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[Quai des Bulles] 25 ans !

Tour d'horizon de Quai des Bulles

BDGest' (N. Stavisky) News 05/11/2005 à 19:30 2581 visiteurs
Quand on aime, on a toujours 20 ans, mais à 25 ans le festival Quai des Bulles semble toujours vivre le grand amour avec son public et ses auteurs. Pendant tout le festival, nous avons demandé à quelques auteurs (dont certains sont aussi organisateurs) ce que représentaient pour eux le festival de St Malo et ses 25 ans.


BDGest' : Saint Malo ?

Alain Goutal : Une histoire de passion pour tous ceux qui le créent, qui l'organisent, qui viennent, qui le boivent, qui le mangent. Une histoire de transmission dans les deux sens. Une histoire de don de soi dans les deux sens. Nous on donne, et on nous rend au centuple. Si le public vient plus nombreux tous les ans à Quai des Bulles alors que les autres festivals périclitent, c'est qu'il s'y passe quelque chose. Il y a la magie de la mer, la beauté et la cohérence de la ville, mais il y a aussi le fait que l'on offre au public, aux auteurs, aux journalistes, aux éditeurs, aux créateurs, aux cinéastes... un espace de liberté. Et il y en a de moins en moins, et de cette qualité il n'y en a pas beaucoup. Je sais que nous, organisateurs du festival, sommes motivés par un grand nombre de paramètres. L'organisation elle-même est multiple, elle est composée de personnes de la société civile, des libraires, des infirmiers, des jardiniers... Les auteurs qui acceptent de mettre les mains dans le cambouis pour le festival le font pour recevoir les autres du mieux possible. Nous savons comment nous aimons être reçus, et nous faisons de même. Ensuite, nous voulons échanger, montrer. Je suis responsable des expositions depuis 15 ans à Quai des Bulles, et j'ai toujours eu le souci de montrer au public ce qu'il ne voit jamais : la matière, les à-côté, les originaux, les roughs, les carnets de croquis... ce qu'il y a au fond des tiroirs. Le public est sensible à ça parce que c'est rare.
Saint Malo, c'est un festival hors du commun : l'organisation est collégiale, il n'y a pas de direction. C'est fabuleux, et ça marche depuis 25 ans.

Coyote : Saint Malo c'est un repère temporel et d'amitié. Pour moi, dans le top ten des festivals français et j'en ai fait un paquet, c'est le "number one". Dès que j'arrive ici, je retrouve des dizaines d'amis. C'est dur de dire qu'on a plein d'amis, mais à St Malo c'est le cas. C'est le mois d'octobre, une heure de plus pendant le festival, Halloween qui tombe des fois en plein milieu, mais surtout plein de bises, plein de copains.
Ce en quoi j'aime aussi Saint Malo, ce sont les expositions. Je ne suis jamais revenu d'un Quai des Bulles sans avoir envie de dessiner ou de peindre. Même si on a certaines affinités de trait, des envies... il y a toujours une exposition qui me donne envie de rentrer chez moi pour me mettre à ma planche à dessin. Cette année, c'est l'expo Maëster où je me dis "merde, il est fort ce con". Entre Sempé et Maëster, c'est du bonheur.

Olivier Grenson : Je viens à St Malo depuis 6 ans maintenant. Pour moi, c'est d'abord un dépaysement : le fait de venir de Bruxelles, d'arriver à St Malo en automne, avec toute une ambiance... C'est un festival très agréable, qui a une certaine importance au niveau des auteurs ce qui permet de rencontrer des copains mais aussi de nouveaux auteurs. Les expos sont toujours d'une qualité exceptionnelle, je n'ai jamais été déçu. Il y a toujours quelque chose à voir et quelque chose à apprendre. C'est un festival qui allie des qualités très diverses.

Régis Loisel : Saint Malo ce sont une fois de plus les copains, parce qu'il faut bien se rendre compte que le seul moyen qu'ont les auteurs de bande dessinée de se rencontrer les uns les autres ce sont les festivals. On y fait aussi de nouvelles rencontres. Et puis Saint Malo ce sont des souvenirs : le lieu est formidable, face à la mer, certaines années il y a des tempêtes mémorables. Saint Malo, c'est un peu comme Angoulême ou Blois en son temps. Les auteurs n'y vont pas pour faire de la promotion, mais pour rencontrer des gens. Ce sont trois ou quatre jours intenses.

