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Jacques Martin est né le 25 septembre 1921 à Strasbourg . Très jeune, il découvre la Bande Dessinée au travers des grands albums allongés de "Buster Brown", par Richard F. Outcault, publiés chez "Hachette". C'est au verso de ces pages qu'il fait ses premiers dessins. La plupart représentent des avions (son père était aviateur) ou des personnages moyenâgeux. Cet engouement pour le dessin se développe en même temps qu'un goût insatiable pour l'histoire. Son enfance chaotique se passe à cultiver ces deux jardins secrets en travaillant sans cesse à la maîtrise des techniques du dessin ainsi qu' à l'apprentissage de sa science de prédilection. Désireux d'entrer aux Beaux-arts, et cela dans l'optique de faire du dessin un métier, il ne parvient toutefois pas à concrétiser entièrement ce rêve. En effet, sa mère et ses tuteurs officiels l'orientent de force vers les Arts et Métiers. Il y reçoit un enseignement purement technique. Il en reconnaîtra lui-même plus tard l'utilité, contraint qu'il fut de se rompre aux rudiments de la perspective et de la descriptive. Cette première formation n'est sûrement pas étrangère à la rigueur obstinée dont Jacques Martin a fait preuve tout au long de son oeuvre et qui a probablement contribué à en faire l'un des trois principaux représentants de l'école dite "de Bruxelles", les deux autres étant Hergé et Edgar Pierre Jacobs bien sûr. La critique a légitimement rapproché le travail de ces trois auteurs qui, en plus de s'être beaucoup fréquentés et d'avoir collaboré en maintes occasions, partageaient un idéal artistique fait de réalisme, de probité et de minutie.
Une demi-génération sépare Jacques Martin de ses prestigieux aînés. Il ne commence à publier qu'en 1946, dans l'hebdomadaire "Bravo" où il crée, un peu par hasard, "Monsieur Barbichou". Durant les trois années qui suivent, il accumule les collaborations éphémères avec des publications bruxelloises et wallonnes, conjuguant l'art de la Bande Dessinée et celui de l'illustration. Devant la difficulté de faire face à tous ses engagements, il se fait seconder, pour les décors et la mise en couleur de ses Bandes Dessinées, par un graphiste nommé Leblicq. C'est de cette association que naît le pseudonyme de "Marleb". Cette association prend fin au bout d'un an, mais Jacques Martin n'en continue pas moins à utiliser ce pseudonyme masqué jusqu'en 1950.
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En 1950, Jacques Martin engage à ses côtés un jeune assistant (pour le lettrage et le coloriage), Roger Leloup, qui deviendra lui-même plus tard un auteur de Bandes Dessinées, en créant le personnage de "Yoko Tsuno". Quelques temps plus tard, c'est au tour de Michel Demarets de venir les rejoindre. Les trois premières aventures du jeune héros romain se succèdent à un rythme effréné, sans aucune interruption. Après "Alix l'Intrépide", "Le Sphinx d'Or" et "L'Ile Maudite" font la joie des lecteurs. Mais à l'issue du troisième titre de la série,en 1952, Jacques Martin délaisse provisoirement "Alix" pour s'attacher à une intrigue résolument contemporaine mettant en scène un reporter. Face aux insistances de son éditeur, Jacques Martin transpose "Alix" et "Enak" dans le vingtième siècle, ce qui donne le tandem "Lefranc - Jeanjean". "Alix" étant d'origine gauloise, son alter ego ne pouvait être que Franc, d'où son nom. A partir de la publication de "La Grande Menace", en 1953, les récits d' "Alix" et de "Lefranc" paraissent en alternance.
En 1953, Hergé propose à Jacques Martin de collaborer à ses studios. Refusant d'abandonner ses deux assistants, Jacques Martin est intégré avec Leloup et Demarets dans l'équipe du père de "Tintin". La participation de Jacques Martin dure dix-neuf années pendant lesquelles il travaille sur plusieurs histoires de "Tintin", en compagnie, entre autres, de Bob de Moor, sans pour autant abandonner "Alix" et "Lefranc" puisque ceux-ci connaissent respectivement sept et trois aventures nouvelles. Au cours de la décennie suivante, celle qui suit la séparation avec les studios, Jacques Martin crée à une cadence infernale, publiant neuf titres dans la série "Alix", du "Prince du Nil" à "L'Empereur de Chine" et quatre dans celle de "Lefranc", des "Portes de l'Enfer" à "L'Arme Absolue".
En 1970, il abandonne la réalisation graphique de "Lefranc", la confiant alors à Bob de Moor, puis à Gilles Chaillet. En 1978, en collaboration avec Jean Pleyers, il imagine la série "Xan" (rebaptisé "Jhen" après deux épisodes) et écrit "Corentin et l'Ogre Rouge" pour Paul Cuvelier (ce récit mettant en scène le personnage de "Corentin" reste inachevé à la mort de Cuvelier et sera par la suite adapté dans "Les Proies du Volcan", un épisode d' "Alix"). Entre-temps, Jacques Martin a changé d'éditeur. C'est ainsi qu' "Alix" et "Lefranc" passent chez "Casterman" avant d'être rejoint par "Jhen".
Puis, en Novembre 2001, c'est "La chute d'Icare" dernier Alix qui paraît avec Raphaël Morales au dessin et Jacques Martin au scénario. A 80 ans, Jacques Martin, qui est quasiment aveugle, continue à dessiner, à crayonner, à écrire des scénarios, et surtout à former de "jeunes talents", dont Raphaël Morales ("Alix") et Christophe Simon ("Lefranc") sont les plus importants, pour qu'ils continuent à faire vivre ses personnages, encore très longtemps ... Merci Jacques. À 86 ans Jacques Martin était encore présent pour les synopsis, même s'il avait confié le scénario des histoires à Patrick Weber , les dessins d'Alix sont repris par Christophe Simon , ceux de Lefranc par Francis Carin , suivront sans doute d'autres équipes pour réaliser les nombreux scénarios de Jacques Martin.
Quelques chiffres marquants :
Jacques Martin a vendu plus de 15 millions d’albums.
Des albums qui regroupent les Aventures (plus de 70 albums) et les Voyages de
7 héros (plus de 50 albums), dont plus de 7 millions d’exemplaires d’Alix, dont
plus de 3 millions d’albums de Lefranc, plus d’1 million d’albums de Jhen.
Un univers traduit en plus de 10 langues : Néerlandais, Allemand, Anglais,
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