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De l'autre côté du miroir

Entretien avec Looky et Maxe L'Hermenier

Propos recueillis par L. Gianati Interview 12/06/2012 à 07:19 8616 visiteurs
En 2012, il sera certainement très difficile de passer à côté de Blanche-Neige, le célèbre conte des frères Grimm. Après Blanche-Neige (Mirror, Mirror), comédie fantastique américaine de Tarsem Singh, avec Lily Collins et Julia Roberts et Blanche-Neige et le Chasseur, réalisé par Rupert Sanders, qui sort cette semaine dans les salles, c'est du côté du neuvième Art qu'il faut se tourner pour trouver trace d'un nouvel hommage à la douce ingénue et des fameux sept nains. Le récit ayant désormais atteint l'âge respectable de 200 ans, Maxe L'Hermenier et Looky ont jugé bon de lui donner un sacré coup de jeune dans une version beaucoup plus sombre que l'original et loin, très loin de l'angélisme qui entourait le dessin animé signé Walt Disney.

Comment est né le projet Blanche Neige ? Vouliez-vous, vous aussi, participer au bicentenaire du célèbre conte des frères Grimm ?

Maxe L'Hermenier : Pour tout dire, ce projet traîne déjà depuis quelques années dans mes tiroirs. C’est l’annonce du bicentenaire et la double apparition de Blanche Neige au cinéma qui m’a fait ressortir tout cela en le proposant à Looky. Étant tous deux particulièrement friands des contes et de la fantasy, on voulait absolument transposer Blanche Neige dans cet univers.

Looky : Lorsque le projet m'a été intelligemment proposé, j'ai de suite accepté. Travailler sur des « licences » si démocratiques est toujours un plaisir. Ce sont des histoires qu'il faut réinventer quand tout le monde les a pour acquis... cela relève presque du défi!

Êtes-vous, comme Marc Moreno, des déçus du dessin animé Blanche-Neige et les Sept Nains ?

M.L. : Pour tout avouer, la dernière fois que j’ai vu Blanche-Neige et les Sept Nains, je devais avoir 6-7 ans, et je ne l’ai pas revu depuis… J’en garde donc forcément un souvenir très enfantin, baigné d'un zeste de nostalgie…

L. : Pour ma part, du tout. Je l'ai d'ailleurs revisionné avant de commencer l'album pour pouvoir me jouer des codes qu'il avait instaurés par le passé. Ce qu'il y a de bien avec ces contes si populaires, c'est que chacun peut donner sa version du monument sans que l'on crie au scandale primaire. Walt Disney avait lui même pris beaucoup de liberté quand au compte des Grimm (parfois même pour des raison de censure apparemment).
Toute version est bonne a prendre, et c'est pour cela que je suis moi même très content d'avoir pu avoir ce carnet d'illustrations à la fin de l'album. Sur La Geste, c'était la même chose : un univers riche où chacun peu assaisonner à sa façon le plat principal !

Malgré un récit plutôt dramatique, l’humour reste très présent comme, par exemple, quand Blanche-Neige découvre la chambre à coucher des nains… anthropophages, il fallait oser ! (sourire) Vous êtes-vous fixés certaines limites à ne pas franchir ?

M.L. : À vrai dire, pas vraiment… On savait quoi raconter, et notre feeling avec Looky est assez fort pour partir dans nos délires, qu’ils soient graphiques ou narratifs. L’exemple le plus parlant est celui du « garde du corps » du prince qui ne devait faire qu’un petit passage au début, et qui a finalement un rôle plus important pendant tout le reste de l’album.

L. : Personnellement, un nain, reste UN NAIN! Du coup, ce discourt anthropophage allait de pair avec l'aspect franchouillard et buveur de bière que je tenais à leur faire prendre.

Le travail d’adaptation est-il, selon vous, un travail de création à part entière ?

M.L. : Vaste question… Pour moi, c’est aussi difficile d’écrire le scénario de Blanche-Neige, qu’un scénario original comme Le Dauphin (Glénat - Drugstore) ! On ne doit pas retomber dans le déjà lu, tenter de surprendre le lecteur de ce qu’il connaît déjà… Non, vraiment, c’est tout aussi difficile, je vous assure ! (rires)

L. : Je pense qu'une bonne adaptation réside dans le fait de dénicher, de traquer le détail de l’œuvre originale et de le mettre en valeur, ou de le réinterpréter, sans dénaturer le conte que le public veut retrouver. Oui, l'adaptation reste un travail de création à part entière.

