Eco s’éloigne manifestement de la BD traditionnelle, au niveau de la narration, de la mise en pages est plus proche du conte au sens premier du terme (pour les adultes). Peut-on encore parler de BD, pourquoi ?
Guillaume Bianco : Je pense que ce livre n'est pas une BD , puisqu'il n'a pas de cases ni de phylactères. Certains petits bouts d'images sur une même page pourraient évoquer une séquence de bandes -dessinée...Mais à mon sens ce livre n'en ai pas une. C'est simplement un livre illustré et qui n'est pas exclusivement réservé qu'aux adultes. On le dit dur , sombre et effrayant..Pour répondre à cela, j'évoque la première version du "Petit chaperon rouge" , beaucoup plus cru et direct...On y voit une petite fille qui se met toute nue pour rejoindre au lit un ignoble loup poilu qui finira par la dévorer. Dans les premières versions , le gentil chasseur ne vient pas la libérer. Tous les enfants connaissent cette histoire..Le conte est une mise en garde , une morale ,qui utilise un langage pour tous les âges , capable de s'adresser d'une façon bien spécifique en fonction de l'état et du stade psychologique et moral de tout un chacun. Éco a une mère sévère et violente. Est-ce pour ça que ce livre doit être réservé exclusivement aux adultes? À la fin du livre , elle a ses règles...Toutes les petites filles du monde auront , normalement, un jour leur règle. Parler du cycle menstruel n'est pas seulement réservé aux adultes. Le conte prépare l'enfant au monde des adultes , à la réalité , il lui propose des clés. Que ce dernier sera libre d'utiliser ou pas. Certains livres catalogués jeunesse sont creux et semblent prendre les enfants pour des débiles."Zozo le pingouin qui fait des bisous aux animaux de la ferme, et qui va se faire des copains..."Oui pourquoi pas...Mais la plupart du temps , tout y est édulcoré pour ne pas effrayer les parents. Je trouve cela un peu regrettable.
Qu’est qui est différent dans cette nouvelle collection (Métamorphose) ?
GB: Métamorphose propose de s'exprimer librement , suivant la technique et le format voulu pour servir au mieux son histoire...Jusqu'à présent ne sont sortis que des titres un peu "sombres" , mais la collection va s'élargir à des choses plus chatoyantes (Yaxin the Faun par exemple)...La thématique , vous l'aurez compris , n'est pas le "glauque" et le "morbide".Si le sujet de la mort y est assez présent , c'est pour y exalter l'éphémère et le vivant , et traiter ainsi de cette interminable transformation qu'est la vie au sein de la nature qui nous englobe et dont nous faisons partis.Nous nous transformons chaques secondes.Aussi bien physiquement que psychologiquement , en fonction de notre vécu et de nos expériences.Barbara Canepa et Clotilde Vu mettent un point d'honneur à ce que les histoires abordées aient un vrai contenu , et s'attachent également au livre en tant qu'objet...
La relation intime entre lecteur et l'ouvrage qu'il tient entre les mains est essentiel...Si la maquette et la fabrication sont aussi soignées , c'est pour donner un cachet au livre ,l'histoire commence sur la couverture , un livre doit dégager un univers même s'il est fermé , il faut qu'il soit attirant et qu'il fasse fantasmer , comme un vieux grimoire poussiéreux qui reposerait tout en haut d'une vieille étagère ...
A partir de quels éléments avez-vous élaboré l’histoire/le dessin ?
GB: J'ai demandé à Jéréme Almanza de m'envoyer des dessins.À partir des différents visuels , je me suis mis à imaginer cette histoire...Comme si je me faisais guider par l'incroyable univers de Jérémie...