Lucien Rollin : Le festival de St Malo c'est un rêve devenu énorme. Moi, j'ai participé aux premières éditions qui se passaient au théâtre Saint Servain, à côté de St Malo. C'était un petit festival qui se montait avec uniquement les copains. Dès le début, des auteurs se sont investis dans l'organisation du festival, et c'est une constante qui a toujours été là et qui est pour moi l'un des éléments les plus importants et les plus spécifiques de Quai des Bulles.




BDGest' : 25 ans ?

Alain Goutal : 25 ans, c'est un bel âge. C'est un peu dégueulasse comme question, adressée à quelqu'un qui a fait la première affiche du festival ! Pour moi, c'est une contraction du temps assez incroyable : je me souviens encore du jour où trois passionnés nommés Jean-Pierre Porcher, Christine Guilleux et Jacques Plouët sont venus me demander la première affiche. Ils n'avaient pas un centime, la première affiche a été imprimée en noir et blanc à côté de chez moi chez un imprimeur qui avait des tarifs plus que compétitifs. Aujourd'hui, on a 40 000 visiteurs minimum sans compter la fréquentation de l'exposition Sempé qui, si on en ajoute les chiffres, fait passer à plus de 60 000 visiteurs... Malgré ça, on parvient à contrôler la bête qui pourrait s'affoler. On ira pas plus loin. On sait qu'on ne peut pas aller plus loin. On a augmenté de 800 m² cette année, mais on ira pas plus loin.
On invite toujours le même nombre d'auteurs, 70, mais cette année il y en a 320 parce que les maisons d'éditions invitent les autres. Comme on ne fait pas de différenciation, il y a un surcoût évident mais tant pis, c'est la règle du jeu. Nous ne subirons les règles de personne, nous restons maîtres de notre jeu, nous avons le soutien sans faille de la mairie et nous ne passerons sous aucune fourche caudine d'ordre commercial, directorial ou éditorial.

Coyote : Ca me fait regretter de ne pas avoir connu la première année. D'une année sur l'autre c'est différent tout en étant pareil, et plus un festival vieillit, plus il se bonifie. 25 ans, ça me fait dire que si le festival vit aussi longtemps, c'est qu'il est génial, et longue vie à St Malo !

Régis Loisel : Mais 25 ans on s'en fout ! C'est tout simplement le temps qui passe... Ce qui est amusant c'est quand on est parfois à une table, qu'on parle d'un auteur "c'est untel? oh, il a vieilli!" puis on se regarde, on a tous des cheveux blancs, et on se revoit quand on avait 25-35 ans, quand on était jeunes beaux et frais et on se dit "tiens on a vieilli, on a changé".
Il y a plein de jeunes dessinateurs qu'on ne connaît pas, qu'on découvre, qui sont formidables... C'est ça 25 ans. C'est vrai que Saint Malo, au même titre qu'Angoulême, est un festival qui a contribué à la popularité de la bande dessinée. Le phénomène dédicace, qui commençait tout juste dans les années 70 a participé au succès de la bande dessinée, et c'est bien. C'est l'un des rares festivals qui a cette magie qui fait que chaque auteur a envie d'y retourner. Et il ne faut pas que ça change. C'est ce qui a été le problème de Blois, d'ailleurs : on était dans un château, il y avait un rythme particulier, des points de repère, et dès l'instant où on a changé ces points de repère, ça a été totalement différent. Ici, il y a peu de chances que ça bouge, il faut que le festival se passe ici. Mais si d'aventure il y avait un palais des congrès encore plus grand qui se construisait à St Malo et que le festival y déménageait, ce serait un trop gros changement et cinq ans après le festival serait mort.

Lucien Rollin : 25 ans? Je ne sais pas. Je ne suis pas particulièrement nostalgique, je suis très heureux que le festival ait eu la possibilité d'avoir 25 ans. Ca montre que tout le travail qui a été réalisé a porté ses fruits, que le festival est toujours là, de plus en plus fort... Vivement les 30 ans !
BDGest' (N. Stavisky)