Qu’est-ce qui vous a donné envie d’aborder un sujet aussi difficile que celui de La Chair de l’Araignée ?
On était dans le même atelier avec Hubert et on parlait du problème des troubles alimentaires sans vraiment donner trop de détails. Puis Hubert a décidé d’écrire cette histoire et il m’en a parlé. Il a été troublé en voyant que ça me rappelait certains passages de ma vie. J’ai enrichi ce scénario de mon expérience et de mon vécu. Il avait surtout axé l’histoire sur le personnage masculin, je l’ai rééquilibrée avec le personnage féminin.
Comment avez-vous abordé graphiquement cet album pour garder suffisamment de distance, sans tomber dans le morbide ?
Cela vient essentiellement de mon dessin qui est assez technique, tout comme le logiciel que j’utilise, Illustrator. Il y a donc effectivement une certaine distance par rapport au sujet car c’est un dessin qui est très clinique, pas du tout intuitif.
Pour quelles raisons avoir dessiné deux personnages qui se ressemblent autant physiquement ?
Cela fait partie de la confusion des genres. Dans cet album, le corps n’a pas vraiment d’importance. L’adolescence est un état purement mental.
Pouvez-vous nous parler de l’origine des « nez-truffes » des personnages ?
Au départ, les personnages avaient des queues et des oreilles. Puis, finalement, on s’est dit que cela mettrait trop de distance avec le lecteur. On a donc supprimé les queues et conservé les truffes, ce qui a donné un côté sympathique aux personnages. En règle générale, j’aime bien les personnages anthropomorphes.
Quels retours avez-vous eu de vos lecteurs ?
Nous avons vu des personnes très touchées par cet album. Il vient de sortir en Allemagne d’où on a eu un excellent retour, très certainement parce que les allemands sont moins pudiques vis-à-vis de ce sujet. En France, on a beaucoup de mal à aborder ce genre de choses. On s’est rendu compte que beaucoup de personnes étaient passées par des problèmes de comportement alimentaire. C’est quelque chose qui est difficilement avouable.
Que vous apporte la BD par rapport à l’illustration ou l’animation ?
J’étais dans un atelier dans lequel mes collègues autour de moi faisaient de la bande dessinée. Je sortais de Peur(s) du Noir (film d’animation sorti en 2008, NDLR) et je souhaitais me lancer dans la bande dessinée. Je me suis trouvée confrontée à un découpage très différent de celui du cinéma.
Une façon aussi de vous diversifier ?
Oui. Je suis quelqu’un qui ne tient pas en place. Je ne peux pas me contenter d’un seul média. Je fais en ce moment du livre jeunesse. Chaque média enrichit l’autre.
Comment est né l’album Les Monstres de Mayuko ?
J’étais déjà bien imprégnée de films sur les monstres japonais. J’avais envie de raconter une sorte d’"Alice au pays des merveilles" en version japonaise.
Le Japon semble faire partie de votre parcours personnel, en quoi était-il important qu’il transparaisse dans cet album ?
Je ne connais pas très bien la bande dessinée alors que je connais mieux le Japon, sa culture, certains de ses films, son onirisme. C’est un thème que j’ai voulu transposer en bande dessinée.
Comment avez-vous abordé graphiquement cet album ? Les personnages semblent beaucoup plus en rondeur que ceux de La Chair de l'Araignée...
Dans La Chair de l’Araignée, ce sont des personnages qui souffrent. Il a fallu les faire plus anguleux que ce que j’ai l’habitude faire, ce qui a été très difficile pour moi. Mais ce qui a été encore plus difficile, ce sont les décors réalistes.
Dans quel domaine vous sentez-vous le plus à l’aise, le dessin ou l’écriture ?
La particularité quand je dessine et scénarise à la fois, c’est que je travaille les deux en même temps. Comme j’ai une technique de dessin informatique, je peux revenir en arrière. J’écris donc en dessinant. J’ai en général un fil conducteur. Quand je propose un dossier aux éditeurs, il est assez maigre en termes de contenu. L’album naît ensuite en le dessinant. Je fais ainsi beaucoup d’allers retours quand je fais un album. Parfois, je bifurque en cours de route. C’est pour ça que je mets aussi longtemps pour réaliser un album, en gros, un an. La technique est rapide mais elle permet aussi de peaufiner à l’infini.
Il existe donc des versions alternatives à cet album ?
Oui, bien sûr. D’autant que je les conserve en format numérique.
Peut-être faudrait-il songer à les sortir sous forme de bonus ? (sourire)
Pourquoi pas. Je n’y avais pas pensé ! (sourire) Il va falloir que je me repenche sur ce que j’ai fait précédemment.
Avez-vous d’autres projets de bande dessinée ?
J’ai un autre projet avec Hubert, La Ligne Droite, qui devrait sortir à l’automne 2013, toujours dans la collection "1000 Feuilles" chez Glénat. Le récit se passe en Bretagne et a pour sujet un adolescent à qui va se révéler son homosexualité. Je viens également de signer un autre projet chez Gallimard Jeunesse, un projet où je suis toute seule. Il s’agit de l’histoire d’un petit garçon qui rêve de devenir pâtissier mais dont la maman souhaite qu’il devienne pianiste. Pour le moment, je ne suis pas sûre d’être suffisamment endurante pour me lancer dans une série.