Hervé Richez laisse entendre que La Lignée vient d’une envie de rivaliser avec les scénaristes des studios américains…
Laurent Galandon : Rivaliser est peut-être un peu fort ! Il s’agit davantage de s’inspirer d’une méthode collective de construction dramaturgique qui a largement fait ses preuves.
Olivier Berlion : Aucune rivalité dans cette démarche pour ma part. Plutôt le souhait de partager ma passion pour la narration. Ce type d’écriture permet d’élargir d’un coup (4 fois plus…) son imaginaire, entrer dans des univers que je n’ai pas l’habitude d’explorer. Cela apprend aussi à valider très rapidement la structure et la dynamique de nos récits.
À quand une série TV ? (sourire)
L.G. : Il y en a peu encore en France. Mais je me lancerai volontiers dans l’aventure si l’occasion venait à se présenter. Au demeurant, aujourd’hui, les passerelles entre l’univers scénario BD et celui de l’ audiovisuel sont rares. Le second ayant tendance a snober le premier…
O.B. : Dès qu’Olivier Sulpice aura lancer sa chaîne TV !
Comment se déroule l’écriture d’un scénario à quatre mains ?
L.G. : Dans le cas de La Lignée, nous avons d’abord déterminé le thème général (la mort annoncée de nos protagonistes dans leur 33ème année) et la trame générale de nos quatre livres. Après quoi, nous avons tracé les grandes lignes de chacun des volumes. Ces phases se déroulent assez simplement autour d’une table où les idées et les propositions sont avancées, discutées, validées ou abandonnées. Chaque tome est ensuite découpé et dialogué par un scénariste qui ajoute avec subtilité l’huile dans les rouages et sa « patte personnelle ». Cette dernière étape restait néanmoins soumise à l’approbation et aux conseils avisés des « collègues ».
O.B. : J’ai personnellement déjà écrit avec d’autres auteurs et c’est à chaque fois différent. Pour ce projet, nous avons procédé en deux étapes. En commun (réunion de plusieurs jours) nous avons construit ensemble la structure de l’histoire, dégagé les arches narratives des 4 récits qui la composent, fixé les les éléments clés de voûtes et caractérisé les personnages principaux. Une fois que nous avions un grand synopsis complet de la saga familiale divisée en 4 partie et 4 époques, nous avons choisi chacun un personnage et proposé un récit aux autres. Ensuite l’étape de découpage à été en permanence validé par les autres. Ce qui était amusant était de voir que chacun avait une manière différente de découper un scénario : Jérôme Félix propose directement un story board dessiné par exemples, Laurent et moi écrivions d’abord des séquences complètes avant de passer aux dialogues. Damien écrit les scènes comme une pièce de théâtre avant de passer au découpage cases par cases…
Le dossier de presse de La Lignée est à lui seul une œuvre à part entière…
L.G. : Oui, d’un certain point de vue, il constitue une modeste mise en abîme de notre processus. Et, nous espérons qu’il offre aux journalistes une approche originale et ludique.
Laurent, après la Guerre d’Algérie (Tahya El-Djazaïr), le génocide arménien (Le Cahier à Fleurs) ou l’antisémitisme pendant l’Occupation (l’Envolée Sauvage), vous vous attaquez à la Guerre d’Espagne à la fin des années 30. Qu’est-ce qui vous passionne dans l’Histoire du 20ème siècle ?
L.G. : Dans les trois séries que vous citez, le contexte historique était vraiment le point de départ de mes histoires dans lesquelles je plongeais alors mes personnages. Avec La Lignée, la guerre d’Espagne s’est imposée dans un second temps parce qu’elle était « propice » à notre trame générale. Au demeurant, c’est une période sur laquelle j’avais prévu de me pencher (et sur laquelle je reviendrai probablement). Plus généralement, l’Histoire du 20ème siècle m’intéresse pour les résonances qu’elle peut avoir dans notre quotidien.
Vous avez récemment participé au 3ème festival de la BD d’Erevan, en Arménie. Quel a été l’accueil réservé au Cahier à Fleurs ?
L.G. : Bon. Même si honnêtement, la BD n’est qu’à ses balbutiements en Arménie. Ce festival existe grâce à la détermination et l’enthousiasme d’une poignée de jeunes auteurs en devenir. Et, au regard de leur énergie, je ne doute pas que notre média s’y épanouisse avec le temps.
Ce voyage a également (et surtout) été l’occasion de présenter l’exposition "Surtout n’en oubliez aucun", regards dessinés sur les génocides dont j’avais été le co-commissaire et qui présentait comment la bande dessinée a abordé ces massacres de masse. Elle a été traduite en arménien et probablement circulera-t-elle bientôt dans d’autres structures culturelles arméniennes.
Pouvez-vous nous parler de votre nouveau projet, LIP, des héros ordinaires ?
L.G. : Dessinée par Damien Vidal (Lien du blog), ce sera un one-shot construit autour du célèbre conflit social des LIP à Besançon en 1973 et qui a donné lieu à la première expérience d’autogestion pendant quelques mois. Nous suivons le parcours d’une jeune ouvrière (fictive mais inspirée de moult témoignages) qui s’épanouit et s’émancipe à travers cette lutte majeure dans l’Histoire ouvrière française, riche en rebondissements et suspens.
Olivier, comment avez-vous intégré la collection Grand Angle ?
O.B. : Par hasard… J’avais envoyé un projet de scénario à Hervé qui ne l’a pas retenu, mais a apprécié ma manière d’écrire. Il se trouvait que l’idée de ce projet était en train de se mettre en place et il m’a donc proposé d’en faire partie. J’ai été enthousiasmé par cette idée. Je connaissais un peu Laurent, Hervé et Olivier Sulpice et j’ai fais la connaissance de Damien et Jérôme. Ce qui est étonnant, c’est la rapidité à laquelle s’est mise en place la méthode de travail (5 minutes environs à la première réunion).
Les années 70’, était-ce un choix imposé ou êtes-vous fan des Ramones ? (sourire)
O.B. : Non. Les années soixante dix s’imposaient dans la chronologie. Les Ramones ont été suggéré par quelqu’un, je ne sais plus qui, lorsque nous avons évoqué la possibilité d’avoir un protagoniste Rock’n roll, tendance punk-précurseur, comme les Ramones… Je les ai découverts à cette occasion, leur parcours, leur charisme, leur positionnement radical m’ont passionné… Davantage que leur musique, je dois l’avouer…
Dessiner le premier tome, était-ce prévu dès le début du projet ?
O.B. : Non. Les encouragements de mes camarades et l’époque de la guerre d’Espagne ont finit par me convaincre de me lancer davantage encore dans l’aventure…
Où en est l’adaptation audiovisuelle de Tony Corso ?
O.B. : Je viens d’écrire une première version d’un long métrage cinéma pour un producteur. C’est encore une expérience différente et passionnante. Nous avançons lentement mais surement. Je suis également en train de réaliser le tome 6, prévu pour 2013.
Avez-vous d’autres projets d’écriture ?
L.G. : Oui, plusieurs ! Mais comme il s’agit encore de projets (et que je ne sais pas encore leur « ordre » d’écriture et s’ils trouveront un éditeur), je vous en reparlerai le moment venu. (sourire)
O.B. : Je compte désormais partager mon temps de travail à part égale entre l’écriture et le dessin. J’ai plusieurs projets avec d’autres dessinateurs en cours et d’autres que je dessinerais moi-même.