Ludovic Lambour : J’ai traité dans l’album deux parties distinctes : deux vies, deux destins, deux personnages complètement différents que j’ai développés chacun leur tour. Une troisième partie réunit les deux premières.
Première partie : l’histoire se passe en 2004, essentiellement aux Etats-Unis. Un homme apprend la mort de sa sœur mais aussi l’existence d’un neveu dont il devient le tuteur légal. Cet homme à qui il arrive un drame dans la vie veut réagir par lui-même et essaye de trouver des réponses par lui-même. Je me suis basé sur des faits d’actualité concernant notamment les disparitions d’enfants. On peut voir souvent dans ce genre de réactions que le fait que la police s’en occupe ne suffit pas toujours aux familles. Celles-ci partent aussi dans leur propre enquête. L’idée est de confronter une personne a priori normale à une situation anormale et montrer le cheminement pour retrouver un enfant sans savoir si c’est une fugue ou un enlèvement. L’homme est seul face à lui-même.
Deuxième partie : on suit un personnage complètement différent, un soldat américain se trouvant en 2004 dans Bagdad. Son groupe est surpris un jour par une attaque d’insurgés et va se réfugier dans un bâtiment qui n’est autre que le musée de la capitale irakienne. Le soldat va trouver dans ce lieu un objet qui va changer le cours de sa vie.
Le parallèle entre ces deux histoires est le suivant : le premier personnage a perdu quelqu’un alors que le deuxième a trouvé quelque chose. Ainsi les deux histoires apparemment sans lien vont être mêlées, celles de deux hommes pris dans des destins différents, des vies qui explosent soudain et qui doivent se remettre en question et vont tenter de trouver leur propre rédemption dans leur quête personnelle.
Est-ce un album sur la foi ou sur la recherche d’un certain idéal ?
LL : Non, l’album est à prendre dans un sens beaucoup plus large. L’être humain est comme ça. On part avec des convictions et la vie est là pour nous donner quelques coups de poing afin de nous rappeler que ce n’est pas aussi facile, qu’il faut se ressaisir ou bien changer de cap.
Un premier album de 200 pages, c’est plutôt une chance ou plutôt une grosse responsabilité ?
LL : Les deux à la fois.
Une chance car on m’a donné la possibilité de mener à bien mon projet. J’ai travaillé au départ sur cet album dans l’optique de passer mon diplôme aux Arts Décoratifs de Strasbourg. J’ai donc pu réaliser cet album en tant qu’étudiant, élaborer un scénario, peaufiner les recherches documentaires. Il y a tout un travail préparatoire qui a été assez conséquent. C’est également une chance car on me donne la possibilité de m’exprimer, ce média étant d’abord un moyen de communication personnel. Etant tout seul au dessin et au scénario, j’ai bénéficié d’une liberté assez grande.
Mais c’est aussi une responsabilité car il ne faut pas oublier qu’il y a derrière l’album un contrat qui comprend une date buttoir que j’étais censé tenir… et que je n’ai pas tenue (rires). Mais ça reste le meilleur de l’apprentissage. J’ai fait 7-8 ans d’études d’arts graphiques pour me retrouver face à quelque chose de complètement neuf qui m’a remis moi aussi en question car on tente, on essaie, on efface, on recommence encore et encore jusqu’à ce que tout fonctionne.
Les deux histoires étaient-elles prévues dans un seul album dès le départ ou les conditions ont-elles été modifiées en cours de réalisation ?
LL : Au départ, je voyais plutôt trois tomes correspondant à trois parties distinctes d’environ 60 pages. Puis en discutant avec Didier Borg (directeur du label KSTR Ndr.), on s’est rendu compte qu’un one-shot serait beaucoup plus sensé, aurait beaucoup plus d’impact. On a donc dit banco pour 191 planches. On s’est en fait aperçu que le problème venait du fait que les deux histoires étaient totalement différentes avec un lien qui ne serait apparu que lors de la sortie du troisième tome, avec le risque de perdre des lecteurs en cours de route.
Il y a, à la fin de l’album, une liste impressionnante de remerciements, de sources d’inspiration. C’est une façon de faire un bilan de tout ce qui a pu vous influencer pour la sortie de ce premier album ?
LL : Exactement. J’avais un réel besoin de remercier. C’est une expérience qui n’est pas facile. Pendant 3 ans, je n’ai pas eu de vacances, pas eu de week-ends. J’ai travaillé en solitaire uniquement sur cet album sans d’autres activités. Il a fallu que je m’accompagne moi-même. Les personnes que je remercie sont toutes celles qui m’ont également accompagné, volontairement ou non, présentes ou non physiquement. Sans eux, je ne sais pas si j’aurais pu mener ce projet à terme.
Y compris G.W.Bush ?
LL : (Rires) Avec son bilan, ce sera peut-être le seul remerciement qu’il aura. On va dire que c’est une petite blague entre nous deux.
Saint-Malo est-il votre premier festival ?
LL : C’est en tout cas le premier festival que je fais derrière la table, et non pas devant. J’ai fait ma première séance de dédicaces.
Avez-vous une anecdote particulière à nous raconter sur cette première expérience ?
LL : La première dédicace que j’ai faite, c’était pour un enfant… de 6 mois. Le papa m’a dit : « C’est pour mon enfant, il pourra comme ça la revendre sur Ebay. ». Je lui ai répondu : « Comme ça, il pourra se payer ses études. » Ce monsieur avait sûrement un sens de l'humour très développé...
Quelqu’un d’autre m’a demandé de lui dessiner un personnage, qu’on voit aux alentours de la page 140, alors qu’il n’a pas encore lu l’album et me dit « Vous le faites contre le mur, dans la prison. » C’était ma première demande spécifique.
Je n’ai pas encore eu droit au groupe d’enfants qui me demandent de leur dessiner un cheval ou Batman. (Rires) Mais je les attends aussi avec impatience.