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L’homosexualité dans la bande dessinée européenne

Iconographie et perspectives (3/3)

D. Wesel Webzine 18/03/2013 à 09:53 24569 visiteurs
Les auteurs adoptent les approches les plus variées pour traiter chacun à leur manière du thème de l’homosexualité. Entre le dessin brut de Fabrice Neaud et celui tout en douceur d’Algésiras, il y a autant de différences qu’entre le style flamboyant d’Emmanuel Lepage et celui plus potache de Ralf König. Au-delà de ces variations, existe-t-il une iconographie homosexuelle ? C’est une question que l’on peut légitimement se poser à la lecture de Jours tranquilles à Venise. Paolo Bacilieri y déploie un esthétisme très personnel dont il émane quelque chose de foncièrement homosexuel. La représentation des corps masculins, même en dehors de la seule scène sodomite de l’ouvrage, est on ne peut plus parlante. Il y a une vraie volonté de ne pas masquer la réalité, d’insister sur les défauts des corps, sur leurs imperfections autant que sur leurs charmes, avec parfois une certaine complaisance dans le détail des muscles ou au contraire des kilos en trop. Jamais rien n’est dissimulé, comme pour répondre à une volonté de transparence poussée à l’extrême.


On remarque que les dessinateurs s’emploient à tordre le cou aux clichés de l’homme efféminé et de la femme « camionneuse ». Côté filles, les personnages lesbiens sont représentés avec grâce, douceur et sensualité, loin de la bombe bisexuelle à la Jessica Blandy davantage destinée à un public mâle.


Côté garçons, c’est le retour à une certaine virilité, ou en tout cas à une représentation sans fard des corps, voire des sexes, dans un média qui a davantage tendance à dénuder les damoiselles. Dès 1979, le pionnier Alex Barbier avait tracé la voie avec son psychédélique Lycaons. OVNI à l’époque, il reste aujourd’hui un phénomène, pas plus facile à appréhender et unique dans sa catégorie. L’auteur y déploie une vision fantasmatique d’une maladie infectieuse qui ne dit pas son nom, mêlant effets lycanthropes à une sordide réalité. Graphiquement, sous des couleurs d’une rare violence, Barbier se plaît à représenter les corps, à les mettre en avant sans fausse pudeur. Les auteurs actuels sont dans la droite ligne de ce précurseur et offrent une belle vitrine à une masculinité peu habituée aux feux de la rampe, même si le recueil d’illustrations En mâles de nus avait eu le grand mérite d’exister.


Loin d’être une glorification, cette représentation de l’homosexualité dans l’art et les médias s’apparente davantage à un retour à la normalité, comme une façon de montrer les choses pour pouvoir en parler sereinement. La bande dessinée, comme toute forme d’expression artistique, a ici un rôle multiple à jouer : se souvenir du passé, témoigner du présent et se projeter dans l’avenir.

Le XXe siècle se sera ainsi apparenté à une lutte des homosexuels contre une intolérance qui peut prendre les formes les plus meurtrières : le désir de liberté de cette minorité sexuelle s’est en effet heurté à une idéologie et, plus largement, à un contexte de conflit mondial qui n'étaient guère propices à la tolérance. On l’oublie parfois, mais les camps de concentration nazis ont pour ainsi dire été inaugurés par des Allemands qui avaient le grand tort d’être homosexuels et de mettre prétendument en péril, par l’absence de descendance, l’avenir de la race aryenne. C’est cette réalité souvent dissimulée que dévoile Triangle rose, un album qui voit un survivant des camps se remémorer son passé dans l’Allemagne nazie. L’évolution du narrateur, entre jeunesse insouciante et vieillesse désabusée, illustre le résultat désastreux de cette discrimination qui ne s’est pas arrêtée avec la fin du conflit. Même du côté des vainqueurs, la situation n’était pas brillante : demandez à Alan Turing ce qu’il en pense, lui qui, poursuivi en justice pour son homosexualité, s’est vu forcer d’opter pour la castration chimique afin d’éviter la prison. Il finira par se suicider. Voilà qui est bien cher payé pour un homme qui, non content d’avoir joué un rôle majeur du côté des Alliés durant la Seconde Guerre mondiale, est aussi à l’origine de l’informatique moderne.


Face aux dangers qui ont guetté les homosexuels par le passé, et qui continuent à les guetter dans certaines régions du monde, les problèmes dont parlent des auteurs comme Julie Maroh, Hugues Barthe ou Fabrice Neaud peuvent paraître accessoires (cf. carte de l'homophobie dans le monde). Pourtant, le sujet reste brûlant et de la réponse apportée par la société à ces questions dépendra la vie de nombreuses personnes. La série Frances est une belle illustration contemporaine de la vie homosexuelle. Orpheline, Frances est recueillie par sa tante Ada, célibataire et lesbienne. En filigrane, Joanna Hellgren aborde avec finesse le thème on ne peut plus actuel de l’homoparentalité. Irène Théry, sociologue du droit et spécialiste de la famille qui a participé à l’élaboration du Pacs, a écrit les mots suivants dans un article publié sur Rue89 : « Pour décrire les nouvelles réalités – des couples de même sexe, de la procréation médicalement assistée, des familles homoparentales –, on ne peut pas se contenter de préjugés moraux et politiques, même favorables. Il faut mener tout un travail de la pensée pour mettre les bons mots sur ce qui se passe. Un travail d’imagination, d’éducation de la sensibilité aussi. Surtout. » Et si la bande dessinée aidait à défricher ce nouveau territoire ?

Première partie : La fiction, en phase avec la réalité
Deuxième partie : Du récit réaliste à l’autobiographie
D. Wesel