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Un collectif nommé Japon

Le Japon vu par 17 auteurs de bd - impressions d'Etienne Davodeau, Fabrice Neaud et Joann Sfar

BDGest' (A.S.Choux et C. Steffan) News 17/11/2005 à 11:40 3750 visiteurs
Le 10 novembre est sorti l'album "Japon" aux éditions Casterman. Un collectif regroupant 17 auteurs (9 français ou francophones et 8 japonais ou résidents au Japon) réunis au sein d'un même ouvrage pour évoquer "en toute liberté" un même univers: Le Japon.

Ces auteurs sont (par ordre alphabétique) :
Moyoko Anno, Aurélia Aurita, Frédéric Boilet, Nicolas de Crécy, Etienne Davodeau, Little Fish, Emmanuel Guibert, Kazuichi Hanawa, Daisuké Igarashi, Taiyô Matsumoto, Fabrice Neaud, Benoît Peeters, David Prudhomme, François Schuiten, Joann Sfar, Kan Takahama, Jirô Tanigushi.

Bref du beau monde...

Cet Album sortira également en Espagne (Ponent Mon) et au Japon (Asukashisha), fin novembre 2005, puis en Italie (Coconino Press), aux Pays Bas (Casterman), au Royaume-Uni et aux Etats-Unis (Fanfare/Ponent Mon) en décembre 2005.

Nous avons interrogé quelques auteurs, parmi lesquels Etienne Davodeau : "Je n'avais pas d'a priori ne sachant pas où j'allais. N'ayant pas de priorité, on m'a envoyé à Sapporo qui est l'île la plus à l'ouest du Japon." Nous sommes ici loin de l'Ouest de la France, cadre habituel de ses histoires, mais Etienne Davodeau traite ici un lieu qu'il a vu, "mes histoires se passent à l'endroit où je suis, et où je vis. C'est pour cela que je ne pourrais jamais faire de Western, car je ne ferais que "digérer" les récits des autres. Mon intention première était d'abord de parler des "Ainus", qui est le peuple d'origine de Sapporo, un peu ce que sont les indiens pour les américains.

Une fois sur place, j'ai préféré sortir du cadre du reportage dans lequel je ne veux pas être enfermé et faire une fiction. Mais le principe est respecté, tout ce que je raconte, ce sont des choses que j'ai vues et des endroits où je suis allé. J'étais au pied du volcan le jour où il a tremblé !
Cette fois-ci j'ai voulu raconter une histoire du point de vue d'un japonais qui rencontre un touriste français qui me ressemble beaucoup, j'ai joué avec tous mes petits codes. Dans mes reportage je parle à la première personne, là c'est à la troisième personne puisque le narrateur est le "héros" de l'histoire. Je n'ai pas voulu faire un reportage, mais ma fiction est remplie de ce que j'ai vécu, c'est un mélange des deux."


Joann Sfar, lui, s'est rendu à Tokyo chez son coloriste et ami Walter.
Ce dernier n'a aucune affinité avec ce pays (si ce n'est quand même son épouse), aucune mansuétude. Aussi c'est en Candide, que J. Sfar a découvert cette ville "finalement, c'est génial le Japon, mais ce qui est encore plus génial c'est que tu peux te marrer!" Son récit reprend le style "carnet" qu'il affectionne et il croque cette ville avec causticité et ironie mais sans malveillance aucune.

Celle de Fabrice Neaud sera plus nuancée, connaissant déjà le pays sa découverte a été différente : " je suis allé au Japon une première fois à l'initiative de Frédéric Boilet pour la manifestation sur la nouvelle manga qui s'est tenue à Tokyo en octobre 2001, avec le partenariat de la galerie Art Link. Nous y étions plusieurs invités français".
Toutefois, le cadre du voyage organisé pour la réalisation de ce collectif est très différent de sa précédente expérience, je n'étais pas à Tokyo cette fois ci mais à Sendaï, quelques 300 km plus au nord et sur le même littoral. La situation n'était guère la même puisque si j'étais avec des personnes de connaissance la première fois. J'ai, en outre, passé 15 jours à Sendaï totalement seul, avec pour seule assistance l'Alliance Française que j'ai essayé d'ennuyer le moins possible. Fatalement, l'immersion a été à la fois plus importante et plus dépaysante".

Les planches de F. Neaud sont empreintes d'une indéniable solitude, "je ne crois pas être naturellement quelqu'un de très liant ni même de très agréable à vivre. Je suis très solitaire. De plus, dans un pays dont on ne connaît pas la langue et dont la même langue est aussi éloignée que possible de celle que l'on pratique, cela crée une barrière particulièrement difficile à franchir. Les codes, tant linguistiques que culturels, sont très différents des nôtres. Ceci étant lié à cela, mes rapports humains se sont vite réduits à des rapports de communication minimum: où vais-je manger ce midi, ce soir et combien cela va-t-il me coûter..?

La première et la dernière vignette du récit de F. Neaud font évocation de sa vie sentimentale, lien direct avec son Journal, l'auteur ayant envisagé "ces pages comme des pages du Journal.
Il se trouve que je commence actuellement même des pages qui recouvriront la période de mon premier voyage au Japon et le très long épisode déjà connu sous le titre d'"Emile...", ce qui constituera une forme d'explication sans doute. Il m'a paru clair qu'il fallait que je fasse un lien... Surtout que la relation entre les deux voyages au Japon et ce qui se passa avec Emile à ce moment là (dont j'ai remis le vrai nom, Antoine, dans les pages Japon) fut de même nature, coïncidence à côté de laquelle mon récit ne pouvait passer"


Si parmi les travaux de Japon, certains auteurs ont traité le sujet comme un reportage, d'autres ont joué sur la fiction... Fabrice Neaud, lui, a choisi le témoignage autobiographique.
"La question n'a de sens qu'a posteriori puisque je ne savais absolument pas sous quel angle allaient attaquer les autres auteurs. J'ai eu quelques échanges succincts avec E. Davodeau mais assez tard, et mes propres pages étaient déjà largement entamées... Je crois que sans être condamné à l'autobiographie, je me sens réellement à l'aise avec cet angle et je pense que c'est là que j'ai le plus de choses à dire."

Même si son récit est autobiographique, F. Neaud se représente plus spectateur qu'acteur, "la forme courte interdit de trop rentrer dans les détails d'une part et que, d'autre part, je pensais bien développer plus en profondeur la partie immergée de cet iceberg, pour l'instant laissée au lecteur (dans les pages déjà évoquées plus haut).
Par ailleurs, la nature même de mon voyage a fait que je suis resté très en retrait en tant que sujet, que voyageur, que "touriste"... ce retrait dans le récit correspond donc tout à fait à ce que j'ai vécu... Mais c'est aussi un aspect naturel de mon caractère. Sans compter que je ne compte pas ce retrait pour superficiel. Si j'ai eu très peu de contacts humains lors de mon séjour à Sendaï, je pense avoir été très proche du paysage, de l'urbanisme, des objets et, à travers eux, qui sait, d'un peu de la culture japonaise qui n'est quand même pas fondamentalement individualiste... même si les jeunes japonais sont, dans l'ensemble, extrêmement sensibles aux effets de mode"
.

Ce collectif vous permettra de voyager au coeur d'un Japon moins attendu, moins "touristique" plus éloigné de l'image de la gracile branche de cerisier en fleur, plus contemporain mais tout aussi poétique.
BDGest' (A.S.Choux et C. Steffan)