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Tchô ! Voilà Dab's !

Rencontre avec le papa de Tony & Alberto

Propos recueillis par Auriane et Laurent Cirade Interview 12/11/2009 à 15:31 3080 visiteurs
Pour presser de questions l'un des piliers de la Bande à Tchô, l'équipe de BDGest a fait appel à une pigiste de choc et de 14 ans qui connaît à elle seule mieux l'univers de Tony et Alberto que le groupe de vieux croutons réunis qui la compose. Merci à Dab's d'avoir accepté cette rencontre. Auriane, (alors) en direct de St Malo.

Comment avez-vous rencontré Tony et Alberto ?
J’ai créé ces deux personnages quand j’étais dans une école de bande dessinée en Belgique. J’écrivais régulièrement à un de mes potes de Toulouse et à chaque fin de lettre, j’insérais un petit gag, un petit strip. Un jour, j’en ai envoyé une avec un chien et un petit garçon. Je me suis dit : « Il est très bon ce gag ! », mais je ne suis jamais arrivé à le restituer exactement. De fil en aiguille, je me suis donc retrouvé avec plein de gags différents mettant en scène un chien et un petit garçon. Je me suis alors dit que je pouvais faire quelque chose de ces deux personnages. Les noms de chacun d’eux sont venus après : Alberto est le nom d’un copain. Pour Tony, en revanche, je ne me souviens plus du tout. A la base, c’était donc surtout pour faire rigoler les copains. C’était il y a déjà 15 ans.

Ils existaient donc avant Nino et Rébecca
Oui, même avant que je ne sois publié. Quand j’ai envoyé mes premières planches pour Tchô !, c’était du Tony et Alberto.

Vous n’avez jamais raconté comment Tony et Alberto se sont rencontrés…
Je ne sais pas du tout… Le couple de ces deux personnages était déjà là. Je n’ai pas forcément envie d’en dire plus, de développer l’enfance de chacun d’eux. Enfin, si ça se trouve, ce sera le sujet de mon prochain album (sourire).

On ne voit jamais les parents de Tony, on ne le voit jamais non plus aller à l’école, ou presque. Est-ce pour le différencier des autres personnages du Tchô !, comme Titeuf ?
Ce n’était pas le but principal. Ce que je voulais faire, c’était créer un monde parallèle, un monde irréel dans lequel il n’y a pas d’interdits. Donc, il n’y a pas d’école, il n’y a pas de parents. On s’y lâche complètement. Mon parti-pris était que si Tony avait envie de prendre l’avion avec son chien pour aller à New York tout seul, il n’y avait aucun problème, on ne lui disait rien. Il se retrouvait à New York, pouvait prendre une chambre d’hôtel… C’est un peu déconcertant, c’est vrai, mais je trouvais le concept intéressant. C’est peut-être aussi plus difficile pour les lecteurs de s’identifier à Tony. Il n’y a vraiment aucun cadre.

(intervention d'un vieux crouton) Il suffit d’accepter le principe de la liberté complète, de la « non surveillance » des personnages…
Cela a même été un problème pour moi. Je me suis dit : « Vu qu’il n’y a pas d’interdit, il n’y a pas non plus de transgression possible ». C’est pourtant ce qu’il y a d’intéressant dans le mécanisme des gags avec des enfants : la transgression d’interdits. Mais finalement, je me débrouille et je compose très bien avec ce que j’ai.

On voit dans la première planche du tome 1 une super bataille de boules de neige. Un clin d’œil à Calvin et Hobbes ?
Oui, j’étais un très gros lecteur de Calvin et Hobbes. Il a fallu que je digère ces lectures pour faire quelque chose de personnel. D’ailleurs, je n’en lis plus du tout aujourd’hui. Je suis vraiment fan de leur univers un peu schizophrène, avec un monde réel et un monde imaginaire dans lequel se trouve son tigre en peluche. Le dessin de Watterson est très simple mais on sent derrière une très grande maîtrise. Je suis également influencé par Franquin, quelqu’un qui a su construire un univers autour de son personnage et qui parvient à rendre ses gags intéressants, plus par ce qui va arriver que par le gag en lui-même. Par exemple, quand De Mesmaeker apparaît, on sait très bien qu’il n’arrivera pas à signer son contrat. Ce qui est drôle, ce n’est pas le fait qu’il ne signe pas, mais tout le cheminement qui va l’empêcher de signer.

