J’arrête de fumer est en quelque sorte le prolongement de mon blog. C’est aussi mon premier album publié chez Delcourt alors que mon premier contrat signé concerne Vacance. J’arrête de fumer a été écrit pendant que je travaillais sur Vacance. J’y racontais mes petites aventures au quotidien et je les jetais comme ça sur mon blog. Les deux projets sont complètement différents : d’un côté une fiction, de l’autre un petit journal de bord.
Aussi bien J’arrête de fumer que Vacances sont présentés sous forme de chapitres, de segments. Comment construisez-vous vos albums ?
Même si je n’en suis qu’à deux albums, j’ai l’impression de construire mes récits toujours de la même manière : je sais comment je commence mais je ne sais pas comment ça va finir. Pour J’arrête de fumer, c’était un peu normal puisque c’était au jour le jour. Pour Vacance, même si c’est une fiction, c’est le récit qui venait également un peu au jour le jour. Au départ, d’ailleurs, Vacance ne devait pas du tout se terminer de la même façon. C’est mon héroïne qui m’a guidé à certains moments dans mes choix. Je ne trouvais pas toujours la solution la plus logique pour le bon déroulement du récit. C’est pour ça aussi que j’ai mis si longtemps à l’écrire, deux ans.
L’une des premières paroles de Marie dans Vacance est : « On va fumer une clope ? ». Est-ce déjà un clin d’œil à votre autre album ou est-ce un pur hasard ?
A ce moment du récit, je ne pensais pas encore à arrêter de fumer. Mais je ne pouvais pas concevoir non plus le personnage de Marie non fumeuse. Comme elle est une mère indigne, elle doit fumer. Quand j’ai vraiment arrêté de fumer et que je me suis remise sur Vacance, j’ai dû vraiment me forcer pour que Marie reste fumeuse.
Pourquoi avoir choisi ce titre de Vacance ? Est-ce le poste de mère de famille de Marie qui est laissé vacant ?
En quelque sorte. Le mot "vacance" m’est immédiatement apparu comme une évidence, à cause du double sens. Le récit démarre sur un retour de vacances puis Marie part en vacances, laissant son rôle de mère vacant… Toute l’histoire joue sur ces deux termes.
Pensez-vous que cette envie de tout plaquer est quelque chose qui arrive à tout le monde, à un moment de sa vie ?
Oui. Je m’étais longtemps préparé à cette question en imaginant répondre "Non. Si l’on est heureux, pourquoi vouloir partir ?". Je pense en réalité que tout le monde a un jour cette envie, ne serait-ce que de disparaître quelques heures. Mais très vite la réalité prend le dessus, on se rend compte qu’on a aucun intérêt à disparaître.
Peut-être que cette envie est plus fréquente chez les femmes que chez les hommes.
Tout à fait. D’ailleurs, si j’avais dû raconter l’histoire d’un homme, elle aurait été complètement différente. On ne se poserait pas du tout les mêmes questions simplement, car une femme, comme Marie, qui part en laissant homme et enfant n’est pas un cas normal.
Pensez-vous que ces envies de disparaître pour une femme sont plus fréquentes à notre époque ?
En tout cas, les possibilités de disparaître sont plus nombreuses. Pour partir, une mère doit avoir confiance en ceux qui restent. Je ne pense pas que cette confiance ait pu exister il y a quelques décennies, à l’époque où les hommes ne savaient pas toujours s’occuper d’un enfant. Aujourd’hui, les femmes peuvent partir l’esprit tranquille. (Rires)
A chaque nouvelle rencontre, Marie invente un nouveau passé, ment sur sa vie, sur ce qu’elle est. La seule personne avec qui elle joue franc jeu est un ado un peu paumé. Pour quelle raison ?
Il y a deux raisons qui ont motivé ce choix. Premièrement, je voulais qu’elle se confie à quelqu’un, sans savoir exactement à qui. Il fallait que ce soit à une personne très âgée, soit à une personne très jeune. Mais aussi, pendant que j’écrivais ce bouquin, j’étais tombé sur un entrefilet dans un quotidien qui racontait l’histoire d’un jeune allemand de 13 ans qui avait fugué. Il a été retrouvé aux portes de Paris alors qu’il partait en Espagne pour retrouver une amie d’enfance. J’ai trouvé cette histoire très belle, rocambolesque, chevaleresque. J’ai souhaité qu’il apparaisse d’une façon ou d’une autre dans Vacance. Enfin, au même moment, un jeune membre de ma famille est décédé. Je voulais que ce jeune garçon rencontré par Marie soit un peu comme un ange, sorti de nulle part, qui l’écoute.
Vous avez occupé chez Delcourt plusieurs postes (manutentionnaire, assistante d’édition…) avant de devenir auteure. Etait-ce pour vous un passage obligé ou un concours de circonstances ?
C’est un concours de circonstances. Ma vie a souvent été faite de virages inattendus. Je ne m’attendais pas du tout à travailler dans l’édition, car j’étais libraire à la base, puis à faire des décrochés comme ça, petit à petit. Rien n’a été calculé. Evidemment, si je suis arrivée chez Delcourt, c’est par affinité avec le monde des belles images. Même si on ne m’a encore rien proposé, j’aimerais beaucoup pouvoir diriger une collection. J’ai un talent, paraît-il, celui de mettre des gens en relations. J’ai vraiment l’envie de faire travailler des jeunes auteurs ensemble, de voir émerger de nouveau talents.
Avez-vous des projets en tant qu’auteure ?
Tout d’abord l’adaptation de quatre romans pour la jeunesse qui vont probablement devenir huit tomes en bande dessinée. Je travaille en collaboration avec l’auteure, Malika Ferdjoukh. C’est un très gros projet qui n’est pas encore signé.