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''Fantômas ? Je ne sais pas ce que c’est mais ça fait peur.''

Entretien avec Olivier Bocquet et Julie Rocheleau

Propos recueillis par L. Cirade et L. Gianati Interview 11/03/2013 à 17:12 7701 visiteurs
Retrouver Fantômas au centre d'une nouvelle série prévue en neuf tomes aux éditions Dargaud, voilà l'une des bonnes surprises de ce début d'année 2013. Loin de l'image grand-guignolesque véhiculée par les films d'André Hunebelle, avec Jean Marais et Louis de Funès en têtes d'affiche, ou de celle, beaucoup plus austère, de la poignée de téléfilms diffusés au début des années 80, Olivier Bocquet livre une version dynamitée et violente, beaucoup plus proche des romans originaux écrits par Pierre Souvestre et Marcel Allain au début du XXe siècle. Servi par le dessin explosif et coloré de Julie Rocheleau, le premier tome de La Colère de Fantômas, récent coup de cœur de la rédaction, est à découvrir d'urgence.

S’attaquer à un monument comme Fantômas pour un premier album de bande dessinée, c’est un pari risqué ?

Olivier Bocquet : C’est en constatant que Fantômas était un mythe sans que personne n’en fasse rien que l’idée de cette adaptation m’est venue. C’est un peu comme si le personnage de Batman dormait dans un placard dans les années soixante après la série avec Adam West, et qu’on l’avait oublié. Quelques archivistes de la littérature populaire se sont fendus de faire des recueils, des essais ou de la doc mais personne ne s’est occupé de reprendre le personnage de Fantômas et de le moderniser. Quand je me suis rendu compte de ça, je me suis dit : « Mais quelle chance ! ».

N’avez-vous pas eu de soucis avec les ayants droit ?

O.B. : La première chose que j’ai faite a été de les contacter. Au départ, je n’ai pas eu le réflexe « BD » et je pensais plutôt écrire un scénario pour le cinéma. Je savais que les droits étaient détenus par Thomas Langmann mais il n’a jamais lu mon scénario. Par dépit, je me suis tourné vers la bande dessinée. J’en lisais beaucoup mais je n’avais jamais pensé à en écrire. J’ai donc contacté les ayants droit et j’ai appris que les droits étaient libres. Je leur ai envoyé mon scénario et ils m’ont immédiatement donné leur accord en me disant que j’étais la seule personne à avoir vraiment compris le personnage de Fantômas.

Avez-vous relu l’intégralité des romans ? Comment avez-vous choisi de découper l’histoire de Fantômas ?

O.B. : Il y a trente-deux romans écrits par les auteurs originaux. Puis, l’un des deux survivants après la guerre de 1914 en a encore écrit huit ou neuf tout au long de sa vie. Au départ, j’ai lu les douze derniers, les autres étant plus difficiles à trouver. J’ai également vu les cinq premiers films de Feuillade. Puis j’ai récupéré au fur et à mesure les bouquins qui me manquaient et j’en ai lus au final peut-être vingt ou vingt-cinq.

Parmi toutes ces lectures, comment avez-vous choisi les éléments qui ont composé votre bande dessinée ?

O.B. : Le principe du plaisir a été l’élément primordial. Les romans ont été écrits très vite, trente-deux en deux ans. C’est aussi pour ça que les surréalistes les ont aimés, à cause d’une écriture quasi-automatique qui rendait les histoires parfois sans queue ni tête mais avec des idées géniales ou des inventions incroyables. J’avais envie de fabriquer quelque chose qui se tienne, ce qui n’était pas le cas dans les Fantômas originaux. J’avais toute liberté pour faire ce que je voulais et construire une vraie histoire, tout en reprenant les fondamentaux.

Qui est vraiment Fantômas ? Le côté Mister Hyde d’un Arsène Lupin ou l’archétype d’un Super Vilain ?

O.B. : Pour à peu près tout le monde, dans l’imaginaire collectif, Fantômas est un Arsène Lupin cruel. Mais en fait, ce n’est pas du tout ça. C’est un pur méchant. C’est ce qui m’a fasciné : quelle autre grande série populaire, roman, film ou bande dessinée porte le nom du méchant ? Dans le premier tome, on peut imaginer Fantômas comme un Robin des Bois sanguinaire. On verra par la suite que son but n’est pas de redistribuer les richesses.

