Enfin une série concept chez Soleil ! Le thème de l’Heroic Fantasy était-il une évidence ?
Jean-Luc Istin : Soleil s’est développé sur de nombreux axes depuis sa création mais il est de notoriété publique que notre maison d’édition s’est forgée une solide réputation grâce à la Fantasy. À tel point que certains lecteurs pensent encore que Soleil fut la première maison d’édition à en faire. Ce qui, bien entendu, est erroné. Quand on pense Fantasy, on pense souvent Soleil. Alors, c’est le genre idéal pour se lancer dans une série concept différente des autres.
Comment avez-vous conçu cette collection avec Nicolas Jarry ?
J-L. I. : Un simple coup de fil aura suffi. Mais ne me demandez pas les détails. Je sais juste que Nicolas Jarry était bien plus motivé que je ne l’étais. À tel point, que dans les jours qui ont suivi notre conversation, il avait déterminé les races possibles et leur fonctionnement. Il a ensuite rédigé une première approche des mondes d’Arran. Puis, après maints échanges, avec le concours des autres auteurs, nous sommes parvenus à ce qui existe aujourd’hui.
De quelle façon s’est déroulé le casting pour recruter les auteurs du projet ? Comment s’est effectuée la répartition des différentes races d’elfes ?
J-L. I. : Vous savez, ça date tout ça. (Mourad Boudjellal était encore aux commandes à l’époque). Je vais donc sans doute me tromper parce que c’est un peu flou. Il me semble qu’une fois encore, j’en ai parlé à Nicolas Jarry et qu’il a aimé la liste d’auteurs que je proposais. Je voulais des artistes qui s’y connaissent en Fantasy et qui apprécient le genre. Mais surtout, je voulais de bons scénaristes. Ensuite, pour les attributions des races, elles se sont faites sans soucis. Seulement, pour Corbeyran et Jean-Paul Bordier, arrivés plus tard dans l’aventure, il ne restait plus que les semi-elfes, ils ont du faire avec ! (sourire)
Ce premier tome donne le sentiment de s'adresser aux novices de la fantasy... Le fait de s'orienter vers un format de type "enquête" plutôt classique est-il d'y parvenir ?
J-L. I. : Vous pensez que par le biais d’une enquête, je touche plus aisément les « novices » de la fantasy ? Ce n’est pas l’idée. Le choix d’une enquête vient tout simplement du fait que j’aime avant tout les thrillers et les polars. Il suffit de lire ce que j’écris depuis toujours pour s’en rendre compte. Les Druides, Le Cinquième Évangile sont des enquêtes. Une fois encore, installer une enquête me séduisait personnellement. Des cadavres, et la question « qui a tué ? », ça me donne toujours envie d’en savoir plus en tant que lecteur. Donc, j’ai décidé « d ‘assassiner » des centaines d’Elfes et de créer deux personnages afin de mener l’enquête. Ensuite, si ça aide les « novices » à accepter un univers inventé de toute pièce, et bien, il n’y a rien qui ne me fasse plus plaisir.
Une cinquantaine de pages pour installer un monde imaginaire et présenter différents peuples c'est une gageure, non ? Ou pensez-vous que Soleil en BD, Peter Jackson avec Le Seigneur des Anneaux au cinéma ou Le Trône de Fer en roman et à la télévision ont initié un large public à ces mondes ?
J-L. I. : Ce n’est pas moi qui le pense. Les chiffres parlent d’eux même. Énormément de lecteurs sont désormais habitués à ce type d’univers. Et puis, vous dites 50 pages ? Non. Deux cent cinquante pages pour un univers car n’oubliez pas qu’on a travaillé sur cinq tomes.
Qui a conçu la cartographie du Monde des Elfes ?
J-L. I. : Olivier Peru a jeté une première maquette, puis elle a évolué en fonction des récits de chaque auteur. Elle a été finalisée par notre maquettiste, Gaelle Merlini en fonction des indications de chacun.
Comment fait-on pour créer des mondes nouveaux en Heroic Fantasy ?
J-L. I. : Ici, la création d’un monde nouveau n’a pas forcément d’intérêt, en tout cas moins d’intérêt que les personnages développés dans chaque histoire. Bien entendu, il a fallu créer ce monde mais il est très semblable à tous les autres mondes de Fantasy, ce n’est pas dans une simple carte qu’est l’intérêt de cette aventure. Comparons cela à la seconde guerre mondiale. Il ne vous a pas échappé qu’un bon nombre d’auteurs participent à des albums liés à cette époque de notre histoire. Bien.
