S. Oiry: Au départ avec beaucoup d'inconscience et certainement une bonne dose de culot !
Tout récemment, Trap me fit remarquer que le nom des repreneurs des Pieds Nickelés figurait dans le dictionnaire. Oiry ne sera donc plus seulement une commune en Champagne, ah ! ah !
L' idée nous titille Trap et moi depuis bientôt 15 ans. Au départ, nous nous étonnions qu'il n'y ait plus de repreneur pour cette série et puis avec les années, a germé l'idée que nous puissions nous même postuler.
Récemment, le contexte économique et social a précipité les choses et nous a conforté dans la conviction qu'un retour de ces personnages était pertinent.
Les Pieds Nickelés peuplent notre imaginaire depuis notre enfance. Ils nous sont donc familiers.
Il se dégage de cette bande dessinée un parfum désinhibant de liberté et de spontanéité.
Franchement ce n'est pas un patrimoine intimidant devant lequel nous devrions nous prosterner avec vénération. Pas d'obligation de chef d'oeuvre avec les Pieds Nickelés, il s'agit essentiellement de renouer avec un ton potache et foutraque et peut-être aussi une forme d'engagement pour une bande dessinée vive et populaire.
La pression nous la connaissons maintenant qu'il faut défendre le livre devant les journalistes et surtout les lecteurs.
Si les personnages sont restés les mêmes, le contexte est résolument moderne. C’était votre choix ?
Oui et en fait, plus qu'un choix, il s'agit d'une évidence, voir d'une nécessité. Les Pieds Nickelés ont toujours été contemporains, toujours il se sont inscrits dans leur époque, pour mieux la railler.
J'aime aussi que cette bande dessinée emprunte graphiquement au dessin de presse, son acuité, sa réactivité et son énergie parfois brouillonne. J'y vois le secret de sa fraîcheur, ce qui doit la prémunir contre toute sclérose.
Qu’avez-vous apporté à l’univers et aux personnages hormis ce contexte justement ?
Au niveau vestimentaire, peu de modification, leur look vintage nous semble pouvoir traverser les époques sans se démoder.
Peut-être aurons-nous la possibilité d'approfondir leur psychologie encore trop sommaire. Nous le souhaitons.
J'ai voulu renouer avec les racines parisiennes de ces personnages dont on a pu dire qu'ils étaient des "Apaches", ces voyous qui au début du siècle dernier, sévissaient en bande dans l'Est parisien. Parmi mes motivations à les dessiner, il y a très clairement la volonté de dessiner Paris aujourd'hui.
Je ne suis pas très intéressé par leur dimension globe- trotters, je les vois plutôt au ras du bitume et des zincs de comptoirs.
Une préférence chez nos trois compères ?
Croquignol dont j'apprécie la silhouette de dandy un peu snob.
Comment travaillez-vous avec Trap ?
Par mail, skype et téléphone. Et au bar, autour d'une bière, lorsque nous-nous retrouvons.
C'est très stimulant d'écrire à deux sur un tel projet, nous testons ainsi l'efficacité des répliques.
L’album est truffé de calembours jouissifs, vous semblez être très attentif à vos textes et dialogues (musicalité, jeux de mots..) Est-ce aussi important que le dessin ?
Bien-sûr. Les Pieds Nickelés depuis Forton s'expriment dans la langue verte. Impossible de rompre ce pacte avec le lecteur.
Aujourd'hui, cette langue peut paraître désuète ou anachronique, pourtant nous sommes convaincus qu'elle contribue au charme de ces personnages. Nous souhaitons employer comme ressort comique ce contraste entre leur argot et celui de notre époque.
Si vous deviez faire découvrir la bande dessinée à un ami, laquelle lui offririez-vous ?
Dure la question ! Un ami qui ne connaîtrait rien à rien à la bande dessinée ? "Tintin" alors, ah ! ah !
(Ou "Ariol" ou "Petit Poilu", car l'initiation à la bande dessinée commence à l'enfance non ?)
Sinon, je ne sais pas, j'enseigne la bande dessinée à l'Université depuis septembre. Toutes les semaines, je m'efforce de faire découvrir des auteurs à mes élèves... C'est devenu un peu mon boulot que de répondre à cette question. Difficile de privilégier une oeuvre car il y a tant de possibles en bande dessinée qu'une ne saurait satisfaire.
Je vais choisir de manière très affective. J'adore Jaime Hernandez et son travail dans "Love and Rockets". Ses bande dessinées m'accompagnent depuis plus de 20 ans. Je les ai découvertes, je vivais en Angleterre. Je m'étais éloigné de la bande dessinée qui n'était plus ma principale obsession, pour les filles et le rock 'n roll, hé ! hé ! Et puis j'ai eu la révélation de "Love and Rockets". Une bande dessinée qui décrivait une vie comme je souhaitais la vivre, avec des filles, des vraies, dont on pouvait tomber amoureux, et du rock'n'roll.