Jérémie Almanza: Guillaume a eu la gentillesse d’essayer de faire une sorte de sur mesure, une histoire que j aurais tout simplement plaisir a illustrer, sans trop de contraintes…Cela dit au fur et a mesure que l’histoire et le livre progressait, Guillaume a eu des exigences spécifiques qui m’ont parfois bien mises en difficulté. Difficultés accrue du fait que Guillaume est lui aussi dessinateur, et proposait parfois une vision bien différente de la mienne. J’ai l’impression qu’au final; je me suis autant inspiré de l’histoire de Guillaume et du story board très détaillé de Guillaume que lui des crobards de base que je lui avais fourni pour construire l‘univers d‘Eco. Je pense que c’est sympa d’avoir une sorte de petit mélange a la fin, ca nous a surement permis, a lui comme a moi de sortir un peu de nos univers respectifs.
Quelles sont vos influences ?
GB: Roald Dahl , Jim Henson , les contes populaires...Comment travaillez vous ensemble ?Nous nous sommes vu tout d'abord quelques fois pour en discuter ensemble.J'ai écris l'histoire d'une traite et la lui ai soumise.Nous l'avons un peu modifiée , épurée , améliorée.Jérémie a fait des recherches graphiques concernant les personnages.Je lui ai ensuite proposé un story Board , qu'il s'est permis, lorsque cela le nécessitait , de ré-interpréter à sa manière...En effet , il s'agissait plus d'une charpente pour structurer tout ça et pour l'aider à avancer...Puis ce fut un ping pong interminable par mail. Il m'envoyait ses dessins en noir et blanc et lorsque nous étions enfin d'accord , il passait ensuite à la couleur.Dans un troisième temps , Barbara Canepa , Roberto Mattiucci , et Zoé Lacchei nous ont donner un sacré coup de main en réalisant la maquette rendant l'histoire et les visuels lisibles , jolis et cohérents.
JA: Elles sont innombrables,; mais je dirais que principalement mes influence viennent du cinéma d’animation (que ca soit les films en stop motion de Tim Burton ou d‘henry Selick ;l‘animation japonaise des studio 4C, ou certains studios européens tels que Xilam), de la bande dessinée et de l‘illustration, qu’elle soit européenne (Nicolas de Crecy, Cyril Pedrosa), américaine (Dave Cooper) ou japonaise (Taiyou Matsumoto). En ce qui concerne les couleurs j’apprécie énormément le boulot de certains directeurs de la photographie qui officient au cinéma, je voue un grand culte a Darius Khondji.
Chaque page est un véritable tableau, vous travaillez en couleurs directes ?
JA:Sur Eco, je ne bosse pas encore en couleurs directes mais j’y viens tout doucement…sur Eco, ainsi que sur ma précédente bd-Aristide broie du noir- le but était de masquer au maximum les origines « phosohopiennes » des couleurs , par divers petits procédés…mais au final rien ne vaut la couleurs directe et je pense que Eco 2 sera un mélange de couleurs directes et de légères retouches Photoshop…Je pense qu’avec le temps je vais m’éloigner de plus en plus de l’outil Photoshop.
Diogène, Epictète…Eco pour le plus récent, y’aura-t-il un Platon ou un Sartre dans le prochain tome ?
GB:Non je ne pense pas...Les 4 poupées d'Eco seront encore présentes et joueront , vous vous en doutez , un rôle crucial dans son développement.
Si vous deviez faire découvrir la bande dessinée à un ami, laquelle lui offririez-vous ?
GB: "Billy Brouillard et le don de trouble vue"?Non , plus sérieusement....Je ne sais pas trop...Il y en a tellement...L'intégrale des "Peanuts?"N'importe quel opus de "Calvin et Hobbes"?Ou plus récemment , "Jolis ténèbres" des Kerascoët.J'ai dernièrement beaucoup aimé "Blast" de Larcenet, le manga "Une sacrée mamie" de Shimada et Ishikawa et prends beaucoup de plaisir à lire ou relire certains bouquins Tezuka...
JA: « Trois ombres « de Cyril Pedrosa, je l’achète a pas mal de gens autour de moi et force pas mal de monde a la lire..et je crois que jusqu’ici, personne n’a regretté le voyage.