Le cadre n’est donc pas des plus originaux, mais c’est la façon dont on manipule les personnages qui le devient, pour peu qu’on soit malin. En Fantasy, c’est la même chose.
Existe-t-il des interactions entre les différents albums ou chacun est-il totalement indépendant ?
J-L. I. : Chaque album est indépendant mais on peut trouver des clins d’œil d’un album à l’autre. Par exemple, dans le tome 5, La dynastie des Elfes noirs, vous trouverez des elfes bleus et dans le tome 1 Le Crystal des Elfes bleus, vous découvrirez un elfe noir et je fais référence à la mythologie développée par Marc Hadrien.
Elfes, c’est une seule saison quoiqu’il arrive ? Ou peut-on imaginer d’autres albums par la suite ?
J-L. I. : En fait, le dernier tome, le tome 5, s’ouvre sur une nouvelle saison. En tout cas, on l’espère vivement.
Les lecteurs du genre ont-ils évolué au fil des années ? Et les auteurs ?
J-L. I. : Pour les deux, je dirais que le niveau d’exigence a augmenté. Le cinéma et la TV sont en cause. Autrefois, lorsqu’un album de fantasy sortait, il n’y avait presque rien de comparable sur les écrans. Mais depuis les Peter Jackson et autres, on voit vivre les héros de Fantasy, les effets spéciaux n’ont plus de limite. Nos BD ont des limites : pas de musiques, pas de mouvements… Il faut donc développer autrement la fantasy sur papier, et donner l’envie à nos lecteurs d’y revenir.
un mot sur le travail avec votre dessinateur ?
J-L. I. : Sur Elfes Bleus, travailler avec Kyko, c’est le bonheur parfait. Il est très disponible et j’ai une sensation étrange : celle qu’il est dans ma tête. Quand je découvre ses pages, je suis toujours abasourdi. C’est très agréable de pouvoir s’appuyer sur son collaborateur vous savez.
Kyko, un scénario qui mêle vos deux thèmes de prédilection (polar et HeroicFantasy), vous ne pouviez pas rêver mieux ! (sourire)
Kyko Duarte : Bien sûr! Que serait la vie sans un bon polar ?
Comment passe-t-on techniquement de l’un à l’autre ?
K. D. : C'est un vrai défi. Ce sont deux mondes complètement différents mais, techniquement, ça revient au même. J'utilise la même technique. Sur le plan narratif, je me dois d'être clair. Il faut que le lecteur comprenne une scène rapidement. Conceptuellement, cela change. Dans un polar situé aux Etats-Unis, nous savons tous ce qui doit apparaître. Il y a beaucoup de documentation, et elle est très précise. Il y a une place pour l'inventivité mais elle est assez mineure. Le cadre est donc plus rigide. Dans le monde fantastique des Elfes, je me permets d'inventer, je peux créer quelque chose de plus. Il s'agit d'un mélange de milliers d'idées graphiques. Il y a des monstres, des créatures étranges, des architectures impossibles ... On est en pleine composition digne d’un rêve. Mais le point commun entre les deux genres est que je garde une idée claire. Je veux quelque chose de dynamique. Et je veux que les personnages soient élégants et charismatiques.
Pouvez-vous nous dire quelques mots de votre prochain album Dans la paume du diable ?
K. D. : 1946. Los Angeles. Un agent s'infiltre comme producteur de cinéma pour attraper un mafieux dangereux, Bugsy Siegel. Il contrôle le jeu et le monde du Hollywood. L'agent essaie de démonter tout le tissu mafieux. Mais ce n'est pas facile. Sa couverture est en danger continuellement. L'histoire se développe dans deux tomes.
Jean-Luc, votre actualité d'ici la fin de l'année ?
J-L. I. : Le Cinquième Évangile tome 3 pour mai
Templier tome 2 pour juin.
Nirvana tome 2 en juillet.
Le sang du dragon tome 7 et Excalibur chroniques tome 2 pour août
Ys la légende tome 3 pour la rentrée.
Et peut être aussi, Merlin le Prophète tome 3.
Avez-vous d’autres projets en duo ?
J-L. I. : Avec Kyko, nous travaillons sur un format Comics de 92 pages. Le titre est W.W.W. Mystic Lake. Et ce n’est pas une fantasy. Nous prévoyons la sortie du tome 1 pour le début de l’année 2014. C’est une expérience incroyable et je pense que nous atteignons avec elle une forme de jouissance créative, je parlerais même d’orgasme. (sourire)
Pour en découvrir plus sur l'univers de Elfes : Elfes : le dossier