Pourquoi Tony déteste-t-il autant Dominique ?
En fait, Tony et Alberto, c’est un peu moi. Je suis de temps en temps plutôt Alberto, et à d’autres moments plutôt Tony. Moi aussi, je suis un peu schizophrène. (rires) Quand j’étais gamin, je me suis dit très longtemps que les filles c’était nul. C’était avant tout, les copains. Tony en est un peu resté là même si, d'un autre côté, il est aussi intéressé par les filles, sans trop se l’avouer. Tony est plus ou moins amoureux de Dominique mais il veut donner l’impression de la détester pour éviter d’être submergé par des sentiments qui lui font un peu peur.

Et puis, Dominique a aussi des qualités de « super pote ».
Elle a surtout du caractère, elle ne se laisse pas faire. Je la trouve sympa. Je l’ai faite venir dans le dernier album et je me demande d’ailleurs si elle ne va pas devenir un personnage récurrent. Auparavant, je me débrouillais toujours pour qu’elle vienne et qu’elle s’en aille aussi sec.

Reverra-t-on les taupes ?
Je me suis retrouvé dans le dernier album avec une bande de petits poussins qui couraient partout derrière Tony. Si je devais en plus rajouter des taupes, je n’en finissais pas ! Je me suis demandé pendant longtemps comment faire disparaître ces poussins. Et à la fin du tome… ils sont toujours là. Ils seront encore là au début du prochain. Mais je pense que Tony retrouvera aussi les taupes. Cette série, c’est un peu 30 millions d’amis. (rires)

On ne voit plus beaucoup le médecin…
Quand on fait une série, qu’on en est au neuvième tome, on prend des habitudes : il faut faire un match de rugby, il faut qu’on voie le médecin, le toiletteur, les taupes, il faut qu’il y ait un gag avec du coca-cola… Au bout d’un moment, je me demande si je vais avoir la place de faire un gag sans forcément respecter ce « cahier des charges ». C’est pour ça que dans le dernier tome, je n’ai pas mis les taupes, ni fait apparaître beaucoup le docteur. Ce n’est pas toujours évident.

Comment gérez-vous votre travail sur un périodique ?
C’est quelque chose qui me convient assez car je suis une grosse feignasse. Si on ne me commande pas du travail, je ne travaille pas. (rires) Travailler pour un mensuel qui me demande régulièrement du travail, ça me convient très bien. Par contre, je travaille pour plusieurs mensuels et j’ai des deadlines assez monstrueuses. Il faut vraiment s’organiser. Et quand on part en vacances, il n’y a pas de congés payés, il faut rattraper le temps perdu. Quand je travaille pour un bimensuel, comme Okapi, il faut tout préparer à l’avance. D’ailleurs, je viens à peine de rattraper le retard que j’ai accumulé cet été. Tirer sur la corde tout le temps est assez épuisant.

Ils sont nombreux à frapper à votre porte pour des relances ?
Je n’ai jamais planté un journal, donc ils me font confiance. Par contre, je ne suis jamais en avance. Le jour où ça m’arrive, je sors la bouteille de champagne. (rires)

Parlez-nous de la reprise en album de Pouvez-vous répéter la question ?
Au départ, c’était juste dans Okapi pour animer le journal. Au fur et à mesure, on s’est aperçus qu’il y avait pas mal de planches et qu’on pouvait en faire un album. Je n’ai pas vraiment trouvé de titre et l’album sort finalement sous le nom de Kesaco. J’avais toujours eu envie de faire quelque chose qui se rapproche de l’émission de Noëlle Breham sur France Inter, « Les petits bateaux ». Le principe de l’émission est basé sur des enfants qui appellent la radio et qui posent des questions sur tout et n’importe quoi du style « Pourquoi le ciel est bleu ? ». La journaliste invite chaque fois des personnes compétentes pour répondre à ce genre de questions. J’ai juste rajouté le côté dérision et absurde.
Propos recueillis par Auriane et Laurent Cirade