BDGest' : Pourquoi Lovecraft ?
Florent Calvez : C'est d'abord une référence affective. Je l'ai découvert à l'adolescence, et je fais partie des nombreuses personnes qui ont l'intégrale de ses bouquins dans leur bibliothèque, et qui la compulsent de temps en temps.
BDG : C'est une idée qui venait plutôt de toi ?
FC: Eh non, vraiment du scénariste. Ca a été l'heureux prétexte que nous avons trouvé pour faire un album ensemble. En l'occurrence, Rotomago est un véritable spécialiste de Lovecraft, comme le montre le dossier qui est à la fin de l'album, qui a l'avantage d'être intéressant même pour les personnes qui, comme moi, connaissent bien Lovecraft. Nous avions déjà fait un tout petit essai pour s'exercer ensemble, qui parlait déjà de mer et de bateaux, et une fois le galop d'essai réussi on s'est lancé dans un vrai album.
Rotomago connaissait depuis longtemps (Le Temple) que j'avais lu quinze jours avant, et on a commencé à travailler.
BDG : Comment vous-êtes vous partagé le travail ? Les visions des deux fans ne se sont pas entrechoquées ?
FC : Il s'est occupé du découpage très rapidement, y compris la mise en page, j'ai modifié certaines choses qui ne me plaisaient pas, on a fait tous les deux des concessions. Mais nous avons des intérêts communs dans la BD, il y a des auteurs qu'on apprécie tous les deux, nos références sur Lovecraft sont identiques : Breccia, ou Corben ...
Nous avions une vision, certes différente, mais qui allait dans le même sens.
BDG : Les couleurs sont réellement froides et lointaines...
FC : En fait, il y a une progression de la couleur, et surtout de la lumière, tout au long de l'album. Au début, il y a des passages en surface, donc il y a de la lumière naturelle, et petit à petit la lumière disparaît. Il y a aussi une trame narrative qui suit ce changement, il y a de moins en moins de lumière dans le cerveau du capitaine. Je voulais des couleurs sombres, grises, un peu glauques, ça correspond aussi à l'univers froid, masculin, glacial. Je me sens plus à l'aise dans la couleur que dans le dessin : je me sens solide, alors que je trouve toujours mon dessin un peu faiblard. L'ensemble interpelle, et ça c'est intéressant. J'ai appris au fur et à mesure à supporter que quelqu'un ouvre le livre parce qu'intéressé par la couverture et le referme, rebuté par le dessin. Ce n'est pas facile à voir, mais en même temps beaucoup de gens cherchent à aller plus loin.
BDG : Ca a l'avantage d'être différent de ce qui se fait actuellement
FC : D'un autre côté, ce n'est pas mon style. C'est un exercice de style, mais je ne vais pas perdurer comme ça pendant des années. On avait l'idée de faire un truc un peu "pulp" des années 40-50, BD de guerre un peu classique à la Kirby ou à la Hugo Pratt par exemple : très réaliste.
BDG : Et dans l'avenir ?
FC : Dans l'avenir, j'ai une envie : je voudrais faire quelque chose de féérique, un peu à la Miyazaki. Un album lisible par tout le monde, avec l'oeil qui brille à la lecture, éventuellement un sourire... Voilà, c'est mon envie, et c'est radicalement différent.
Mais sinon, je voudrais avoir une carrière à la Kubrick, faire un peu de tout !
Les premières planches de U-29
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