Art Spiegelman raconte dans Métamaus (1) combien il avait trouvé inepte l’exposition « High and Low : Modern art and popular culture » au MOMA de New York, présentant côte à côte d’immenses tableaux de Miro et des planches de Krazy Kat. Préjugeant, jusque dans son titre, de la supériorité d’un art sur l’autre, la maladresse venait de mise en compétition des deux formes d’expression. L’exposition « Une autre histoire – L’œuvre peint » évite cet écueil puisqu’elle met en regard des œuvres du même auteur. Il ne s’agit plus de savoir si Rubens est meilleurs que Druillet mais de montrer ce qu’un artiste reconnu dans son art de prédilection peut proposer dans un autre. Pour évident qu’il soit, un constat s’impose à la fin de la visite : rares sont les élus qui excellent dans les deux disciplines. Les plus grands auteurs sont capables de commettre des croutes qui ne trouveraient même pas acquéreurs dans un vide-grenier.
Les auteurs présentés se regroupent en quatre catégories. Tout d’abord, ceux qui se contentent de reproduire platement leurs héros sur la toile. Viennent ensuite ceux qui ont une totale maîtrise de la peinture, à l’instar de Schuiten et Moebius, mais qui, là encore, ne font que transposer leurs univers sur un autre médium. Le troisième groupe est constitué des illustrateurs qui font de la bande dessinée. A la frontière entre les deux arts, des artistes comme Loustal ou encore Mattotti sont capables de se couler indifféremment et avec aisance dans les deux moules. Pour finir, viennent les artistes qui ont une conception et une pratique radicalement différente de la peinture et de la bande dessinée, à l’image de Joseph Gillain dont le nu saisit le visiteur dès le début de l’exposition. Étrangement, c’est dans dernier groupe que se rejoignent les routards de la vieille école et la jeune génération. Qui aurait pu croire Will si proche de David B ?
Quand au clou de l’exposition, une toile inédite d’Hergé, au visiteur de voir dans quelle catégorie il classe cette création.
Si l’exposition virtuelle ne permet pas, dans le cas précis de la peinture, de se faire une idée du travail de la matière, l’initiative est à renouveler sans réticence pour la bande dessinée, par exemple avec l’excellente exposition « Cent pour cent ».
Exposition virtuelle : Une autre histoire - L'oeuvre peint
(1) "L'exposition « High and Low: art moderne et culture populaire » du musée d’Art moderne tentait de traiter la question, qui commençait alors à devenir à la mode, de l’interaction entre les arts populaires et ceux plus rares. Malheureusement, l’exposition n’a pas su saisir l’occasion, se contentant d’entériner les goûts et prédispositions affichés de longue date par le musée. Il y avait des peintures de Lichtenstein et ensuite, dans une petite vitrine, les malheureuses planches de BD qu’il avait reprises pour composer ses immenses peintures, sans même citer le nom des artistes de BD - confirmant ce qui est implicite dans les peintures de Lichtenstein : les artefacts originaux étaient tout à fait méprisables. Des tableaux de Miró étaient accrochés au mur à côté de Krazy Kats, parce que, d’après ce que j’ai pu comprendre, les deux comportaient des croissants de lune et des paysages surréalistes. J'appréciais les deux oeuvres, mais c’était très maladroit de les placer côte à côte. Franchement, le Herriman, si superbe soit-il, n’adhère pas aussi bien au mur qu’une œuvre conçue à cet effet. Tel que je l’ai compris à l’époque, la conclusion était : «Je crois bien que les tableaux sont gagnants aux murs et les BD gagnantes au catalogue. » Les BD s’en sortaient mieux, car prévues pour être reproduites. Dans l’ensemble, l’expo a paru traiter avec condescendance les artefacts de l’art mineur." - Art Spiegelman - Métamaus