Comment réagiriez-vous si vous croisiez un ado aussi insolent que Jack Parks ?
Herik Hanna : On a difficilement envie de lui faire des bisous. Et il me hante déjà suffisamment pour ne pas avoir envie de le croiser en vrai.
Vous avez essuyé les plâtres d’une nouvelle collection en sortant le premier album de Comics Fabric…
H.H. : Sans le savoir. C’était au départ une proposition de David Chauvel, qui connaissait depuis très longtemps mon amour pour les comics. D’ailleurs, je n’avais travaillé qu’avec des artistes anglo-saxons. Je lui ai dit : « OK. Mais ça sera du super-vilain, du badass », le titre est resté. Il n’y avait aucune restriction sinon se faire plaisir et lâcher les vannes.
Être fan de comics et avoir l’opportunité de créer sa propre histoire de super-héros, c’est un vieux rêve qui se réalise ?
H.H. : Bien sûr. Pour Bruno (Bessadi, NDLR) aussi. C’était inespéré.
Un tome du Casse, un de la série Sept, un autre de La Grande Evasion, le quatrième tome de WW2… Vous avez signé un CDI avec David Chauvel (Sourire) ?
H.H. : Dans le boulot comme en amitié, je suis plutôt fidèle. Tout se passe très bien avec David. C’est lui qui m’a mis le pied à l’étrier en me donnant ma première chance sur Le Casse. Et puis on se complète assez bien, il est un peu plus technique que moi, notamment en ce qui concerne la mise en pages. C’est un vrai plaisir de bosser avec lui. Pourquoi s’en priver ?
Les contraintes étaient-elles moins importantes que pour les trois collections pour lesquelles vous avez travaillé ?
H.H. : Oui. Les collections étaient très cadrées, avec un cahier des charges à respecter. Pour Bad Ass, c’était : « fais ce que tu veux. »
Comment avez-vous trouvé le juste équilibre entre le respect du genre et le fait de pouvoir le détourner et réaliser avec humour une histoire bourrée de référence ?
H.H. : Je n’ai jamais essayé d’intellectualiser tout ça. J’ai vraiment voulu me faire plaisir et me laisser guider par ce personnage atypique qu’est Jack. Avec Bruno, on a juste essayé de faire du bon boulot.
Bruno Bessadi : Tout s’est fait de façon très naturelle.
H.H. : On ne se pose jamais ce genre de question en travaillant.
Choisir une ville américaine plutôt que française, c’était quelque chose de nécessaire ?
H.H. : C’était pour moi impossible de situer cette histoire en France. Pour jouer avec les codes, il faut d’abord respecter les fondamentaux, appliquer certaines grandes règles. Les Etats-Unis étaient une évidence. On a par contre essayé d’apporter des petites touches personnelles, comme l’épilogue, assez inhabituel dans les comics.
À la fin de ce premier tome, une question reste en suspens : quel est le super pouvoir de Dead End ? Une façon de jouer avec le lecteur ? Le saura-t-on un jour ?
H.H. : En général, quand les super-héros ou les super-vilains sont présentés, on connaît tout de suite leur pouvoir et on sait quelles capacités ils ont. Nous on voulait jouer avec ça, que ses pouvoirs, ou ses non-pouvoirs, fassent partie de l’intrigue. Il y a quelques éléments de réponse à la fin de ce premier tome. Est-ce que ça marche tout le temps ? Est-ce que c’est forcément ce que l’on croit ? On le saura par la suite.
Un super sans réel pouvoir, c'est ça l'approche moderne du comics de super balèze ?
H.H. : Il y a quand même des manifestations d’un pouvoir certain. C’est plutôt Millar qui avait posé ces bases dans Kick Ass. Nous, on voulait vraiment appartenir à la grande famille des pouvoirs démesurés.
B.B. : Il n’a pas un pouvoir spectaculaire visuellement. Il n’y a pas de rafales d’énergie ni d’explosions.
Vous faites super fort avec la troupe des héros de la fin, spécialement avec Eddie Looter...
H.H. : On nous en parle beaucoup ! Quand j’ai écrit Bad Ass, j’avais le début et la fin. Ensuite, il a suffi de suivre Jack entre les deux. J’ai voulu jouer avec les grands piliers des comics, et notamment avec la JLA de chez DC.
Bessadi : Pour moi, la Loutre est un mélange d’Howard The Duck et de Roger Rabbit. C’est un personnage un peu décalé qui va prendre un peu plus d’importance dans les prochains tomes.
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur The Voice ?
H.H. : C’est un personnage très rapidement évoqué dans le premier tome. On a respecté les grands axes de la tragédie, que Georges Lucas a ensuite repris dans Star Wars. Acte I : on présente les personnages. Acte II : les complications. Acte III : libération ou encore plus de complications. The Voice sera le personnage principal du deuxième tome.
Bruno, comment passe-t-on de l’Heroic Fantasy de Zorn et Dirna à une ambiance de comics version française ?
B.B. : C’est plutôt l’inverse… Dans mon cheminement professionnel, je suis passé du comics à Zorn et Dirna. Quand j’étais jeune, je lisais pas mal de Strange. J’ai fait beaucoup d’efforts pour glisser vers le Franco-Belge, moins pour revenir vers le comics, même si je ne me sentais pas encore cent pour cent à l’aise sur le premier tome de Bad Ass. Je me suis retrouvé sur ce projet grâce à un ami dessinateur, Stéphane Louis, qui a parlé de moi et de ma situation de l’époque à David Chauvel. Ce dernier m’a envoyé un scénario en me disant : « Lis-le et dis-moi ce que tu en penses. » J’ai répondu au mail avec beaucoup de retard mais finalement, j’ai été retenu.
Gaëtan, quelles consignes avez-vous reçu pour la mise en couleurs ?
H.H. : Avant de laisser Gaëtan répondre, je veux préciser que, pour une fois, nous ne voulions pas un duo d’auteurs qui, ensuite, passent à la couleur. On voulait vraiment avoir une équipe. Gaëtan a été implémenté très tôt dans le processus car, pour nous, les couleurs étaient primordiales dans le rendu de ce comics. On a vraiment bossé en trio et on a tenu à ce que son nom soit aussi sur la couverture.
Gaëtan Goerges : Pour avoir le contrat, j’avais commencé par faire des essais sur Sept Naufragés. Comme ça c’est bien passé, David Chauvel m’a envoyé deux autres essais à faire, dont Bad Ass. J’ai de suite accroché au dessin de Bruno et c’est comme ça que ça a commencé. J’ai eu à la fois beaucoup de libertés mais aussi beaucoup de retouches à faire quand les planches étaient visionnées par Bruno, qui est très pinailleur. Il y a eu beaucoup d’aller-retour, ce fut un travail de longue haleine.
Les quatre tomes prévus sont-ils déjà écrits ?
H.H. : Oui. Il nous reste aujourd’hui le travail quotidien de réalisation à trois, avec Bruno et Gaëtan. L’envie est là de, pourquoi pas, écrire un spin-off. Chaque personnage secondaire apporte son univers et on a très envie de les revoir. À chacune de leurs apparitions, il y a d’ailleurs leur nom logoté. On va déjà essayer de bien bosser sur ce premier arc.
Avez-vous imaginé une bande son pour Bad Ass ?
H.H. : Ce serait Deep Purple.