Comment avez-vous choisi les auteurs qui ont illustré les dernières pages de l’album ? Quels sont vos dessins préférés ? Promis, on ne dira rien ! (sourire)

M.L. : Au risque de faire de la langue de bois, je trouve que chaque hommage a son sens… Chaque auteur a apporté sa vision et son orientation graphique. Je ne peux pas en choisir un en particulier…

L. : Tous bien sûr ! J'ai une affection particulière pour l'illustration de Tony Valente, car elle offre, en un dessin, une vrai réinterprétation du compte : la gamine rebelle de sa belle mère, chasseuse de sorcière et détestant les nabots... le tout branché dans un monde plus proche de la jungle de Tokyo que de la Forêt Noire! J'adore.

Un cahier graphique est également présent. Était-ce important pour vous de montrer votre façon de travailler ?

L. : Toujours. Beaucoup de gens viennent en dédicace en me demandant comment se déroule la production d'un album, car en France, on porte beaucoup les auteurs, mais on oublie vite toute l'équipe qui fait qu'on puisse lire cette BD (de l'éditeur, à la distribution...etc...). Une BD, c'est comme un film. Ce n'est jamais vraiment l’œuvre d'UNE personne. Ce cahier « making-off » était une bonne occasion de démystifier des BDs que l'on nous demande dans un délai toujours plus court. Et pour que tous ses artisans, comme par exemple ma partenaire Dem – essentielle – Elsa Sztulcman notre chargée de prod, la fabrication, le marketing...etc... ne soient pas oubliés sous prétexte qu'il n'y a que deux noms sur la couverture.

Que vous a apporté la 3D dans le traitement graphique ?

L. : Rien de particulier, hormis une très grande rapidité dans notre mécanisme de fabrication. C'est comme dessiner des posings a partir d'un « mannequin o'cedar ».

Est-ce une technique qui peut, d’après vous, être utilisée pour tous les genres ?

L. : Bien sûr. Cela dépend juste du recul que le dessinateur veux prendre vis à vis de son dessin. Du reste, la 3D, c'est comme de la sculpture: si on veut modeler un vaisseau spatial... cela reste un vaisseau spatial. Si l'on veut modeler un chevalier sur un cheval, cela reste un chevalier sur un cheval. Et je pense qu'un nouveau vent est en train de se lever avec des auteurs qui ont su digérer cet outil et ne pas le voir comme le « diable », je pense au dernier Aquablue de Reno par exemple ou les dernières série de Kara. Et j'en passe et des meilleures...
… Mais ne vous en faites pas, d'autres surprises de cet ordre sont à prévoir avant la fin de l'année...

Qu’est-ce que « La cour des Miracles », créditée en fin d’album ?

L. : "La Cour des Miracles" est un studio de création audiovisuel. D'abord créé dans la veine de la 3D/2D (toon-shader) servi d'une animation traditionnelle, le studio a créé une branche « revers » en proposant la fabrication de BDs avec la facilité que peuvent apporter les outils 3D. Entre conception de planches et conception artistique pour projet audiovisuel (bible de designs ou artworks) , "La Cour des Miracle"s a plus d'une corde à son arc.


Avez-vous d’autres projets ?

M.L. : Il y a le tome 2 du Dauphin chez Glénat-Drugstore qui vient de sortir, et qui clôt le diptyque commencé avec Brice Cossu. Dans un tout autre registre, il y a aussi Les Malheurs de Sophie chez Vents d’Ouest avec la dessinatrice Manboou, qui sort le 6 juin.
Devrait sortir également en fin d’année ou début 2013 au plus tard, Wahkan, une nouvelle série Steampunk avec Brice Cossu et Alexis Sentenac aux éditions Ankama, suivront aussi Bohemian Galion, une aventure sur des pirates dans la veine de One Piece avec Thomas Labourot, toujours chez Ankama, et une nouvelle aventure avec Djet, encore et toujours… chez Ankama.
Pour finir, une exclusivité au site BDGest : Nous travaillons actuellement avec Looky sur une nouvelle série, à suivre…

L. : Bien sûr...et jamais assez à mon goût...malgré mon agenda qui tire déjà la gueule... Sans pour autant pouvoir citer les titres, je ne cesse de sauter entre fantasy et SF ! La seule chose que je peux vous dire, c'est que mon prochain album sera raconté par Jean-David Morvan.
Propos recueillis par L. Gianati

Information sur l'album

Blanche Neige (L'Hermenier/Looky)
Blanche Neige

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