Dix ans, ça se fête ! Créées en 2003 par Guillaume Trouillard à la sortie des Beaux-Arts, les éditions de la Cerise occupent désormais une place de choix dans le paysage du 9ème Art. Sa marque de fabrique ? Privilégier la qualité plutôt que la quantité. De Colibri à Balthazar, la poignée d'albums présents au catalogue ont étonné par leur audace graphique ou par le choix de leur thème. En parallèle, la revue Clafoutis, dont le cinquième numéro vient de paraître, est un véritable laboratoire créatif dans lequel quelques auteurs viennent y partager leurs expériences dans un joyeux méli-mélo.
Souffler les dix bougies des éditions de la Cerise, était-ce quelque chose d’inespéré quand vous avez créé cette structure ?
Guillaume Trouillard : Dans ce genre d’aventure, je crois qu’au début on essuie les plâtres et on ne regarde pas beaucoup plus loin que le prochain livre à réaliser, et pourtant j’ai l’impression que les choses ont toujours été pensées sur le long terme.Quelles ont été vos motivations quand vous avez décidé de vous lancer dans ce projet ?G.T. : Une recherche d’indépendance et d’autonomie conjuguée à la flemme de démarcher les éditeurs. Dans cette bande de camarades de promo des Beaux-Arts, nous avions l’impression d’avoir quelque chose de cohérent et particulier à présenter ensemble. À la fin de la scolarité, au moment où chacun allait repartir de son côté, j’ai décidé de faire le grand saut dans le monde de l‘édition pour que cette émulation ne meure pas. Évidemment, je n’avais aucune idée de ce dans quoi je venais de m‘embarquer.
Le monde de l’édition a-t-il changé depuis 10 ans ? La concentration des principaux éditeurs par le biais de grands groupes (Media Participations, Flammarion…) laisse-t-elle encore un peu de place à des petites structures comme la vôtre ?
G.T. : Je ne sais pas si nous ressentons à notre niveau la concentration que vous évoquez, par contre le phénomène d’inflation de la production, oui ça ne fait aucun doute. Les livres sont commandés de plus en plus timidement par les libraires,et ils reviennent de plus en plus vite car, logiquement, il y a de moins en moins de place. Ça devient très compliqué.
Comment jonglez-vous avec vos deux casquettes, celle d’auteur et celle d’éditeur ?
G.T. : Ça n’a pas toujours été simple de tenir à bout de bras cette structure pendant autant d’années tout en essayant de maintenir une activité d’auteur. Et comme en plus je suis quelqu’un de très mal organisé, j’ai souvent frôlé l’implosion. Mais bon, j’essaie depuis quelques temps de trouver des solutions pour déléguer et parvenir à un bon équilibre. Je ne suis plus seul à m’occuper de la Cerise, et je me demande maintenant pourquoi c’est arrivé si tard.
En marge des albums édités, la revue Clafoutis présente un joyeux méli-mélo de jeunes (et moins jeunes) artistes. Comment choisissez-vous les récits publiés ?
G.T. : Dans la majorité des cas, les auteurs sont contactés pour faire une création spécifique pour la revue, ce sont très rarement des récits déjà existants. De ce fait, il s’agit d’un désir partagé d’essayer des choses, dès que les auteurs ressentent le besoin de s’offrir cette pause entre deux projets.
Avoir l’opportunité d’expérimenter une nouvelle technique graphique ou narrative dans le cadre d’une
revue comme Clafoutis avant de réaliser un album, c’est quelque chose d’important pour un auteur ?
G.T. : Je pense que c’est vital. Pour moi en tout cas, ça l’est. Et je crois pouvoir dire que les camarades qui participent au Clafoutis recherchent aussi ce genre de bouffées d’air.
Avoir contribué à l’éclosion de jeunes talents comme Vincent Perriot, est-ce une fierté ?
G.T. : Sincèrement, pas plus que de publier des talents qui n’ont jamais éclos. Quant à Vincent, c’est mon ami, il partage mon atelier, nous travaillons ensemble depuis tellement longtemps, ce n’est pas de fierté dont il s’agit.
Dix ans, c’est l’occasion de jeter un œil derrière son épaule mais aussi de regarder devant soi. Comment imaginez-vous la prochaine décennie ?
G.T. : Je l’imagine pleine de beaux projets, et il y en a déjà pas mal sur le feu. En espérant que les conditions pour les réaliser ne se dégradent pas de trop.
G.T. : Je ne peux qu’avoir de la sympathie pour les initiatives d’auteurs s’appropriant les outils de production. J’ai d’ailleurs été contacté pour participer à ces deux projets qui sont, avec d’autres, la preuve du dynamisme actuel dans ce secteur. Maintenant, je resterai toujours plus concerné par le contenu que par la technique de diffusion, je dis ça parce que j’ai le sentiment que le côté « nouveau » du support numérique a focalisé toute l‘attention. En ce qui concerne la Cerise, n’étant pas moi-même un grand fanatique de la question technologique, je pense que l’on ne suivra tout ça que de très loin, à part peut-être s‘il en va de notre survie. J’ai choisi ce métier pour le contact du crayon sur le papier et le frottement des pages, ce n’est pas un détail.
Avez-vous une idée du prochain album édité ?G.T. : Il s’agira du premier volet de La Fille Maudite du capitaine pirate, une trilogie entamée par un jeune prodige américain, Jeremy Bastian. Un dessin qu’on croirait venir d’un autre siècle, tout en enluminures, fourmillant de détails, un travail de fou ! Ça, c’est pour le prochain album de bandes-dessinées, avant nous sortirons un livre de dessin, une sorte d’inventaire graphique que j’ai entamé à la naissance de ma fille. Très proche de tout ce que j’ai fait jusqu’à présent mais dans un autre registre.