Enfin ! Que s’est-il passé depuis « A la lettre près » ?
Cyrille Pomès: « Enfin ! », je vous ai donc manqué, c’est agréable. Difficile de résumer tout ce qu’il s’est passé depuis « A la lettre près », vous-même semblez considérer que 4 ans, c’est long ! En vrac, un projet de BD en collaboration avorté, pas mal de carnets de dessin non destinés à la publication remplis, notamment lors de voyages (Chine, Jordanie, Yémen), des ateliers avec des enfants, des déménagements, des amours perdus et trouvés… La vie, quoi.
Vous quittez le réalisme pour l’onirisme sans vous départir pour autant du cynisme, ce changement de style est-il une mise en danger ?
Une « mise en danger », je ne suis pas photographe de guerre non plus… J’imagine qu’en réfléchissant en terme de carrière, le fait de changer d’univers d’un bouquin à l’autre n’est pas la meilleure manière de devenir « identifiable » en rayon ; mais la vie me préserve pour l’instant de réfléchir en ces termes, et je ne m’en porte que mieux. « A la lettre près » correspondait à l’époque à un tournant dans ma vie, ma sortie des Beaux-Arts pour rentrer dans la vraie vie, et le questionnement éthique qui s’en suivait. Sans pour autant prétendre avoir répondu à ce questionnement ( !), j’ai eu envie d’autre chose par la suite, une histoire légère, graphiquement plus poussée, j’ai eu envie de retrouver la bande dessinée de mon adolescence, celle qui me faisait voyager et marrer. « Chemins de fer » répond à cette envie.
Le N&B est un choix personnel ou bien un choix éditorial ?
Le N&B est un choix personnel, auquel l’éditeur a fini par se ranger. Ce n’est pas faute d’avoir noirci toutes les zones susceptibles d’être colorisées ! Je plaisante, au final l’éditeur et moi sommes tombés d’accord sur l’idée de coller à l’imagerie des vieilles locos constituant l’essentiel de ma documentation pour l’album. Et puis ça donne à ce dernier un côté résolument rétro, qui contraste avec une certaine modernité dans les dialogues des personnages, ce paradoxe me plaît bien.
La fin de cette histoire a plusieurs niveaux de lecture, peut être une suite ?
Au risque de décevoir ceux qui se sont attachés aux personnages, et qui voudraient connaître la suite de leurs aventures, je ne peux que les renvoyer à leur propre imagination puisqu’aucune suite n’est prévue ! Si la fin reste en quelque sorte ouverte, c’est qu’une invitation au lecteur à poursuivre l’aventure dans sa tête, si l’envie lui prend. Qu’il n’hésite pas au passage à me tenir au courant, ça m’intéresse !
Pourquoi ce « s » à Chemins de Fer ?
Le « s » de Chemins de fer est un jeu qui se situe entre la référence aux vieilles locomotives, évidemment, et l’histoire même des personnages : ils sont trois, et leurs chemins sont scellés de manière à se croiser. Sans en dévoiler trop sur l’histoire même, il y est question de destin, d’un aspect inéluctable de la vie, et de la capacité qu’on a d’enrayer ce qui semble acquis par avance. Voilà pourquoi ce fameux « s », les trois personnages ont chacun leur chemin, de fer. Je me suis bien fait comprendre ? (je ne m’attendais pas à ce qu’il pose question, ce « s », c’est drôle).
Si vous deviez faire découvrir la bande dessinée à un ami, laquelle lui offririez-vous ?
L’occasion m’a été donnée tout récemment de faire découvrir la bande dessinée à quelqu’un qui m’est cher. C’est par « Le voyage » d’Edmond Baudoin que j’ai commencé. Si vous vous demandez pourquoi, c’est que vous ne l’avez pas lue. Il n’est pas trop tard.