Prenons cet encadré qui illustrait un article paru dans le quotidien Les Echos du 30 mars 2009, « Thomson ou la chronique d’un désastre industriel ». C'est une galerie de portraits : les photos de quatre individus différents. Pas n'importe qui : les PDG successifs de Thomson, de 1997 à nos jours.
Le simple fait d'occuper tour à tour un même poste est un lien séquentiel relativement mince, direz-vous... Et vous avez raison, il n'y aurait pas grand chose à relever, d'un point de vue casologique, si les maquettistes des Echos n'avaient eu l'idée aussi loufoque que zygomatique d'illustrer la courbe de progression du résultat net de Thomson (qui figure dans le même encadré) par des expressions de visage appropriées.
C'est ainsi qu'on voit un Thierry Breton hilare et rayonnant. Il y a de quoi, à l'époque le chiffre d'affaires est florissant, et le résultat net au beau fixe. Son successeur semble faire le dos rond, alors que tous les chiffres se dégradent à grande vitesse... La boite a peut-être un trésor de guerre, en tout cas, Charles Dehelly arbore un sourire de Joconde, légèrement pincé mais on sent l'envie de se montrer rassurant. Son remplaçant en 2004, Frank Dangeard, ne sourit plus. D'ailleurs, il n'y a pas de quoi rire. Thomson est devenu comme Paul McCartney dans Yesterday : not half the company it used to be. L'ombre de ce qu'elle était.
Quant à Frédéric Rose, nouveau dirigeant depuis septembre 2008, qui récupère la boite au pire de la crise, il ne fait pas dans le sourire mais carrément dans le rictus, et douloureux encore. On a vu dans Lucky Luke des croque-morts avec le teint moins cireux. Pour un peu, on lui tendrait un mouchoir.
Ces photos n'ont pas été choisies au hasard. Tout le monde, au cours d'une journée, peut être photographié avec des mimiques très différentes. On n'exulte jamais de façon prononcée pendant des années. Et même les deuils les plus cuisants ont leurs moments de rire. Il y a donc une certaine malhonnêteté à sélectionner des photos qui donnent une coloration émotive, un affect, à de bêtes courbes financières. D'un autre côté, c'est plutôt poilant. Ô toi, maquettiste des Echos, tu ne l'emporteras peut-être pas au paradis, mais on aura bien rigolé ici-bas.
Toi le maquettiste quand tu mourras, quand Frédéric Rose t'emportera, qu'il te conduise à travers ciel au père éternel !