Avec Mâchefer, on ne quitte pas le domaine de la science-fiction, mais à une réflexion sérieuse et poussée sur le devenir de la Terre, Duval préfère ici le pur spectacle : grosses bagnoles et gros flingues, belles pépètes et démonstrations de testostérone. Non sans finesse, toutefois, car le scénariste manie aussi un humour des plus réjouissants. Résultat ? Une histoire qui se lit d’une traite : les scènes s’enchaînent à merveille et le mouvement est on ne peut mieux rendu par un dessin soigné qui va à l'essentiel. Ajoutez à cela des dialogues d’un naturel peu courant en bande dessinée, et vous obtenez un cocktail explosif.
Si les trois albums sont plus ou moins indépendants au niveau de l’intrigue, il est essentiel de les lire dans l’ordre de parution. En effet, pour léger que soit le scénario, l’auteur n’en attache pas moins une grande importance aux personnages, à leurs relations et à leur personnalité respective. Les personnages, voilà certainement ce qui fait le sel de cette petite série pourtant riche en action. C’est par eux que l’on découvre un monde de courses automobiles extrêmes où tous les coups, surtout les plus bas, sont permis, voire encouragés. De cet univers violent, fait de destins tragiques et de rancœurs tenaces, où se côtoient honnêtes commerçants et chasseurs de primes sans pitié, le lecteur ne sait finalement pas grand-chose. À peine aperçoit-on les vestiges d’une technologie avancée, reliquats d’une époque révolue que se disputent avec avidité ceux qui croient en la loi du plus fort. Et ils sont nombreux, cela va de soi.
Les seconds rôles de qualité ne manquent pas et témoignent de l'attachement des auteurs à la littérature de genre. Sans tous les citer, il est clair qu’aux côtés de Mâchefer et de Jean-Mi, sortent du lot un Bothrops plus à l’aise derrière un volant que pour conquérir le cœur de la belle Mintaka et un Corman qui, quitte à jouer au jeu des comparaisons, ne manque pas de points communs avec Kodo, le tyran de Spirou et Fantasio époque Fournier.
Le mot du scénariste :
« Mâchefer était l’occasion de proposer une série de science-fiction avec un ton et un traitement semi-réalistes. C’était une manière de m’adapter au trait du dessinateur, mais également d’écrire des dialogues plus humoristiques qu’à l’habitude. Avec le recul, les situations et les intrigues reposent bien sur des outrances de comédie, mais le fond des 3 histoires, basé sur un monde post-apocalyptique (ou monde oublié), décrit une société qui tente de se reconstruire à travers des personnages qui ne vivent pas dans « la cité », Jean-Mi étant le locataire typique de « la caverne ». C’est assez triste, car ça parle beaucoup de solitude. »
Remerciements à Sébastien Vastra pour l'image inédite qui ouvre cet article.
David Wesel