C’était étonnant pour l’époque de ne pas trouver quelque chose de positif dans un personnage central…

O.B. : Fantômas a été inspiré par un personnage totalement oublié qu’on a beaucoup de mal à trouver même chez les bouquinistes : Zigomar. C’était déjà un personnage avec une cagoule rouge. Alors que Zigomar est tombé dans les oubliettes, un an après, Fantômas a eu du succès. La première phrase du premier roman est d’ailleurs : « - Fantômas. – Vous dîtes ? – Fantômas. Je ne sais pas ce que c’est mais ça fait peur.» C’était ça le projet. Il fallait que ce personnage fasse peur, qu’il soit vraiment méchant. Comme dit Hitchcock, plus le méchant est bon, plus l’histoire est bonne. Pour Fantômas, plus le méchant est bon, plus les héros sont héroïques. Les décors également se doivent d’être grandioses. C'est un peu ce qu’il s’est passé avec la Dramatique Radio ou l’adaptation de Chabrol au début des années quatre-vingt. C’était plan-plan, dans le style « Fantômas au pays de Mégret ». Imaginez que Superman s’appelle Lex Luthor ou que Sherlock Holmes porte le nom de Moriarty, et on change complètement le produit.

Saura-t-on un jour pourquoi Fantômas est-il aussi méchant ? (sourire)

O.B. : Je ne vais pas sortir de mon chapeau une explication psychanalytique à deux balles comme on peut le faire aujourd’hui. Personne ne sait pourquoi Le Joker est méchant et ça me convient très bien. Si on va au bout des neuf tomes que j’espère pouvoir faire, il y aura un truc qui fera dire au lecteur : « Ah oui, c’était donc ça. » Mais il n’y aura pas d’enfance malheureuse, d’enfant maltraité, de problème d’héritage… C’est une erreur de toujours vouloir justifier les personnages.

L’un des premiers personnages rencontrés est Georges Méliès. Souhaitiez-vous dès les premières pages asseoir votre histoire dans un Paris très réaliste ?

O.B. : Le Paris réaliste n’était pas du tout notre but. On souhaitait plutôt un Paris fantasmé. Mais il y a des personnages forts et intéressants à cette époque-là et c’eut été dommage de s’en passer. Georges Méliès ne vient pas uniquement faire de la figuration à la première page du premier tome. On va le revoir. Tout comme Feuillade. Il y a un lien très fort entre Fantômas et le cinéma. C’est la raison pour laquelle j’ai fait naître Fantômas en même temps que le cinéma. Fantômas, tout comme le cinéma, c’est l’illusion et les faux-semblants. Et puis, Fantômas existe encore aujourd’hui grâce au cinéma. Feuillade a changé la façon de faire des films. À l’époque, ce n’était que comédies, documentaires ou trucs mignons. Alors qu’avec Fantômas, les gens allaient le voir pour se faire peur, ce qui était assez nouveau. Pour moi, les super-héros sont tous issus de Fantômas grâce à ça. Dans les années vingt, il y a eu une quinzaine de films aux Etats-Unis, tirés des livres de Fantômas et qu’on n’a pas vu en France, car ils ont été faits sans les droits. Toute une génération d’enfants et d’adolescents qui ont vu ces films sont les gens qui ont fait les comics de super-héros. Fantômas est vraiment lié à l’histoire du cinéma et j'ai trouvé pertinent de mettre des personnages liés au cinéma dans son histoire. Il y en aura d’autres sans pour autant que ce soit une volonté de faire du name dropping à tout prix. Ce procédé a souvent été utilisé depuis Alan Moore et souvent on l’utilise comme un gadget.

Comment ont réagi les éditeurs quand vous leur avez présenté une nouvelle version de Fantômas ?

O.B. : Le projet a été envoyé en même temps à Casterman et à Dargaud et les deux éditeurs ont voulu le faire. C’est finalement Dargaud qui a dégainé en premier mais le scénario a passé plusieurs mois sur le bureau de l’éditrice, Pauline Mermet. Elle avait d’abord pensé que c’était quelque chose d’un peu poussiéreux qui n’avait pas forcément vocation à être édité. Dès qu’elle l’a ouvert, elle s’est dit « C’est super ! » et l’a fait lire à tout le monde. Pauline n’a pas voulu faire un produit formaté, arrondir les angles, ou faire que ce soit moins violent. Elle a compris qu’on ne donnait pas toutes les réponses dans le premier tome et que l’idée était vraiment de tenir sur la longueur. Elle a été totalement d’accord sur le choix de Julie au dessin qui a tout sauf un trait classique.

