Imaginiez-vous à votre arrivée à Angoulême, en 2003, sortir 8 ans plus tard votre premier album aux éditions Delcourt ? Quel a été votre parcours ?
Je suis arrivée à Angoulême pour entrer à l'EESI (école européenne supérieure de l'image) où il y a une option "Bandes dessinées". Je savais seulement que je voulais essayer de faire quelque chose en rapport avec le dessin, sans trop me poser de limites. Là-bas, je me suis retrouvée avec d'autres futurs dessinateurs et auteurs de bandes dessinées au contact de qui j'ai beaucoup appris. La bande dessinée s'est trouvée correspondre de plus en plus au mode d'expression que je cherchais.
Comment avez-vous imaginé le scénario de Fables nautiques ? Avez-vous été traumatisée dans votre enfance par le décès d’un petit lapin blanc ou par des cours de natation prodigués par un maître nageur tyrannique ?
C'est plutôt parti de mon affection pour les histoires fantastiques et de mes séances régulières à la piscine. Au départ, j'avais dessiné plusieurs histoires courtes indépendantes qui avaient toutes un point commun : la piscine. Ce qui m'a motivé ensuite, c'était l'idée d'assembler et de faire se croiser toutes ces scénettes en une seule histoire. C'était passionnant, mais c'est ce qui m'a demandé le plus d'énergie. Un vrai casse-tête scénaristique !
Malgré le huis-clos, le centre aquatique possède des espaces immenses. Ne vous-êtes vous pas sentie un peu à l’étroit dans le petit format de la collection Shampooing ?
Je travaille sur des formats relativement petits d'habitude (jamais plus grands qu'un A4). J'ai proposé mon projet à cette collection notamment parce que les formats qu'elle proposait me convenaient. Travailler en petit me permet de condenser l'information et de n'en garder que l'essentiel.
Comment Lewis Trondheim a-t-il accueilli votre projet ? Est-il intervenu dans la conception de l'album ?
Plutôt bien et très vite. Une semaine après avoir présenté le projet à Shampooing, la machine était enclenchée. Lewis m'a laissé un champ de liberté total, donnant parfois des conseils quand je lui envoyais mes planches, mais laissant toujours la priorité à mes décisions.
Vos personnages sont en perpétuelle effervescence : des courses poursuites entre Moutte et la vieille dame, aux ballets nautiques, en passant par la chasse au trésor de Gormone… Êtes-vous constamment à la recherche du mouvement pour chacune de vos scènes ?
J'aime le mouvement en dessin. J'ai l'impression de vivre les mouvements que je dessine. C'est très exaltant. Dans mon découpage aussi j'essaie de créer un mouvement, un rythme, de faire danser les éléments dans la page. Je ne sais pas ce qui m'inspire une idée. Cela peut être aussi bien une situation dans laquelle je me retrouve, qu'une phrase dite par un passant, une scène d'un film, un jeu vidéo, une image... Par exemple? certains de mes personnages ont emprunté les traits de personnes de mon entourage.
Vous avez conçu cet album lors de votre résidence à la Maison des auteurs à Angoulême. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur cette structure ?
C'est une résidence pour les auteurs de bandes dessinées et de films d'animation, qui met à disposition des ateliers et du matériel informatique. On y entre sur dossier. Entrer en résidence à la maison des auteurs m'a surtout permis de me retrouver dans une structure rassurante, propice à la production et d'être en contact avec d'autres auteurs en résidence sur place. Cela permet de créer une forme d'émulation, mais aussi de ne pas rester cloîtré chez soi toute la journée à dessiner. Ça n'est pas très sain à la longue.
Après Ginkgo (collectif édité par Café Creed en 2008), Fables nautiques est votre premier album solo. Avez-vous d’autres projets, seule, ou accompagnée d’un dessinateur ou d’un scénariste ? Dans quel domaine vous sentez-vous le plus à l’aise ?
Pour l'instant, j'ai plein d'envies, mais rien de concret. A priori, je me sens plus à l'aise quand je travaille sur un projet "solo" mais je ne ferme pas la porte à d'éventuelles collaborations.