessitant plusieurs centaines de pages, mais étape par étape, en revenant très régulièrement auprès des lecteurs pour leur présenter l'avancée de leurs travaux (nous pouvons publier jusqu'à 3 albums d'un même titre par an).
C'est surtout, pour les lecteurs, la possibilité de s'intéresser à un vrai feuilleton, de s'attacher à des personnages et un univers, d'acheter très régulièrement leur histoire favorite sans que cela soit trop douloureux pour leur porte-monnaie, puisque le prix de vente de cette collection est de 4,90 euros.
Sur quels critères avez-vous décidé de ce format de 32 pages ? Par soucis économique ou est-ce une forme plus appropriée pour la création ?
En discutant avec Sébastien Gnaedig (le Directeur Général de Futuropolis) nous nous sommes rendus compte que le vrai problème de la série, en France, c'est le temps trop long qui s'écoule entre la parution de deux chapitres d'une même histoire. Le feuilleton réclame que les auteurs prennent très régulièrement rendez-vous avec les gens qui les suivent. C'est ce qui fait toute la force et toute la convivialité des séries TV, dont les épisodes reviennent d'une semaine sur l'autre.
Ce qui fait aussi la force des Mangas et des Comics.
Or, en France, nous n'avons aucun format qui permet cela. On peut, au mieux, espérer une sortie tous les 9 mois (dans des cas très rares).
"Rendez-vous régulier", signifiait aussi que ce rendez-vous devait être abordable pour les gens d'un point de vue financier. Pas question d'arracher tous les 3 ou 4 mois, 13 euros à nos lecteurs. D'où l'idée d'un grand format souple moins cher qui n'en reste pas moins un magnifique objet.
En ce qui concerne le point de vue créatif, le format 32 pages permet de vraies révolutions. Grâce à cette pagination, l'auteur peut réaliser de véritables chapitres. Il n'est plus contraint de boucler son histoire au bout de 46 pages. Il peut donc prendre le temps de développer la psychologie de ses personnages, l'originalité de ses scènes et de l'univers dans lequel les héros évoluent.
Il peut aussi tenter des narrations et des rythmes différents à chaque nouveau 32, des changements de point de vue audacieux.
Mais surtout, en installant cette collection au coeur de Futuropolis, nous permettons aux auteurs de s'attaquer, par le biais du feuilleton, à des thématiques lourdes, inattendues : la guerre, les faits de société, la politique...
Le rythme de parution des albums est-il le même selon les séries ? Ainsi que le nombre d'albums que chaque série constituera ?
Nous adaptons nos rythmes de sortie au rythme de nos auteurs. Certains produisent très vite, d'autres plus lentement, mais tous ont envie qu'il ne s'écoule pas plus de 6 mois entre la sortie de deux 32.
En ce qui concerne le nombre des chapitres, c'est l'histoire qui le définit. Pour l'instant, les séries que nous développons comportent un minimum de 9 "32"... mais Le Monde de Lucie se déclinera sur par moins de 18 fascicules, Après la Guerre sur 15...
Vous demandez à vos auteurs de produire à un rythme soutenu. Cela implique une forte productivité et une motivation tout aussi forte. Comment un Directeur de collection gère t'il cela ?
Avec une batte de base-ball et un chéquier :)
Non. En fait, je crois que beaucoup d'auteurs de ma génération ou de la génération manga, ont cette envie d'une production plus régulière, de grande histoire un peu différente de ce qu'on peut développer dans les formats franco-belge classiques.
Comprenant cette chance, ils s'investissent réellement pour être à la hauteur de l'enjeu et de la promesse faite aux lecteurs.
C'est assez facile, pour le moment (je touche du bois). Mon rôle est plus qualitatif que quantitatif. J'accompagne les auteurs et n'hésite pas à les pousser dans le "mieux" et l' "originalité", si besoin est... je fouette encore assez peu :)
A l'époque où la BD se faisait dans les magazines, la plupart des Rédacteurs en Chef étaient scénaristes. Aujourd'hui les magazines ont quasiment disparus, mais on retrouve des scénaristes Directeur de collection. Votre métier serait-il le plus approprié pour conduire les choix éditoriaux ?
