Première surprise en découvrant la première partie du cycle du Feu : le nombre de planches, qui passe de 46 à 62. Cette évolution est-elle liée seulement au scénario, ou avez-vous décidé de vous libérer de la contrainte « 48 pages » ?
J’ai considéré que pour le bien de l’histoire, il était nécessaire de changer de pagination pour les deux albums qui constitueront ce diptyque du Feu. Je remercie les éditions Delcourt de m’avoir suivi sur ce choix. Je dois bien reconnaître que ce n’est pas une mince affaire que de rester concentrer sur autant de pages... mais ne dit-on pas que lorsque on aime on ne compte pas ?... Sur la fin je commençais légèrement à en douter...
L’amour et le volcan sont deux éléments qui symbolisent le feu dans la première partie du diptyque. Le Japon médiéval est-il le lieu et l’époque idéale pour mêler poésie et violence ?
En tout cas je trouve que le Japon féodal s’y prête parfaitement bien en effet. Cette culture complexe et le sens de l’honneur de l’époque permettent de passer en un souffle d’une certaine quiétude à la violence ou le drame le plus sombre..... Mais pour revenir sur les différents éléments qui m’ont permis de symboliser le feu dans ce premier album, le volcan et les feux d’artifice sont les éléments concrets alors que les passions amoureuses en sont une des symboliques plus abstraites.
Très présent dans les tomes précédents, le personnage de Noburo est, pour l’instant, beaucoup plus discret. Comment répartissez-vous les rôles de chacun lors de l’écriture du scénario ?
Il serait facile de placer Noburo régulièrement au devant de la «scène», vu qu’il s’agit sans doute du personnage le plus charismatique du groupe... Mais je suis loin de succomber à celle facilité qui desservirait rapidement la série et la crédibilité de chacun de mes protagonistes. Chaque personnage a ses propres caractéristiques et sa propre psychologie. Suivant les événements qui découlent de mes scénarios ils sont amenés à plus ou moins servir le récit. J'essaye d’être relativement équitable et d’offrir à chacun d’eux ses moments de gloire... Et de solitude aussi. Parfois mettre en retrait un personnage permet de créer une attente intéressante.
Le fonctionnement par cycle de diptyques n’est-il pas un carcan trop restrictif ?
Non je ne le pense pas... Les diptyques permettent de proposer des histoires d’une centaine de pages, avec en filigrane la découverte de l’univers ainsi que les lourds secrets de mes héros. Le lecteur, lorsqu’il attaque la lecture d’un nouveau cycle, sait que l’année suivante il aura la fin de celui-ci. D’ailleurs, j’aime plutôt les contraintes car je pense qu’elle sont davantage propices à la création que la page blanche.
Comment avez-vous choisi l’ordre dans lequel les cinq éléments sont présentés ?
Dès le début, je savais que je commencerais par l’eau pour finir par celui du vide. Le reste des éléments s’est agencé naturellement dans le temps. Lorsque les amorces de scénarios germent, j'essaie de rapidement voir quel serait l’élément le plus représentatif. À partir de là, je m'efforce tant que possible d’orienter mon récit vers celui-ci.
Le cycle de l’Air a marqué quelques changements pour le personnage d’Okko : tout d’abord, le rônin semble avoir vieilli par rapport aux histoires précédentes, mais surtout, il a perdu l’un de ses bras. L’évolution de votre héros était-elle devenue nécessaire ?
En effet, Okko subit les affres du temps ainsi que celles de la vie dangereuse et intrépide d’un rônin. J’aime mes personnages mais je ne leur épargne pas grand chose. Dans le cycle précédent, il a dû affronter Kubban, un redoutable adversaire, sans aucun doute meilleur bretteur que lui... Il est important que le lecteur puisse sentir une certaine tension, mes personnages ne sont ni immortels ni a l’abri de gros pépins (déboires). Leur condition précaire permet sans doute de plus facilement s’identifier ou s’attacher à eux.
Le personnage de Noshin est plutôt atypique par rapport aux autres acteurs de la série. Débonnaire, ayant un goût prononcé pour le saké, il tranche avec le calme et le sang-froid d’Okko. Aviez-vous besoin de ce type de caractère pour donner un peu de gaieté et éviter de tomber dans quelque chose de trop sérieux ?
C’est exactement ça. J’aime rajouter et mélanger une pincée de comédie au drame ou aux moment de tentions. Je veux éviter une certaine solennité, un ton trop sérieux. Le personnage de Noshin y contribue. Il est un élément indispensable de la série Okko.... Tsu !
Okko, et dans une moindre mesure Noburo, portent de lourds secrets qui sont révélés par bribes au fil des albums. Comment distillez-vous les indices pour maintenir constamment le lecteur en haleine ?
Certains scénarios ou passages du récit se prêtent plus naturellement que d’autres à distiller une partie des lourds secrets de mes personnages. Les révélations s’accéléreront sur le dernier cycle. Mais je prend un malin plaisir à jouer avec, et je m'efforce de savamment garder une certaine «zone d’ombre» autour de mes héros.
La culture japonaise peut parfois paraître opaque pour les non-initiés. Comment parvenez-vous à la rendre abordable pour l’ensemble des lecteurs ?
J’essaie de me servir de certains de ses aspects sans pour autant prendre un ton trop professoral. J’aurais bien du mal d’ailleurs car mes connaissances sont bien vite limitées. La culture japonaise est tellement riche et subtile qu’il faut humblement l’aborder. J'essaye d’en vulgariser une infime partie mais surtout j'espère aiguiser la curiosité des lecteurs sur le sujet.
Okko comprendra 5 cycles dont le dernier, le Vide, fait référence au godai japonais. Peut-on avoir une idée du thème évoqué lors des deux derniers tomes ?
Non je ne peux pas encore en parler... C’est trop tôt, mais disons qu’à la fin de ce dernier cycle, lorsque le lecteur refermera le dixième et dernier album de la série, il aura une vision globale des secrets des mes principaux protagonistes... Tout s’est affiné au fil des années mais tout est prévu depuis le début. Je tend vers ce dernier cycle...
Avez-vous déjà réfléchi à l’« après Okko » ?
Oui et non... Non et oui.
Vous avez collaboré au scénario du premier tome d’Aslak, sorti en début d’année 2011… Avez-vous d’autres projets d'écriture ?
Pour l'instant, Okko et la joyeuse collaboration sur Aslak suffisent amplement à mon bonheur. Ces deux beaux projets prennent aussi un temps considérable et me laisse peu de temps pour souffler un peu. Aucune autre idée suffisamment forte et crédible est venue germer dans ma petite tête. Donc rien en perspective. Pour la suite je n'exclut rien, mais le fait de dessiner sur un projet dont je ne soit pas à l'écriture n'est pas l'option la plus probable...
On peut lire en page de garde du septième tome « Longue vie à Charbofoot ». Est-ce le club qui va concurrencer l’OL dans les prochaines années ? (sourires)
J’aime le foot... mais je me soigne. J’aime surtout le pratiquer avec des amis, c’est vraiment sympa... par contre je suis une vraie bille et je commence à sentir le poids des années, dur dur pour mes coéquipiers !!!