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Vacances à Saint-Prix:Chris et Julien Flamand prennent leurs quartiers d'été

Propos recueillis par Alexandra.S. Choux News 08/11/2008 à 23:21 4038 visiteurs
Ces vacances là sont de ces bonheurs simples dont on ne se lasse pas.Lors d'une rencontre au festival de Saint-Malo, les auteurs se prêtent au jeu des questions.


Quelle est la genèse de cet album ?
Julien : C’est une histoire que mon père me raconte depuis que je suis gosse. Quand il a fallu que je prépare mon diplôme à Emile Cohl, cette histoire s’est imposée car je ne voulais pas adapter de romans ou de nouvelles comme certains le faisaient. Je lui ai dit que telle qu’il me la racontait, on pouvait très certainement en faire quelque chose car c’était drôle, vivant, un peu bucolique avec cette fin un plus amère. Je pensais que l’on pouvait en faire quelque chose, je lui ai demandé de l’adapter et il l’a fait !
Au début, il m’a donné beaucoup de notes qu’il a fallu que je remette en forme pour storyboarder, les 20 premières planches sont nées comme ça.
Christian : C’est en effet une histoire que les enfants, Julien et Victor mes deux fils (Victor a fait les photos à la fin de l’album) ont du beaucoup entendre. Julien a du l’entendre peut être 100 fois, il était donc très immergé. Il a rencontré les personnages principaux Marcel et Dédette, il connaissait bien entendu les personnages secondaires. Par ailleurs, depuis une dizaine d’année, j’avais pris de petites notes de scenario en me disant qu’un jour, j’écrirai quelque chose, un bouquin, un scenario mais avec toujours dans l’idée que je n’aurai jamais le temps de le faire.
Le fait que Julien me le demande m’a mis au pied du mur et je me suis dit : « maintenant tu n’as pas le choix, il faut le faire ». Julien s’est beaucoup occupé des 20 premières pages, je suis plus intervenu sur les dialogues et le découpage.

Il a fallu combien de temps pour réaliser l’album ?
Julien : Cet album est élaboré en deux parties, les 20 premières pages ont été réalisées sur une année scolaire. J’ai eu mon diplôme en juin, puis en juillet Akiléos (maison d’édition) est venue me contacter. Le reste de l’album a été réalisé en 3 mois, ce qui est assez rapide mais mon père m’envoyait le scenario et les dialogues au fur et à mesure.
Christian : On travaillait beaucoup par internet, et surtout le soir. En rentrant de mon agence de publicité, je faisais les cadrages pour que cela aille très très vite, je les scannais et je les envoyais à Julien.
Lui souvent, le lendemain ou le surlendemain me renvoyait les planches crayonnées à sa manière que je validais ou non.
Julien : il validait le bon déroulement de l’histoire petit à petit.
Christian : Nous avons essayé de travailler par doubles pages. Nous savions où nous allions et surtout où nous voulions aller.
Ce cheminement a été un travail de tous les instants et nous échangions tous les jours par téléphone ou par mail.

L’adaptation de ces souvenirs est drôle et pourtant le ton semble suffisamment détaché et rêveur pour avoir le recul de raconter cette histoire. Comment avez-vous travaillé ? Quelle liberté vous êtes-vous laissée ?
Christian : Toute la liberté du monde !
Julien : oui ! J’ai essayé de garder un regard extérieur
Christian : Le regard extérieur du premier lecteur nécessaire pour prendre du recul parce que même s’il connaissait l’histoire, il pouvait me donner son avis sur les dialogues et répliques. Moi j’étais trop impliqué.
Je voyais si ça fonctionnait. Si je me faisais rire, je lui envoyais la page et quand les deux étaient d’accord alors on validait la page. On a essayé de ne pas laisser passer de détails qui ne nous plaisaient pas, en clair, nous avons essayé de faire l’album que nous aurions aimé lire. Je voulais le plus d’exactitude possible sur les détails d’époque.
Julien : Dessiner un interrupteur tel qu’il était en 1965, ne me posait aucun problème. En revanche revoir la coupe de cheveux du père parce qu’en réalité elle était tout en avant mais pas en arrière, là je disais non ! (rire des deux)
Christian : Mais c’est important ! Indépendamment de la réalité historique, je voulais que mon père se retrouve dans cet album, car comme lui, certains personnages sont encore en vie et se sont découverts en personnages de bd.