Je ne pense pas qu'il faille être scénariste pour être un bon directeur de collection. Pour moi, le meilleur directeur de collection sur la place est Sébastien Gnaedig qui vient de la fabrication des livres (il est l'ancien chef de fabrication des Humanos et de Delcourt).
Par contre, je pense que l'envie du feuilleton est très liée au métier de l'écriture. Un grand feuilleton a besoin d'une base d'écriture extrêmement solide, une exigence qui est évidente pour un scénariste, peut-être moins pour un directeur de collection plus classique qui peut se laisser plus facilement attendrir par un beau dessin.
Comment alliez-vous votre double casquette : responsable d'une collection, et auteur dans cette même collection ?
En demandant à Sébastien Gnaedig, mon ami et mon boss, de rester mon directeur de collection, le regard extérieur sur ma production. J'ai une totale confiance en lui pour ne pas me louper si jamais je suis en deçà de ce que je peux offrir. C'est vraiment ce que j'attends de lui... c'est d'ailleurs notre combat à tous les deux sur cette collection : une pagination light, mais des chapitres parfaitement traités, denses et forts, comme un bon uppercut dans l'âme des lecteurs.
Le thème de la guerre est très présent dans les premiers titres de la collection 32. Est-ce voulu ?
C'est un hasard. Il s'est trouvé que les thématiques offertes par ces 4 premières histoires se recoupaient... le sentiment imminent d'une guerre ou de la fin d'un certain monde étaient très présents.
Au début, nous étions un peu ennuyés de ces ressemblances. Cependant, le traitement de chacune des histoires était très différent. C'était pour nous la preuve que nous étions en train de réaliser de la vraie BD d'auteurs. Un même thème décliné avec la forte personnalité de scénaristes, de dessinateurs et de coloristes aux points de vues et aux langages très affirmés, très personnels.
Quels sont les autres projets de la Collection 32 ? Combien de titres pourrez-vous suivre en même temps ?
2006 va voir la naissance de 3 ou 4 séries supplémentaires. "James Dieu" de Fred Pontarolo, une fable irrésistible sur un couple de Chicanos qui découvrent Dieu dans une cannette de Coca, "Holmes" que j'ai écrit pour Cécil (le dessinateur du Réseau Bombyce), une longue enquête menée par le docteur Watson sur son ami détective après que celui-ci ait trouvé la mort aux Chutes de Reichenbach, "Genetiks" de Marazano et Ponzio qui raconte la privatisation du génome humain par un laboratoire pharmaceutique tout puissant et "Chaabi" de Marazano et Delaporte, qui nous parle de l'Inde d'aujourd'hui et d'hier... où la révolte est la seule façon d'échapper à sa condition.
2007, verra la naissance de deux autres séries : Vies Imaginaires des Surréalistes de David B. qui racontera les rencontres possibles et improbables d'hommes et de femmes ayant participé au mouvement "Surréaliste" et "London Calling" de Runberg et Phicil, voyage à la fin des années 80 de deux français dans l'Angleterre post-thatchérienne.
On va déjà voir avec tout ça... je suis déjà quelques autres pistes très prometteuses, mais on va un peu temporiser les choses, histoire de voir quel accueil le public nous réserve.
En espérant qu'il nous prêtera vie.
Les premières planches des albums qui inaugurent la collection sont consultables sur BDGest' :
GUERRES CIVILES de Jean-David Morvan, Sylvain Ricard et Christophe Gaultier
LE MONDE DE LUCIE de Kris et Guillaume Martinez
APRES LA GUERRE de Luc Brunschwig, Freddy Martin et Vincent Froissard
L'IDOLE DANS LA BOMBE de Stéphane Presle, Jérôme Jouvray et Anne-Claire Jouvray