Julie, connaît-on Fantômas de l’autre côté de l’Atlantique ?

Julie Rocheleau : Ce personnage n’est pas vraiment connu au Québec. On sait vaguement que c’est un genre d’Arsène Lupin. Je connaissais un peu ce nom que j’avais entendu dans certaines chansons. Mais j’ai vraiment appris à le connaître en lisant le scénario. Je n’ai ni vu les films, ni les romans, ni les autres bandes dessinées de Fantômas. J’avais juste l’histoire d’Olivier et les quelques autres petites recherches que j’ai faites.

Comment crée-t-on le visage d’un personnage qui, justement, n’en a pas ?

J.R. : J’ai fait beaucoup de croquis. On a beaucoup travaillé sur sa silhouette pour que le personnage ait beaucoup de prestance. On a pensé à l’habiller en cuir ou en latex, mais on est finalement revenu à quelque chose de plus simple.

Ce qui est étonnant dans votre dessin est le nombre de plans différents sans faire appel à la perspective…

J.R. : J’aime bien ce style de composition, l’Art Déco, le collage… Tout cela véhicule plus d’émotions que l’utilisation de perspectives.

O.B. : Je voulais quelque chose qui éclate à la figure, faire du Tarentino en bande dessinée, avec plein d’onomatopées. Faire de la « bédoche » comme on dirait faire du « cinoche ». J’ai eu la grande chance de rencontrer Julie qui a le talent de réaliser des planches explosives, sonores, qui vibrent… Il se passe toujours quelque chose. Le même scénario porté par quelqu’un d’autre aurait pu être complètement plat.

Si l’on vous dit que votre dessin, notamment dans l’utilisation de la couleur, rappelle celui de Mattoti…

J.R. : C’est l’une de mes références. M’approcher de son dessin n’est pas forcément quelque chose de conscient.

Vous avez déclaré que pour vous, Fantômas est l’équivalent de Batman. Rêvez-vous que d’autres auteurs puissent s’approprier votre personnage pour en faire de nouvelles histoires, comme cela se fait dans le domaine des comics ?

O.B. : Mon sacerdoce est vraiment de remettre Fantômas comme personnage important de la culture populaire adulte française voire européenne ou même mondiale du 21e siècle. Tout cela passe par une histoire ambitieuse. J’aimerais faire une sorte d’œuvre maîtresse et qu’elle donne à d’autres l’envie d’utiliser ce personnage. Si à la fin de notre histoire, certains auteurs étaient motivés pour se dire « J’ai envie d’écrire ma propre histoire de Fantômas », ce serait une réussite totale pour Julie et moi. Il y a une telle richesse, que l’on peut faire ce que l’on veut avec : des spin-off, changer l’histoire… J’adorerais voir le Fantômas de Lewis Trondheim, de Manu Larcenet ou de Rabaté voire d’Alan Moore.

Trois séries de trois albums soit neuf tomes au total. Vous avez signé pour un long bail !

JR : On en a pour une dizaine d’années, si tout va bien. Il faudra penser à prendre un peu de vacances à moment donné. (sourire) Je suis en train de réaliser les dessins du deuxième tome.

O.B. : Je ne sais plus qui disait : « Si tu veux faire rire Dieu, parle-lui de tes projets ». On part sur dix ans, mais bon… (sourire)

D’autres envies de bande dessinée après cette première aventure ?

O.B. : J’ai quelques projets qui sont en gestation pour Dargaud. Casterman a été frustré de ne pas avoir eu Fantômas et m’ont demandé de travailler sur un projet qu’ils avaient. J’ai par ailleurs d’autres histoires dans un genre très différent de Fantômas. J’ai pris le risque aujourd’hui d’arrêter toutes mes autres activités pour me consacrer à la bande dessinée.
Propos recueillis par L. Cirade et L. Gianati

Information sur l'album

La colère de Fantômas
1. Les Bois de Justice

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