Quel a été l’accueil familial ?
Christian : Excellent !!
Julien : Mon grand père les achète en gros et les revend après. Ma tante prend des commandes, je lui dédicace et je lui renvoie.

Est-ce difficile de s’approprier l’histoire de son père par ses dessins ?
Julien : Il me la raconté tellement de fois que c’est presque devenue la mienne. Je connaissais tous les personnages.
Vous avez travaillé à partir de photos ?
Julien : Oui entre autre. Pour Pépé et Mémé en revanche, nous n’avions aucune photo d’eux, exceptées celles confiées par Marcel. Nous avons aussi beaucoup fait de photos par nous même pour du repérage. D’ailleurs le chemin de la couverture est rigoureusement le même que celui qui mène « aux Roches »

Inversement comment est-ce de voir son histoire mise en dessins par son fils ?
Christian : C’est la seule personne à qui j’aurais pu confier cette histoire. Je ne me voyais pas abandonner un morceau de moi-même à quelqu’un qui n’aurait pas été mon fils, auquel cas, je l’aurais fait moi-même. En fait c’est mon 1er métier, j’ai travaillé pour Pif Gadget pendant 7 ans entre 1973 et 1980. J’ai abandonné la bd en tant que dessinateur à l’âge de 27 ans, âge auquel Julien sort son 1er album. La boucle est bouclée en quelque sorte. Lui me ramène à la BD par le biais du scénario et on y prend tellement de plaisir que du coup j’arrête plus d’écrire !

Le deuxième tome est prévu pour quand ?
Julien : Notre éditeur semble partant et attend la suite avec impatience, donc a priori pour octobre 2009. Il me faut environ 6 mois.
Six mois c’est plutôt rapide, c’est grâce à vos rapports privilégiés?
Christian : Oui, nous nous parlons beaucoup, on se dit quand c’est bien mais quand c’est mal aussi, donc nous ne perdons pas de temps.
Pour le 2ème tome, le scénario et les dessins seront élaborés à 4 mains. Il s’agit d’une suite indirecte. Nous gardons les mêmes personnages, un peu plus loin dans le temps.

Toujours des souvenirs familiaux ?
Julien : De vraies anecdotes mais plus romancées
Christian : le 2ème tome décrira d’avantage cette envie, au retour de Saint Prix, de devenir dessinateur. De la difficulté, à 10 ans, quand on habite en province, de faire un métier artistique quand on se heurte à l’incompréhension des adultes. A l’époque même les profs de dessin me disaient : « tu n’as qu’à faire dessin industriel », alors que ça n’a rien à voir…

Cet album est un succès. En dehors des côtés « professionnels et médiatiques », quelles satisfactions vous apporte-t-il ?
Christian : La satisfaction d’avoir vu l’aboutissement de ce travail avec son fils.
Julien : Je suis content que mon premier album soit réalisé en collaboration avec papa. Satisfaction de voir son propre album sorti avec « Flamand » écrit dessus, après avoir été pendant 25 ans fan de Bd. A Angoulême, ça été un des moments très forts (l’album est sorti pour Angoulême 2008), magique. J’ai passé la soirée au lit, juste à regarder la couverture !
Et puis la rencontre avec le public, c’est vraiment fort. Nous avons des retours géniaux, des personnes qui viennent nous voir en nous disant qu’elles se sont reconnues dans notre album.
Christian : Oui, c’est en effet, impressionnant et totalement intergénérationnel et c’est là notre plus grande fierté. Nous avons des jeunes filles de 25 ans ou des grands pères de 70 ans qui se retrouvent totalement dans ces vacances là.
Et puis, en dédicaces, c’est étrange et gratifiant, ces personnes qui ont aimé l’album qui nous demandent de dessiner « Marcel ». Elles connaissent notre histoire, se l’approprient.

Comment avez-vous géré l’aspect « madeleine de Proust » de cet album ?
Christian : Je ne voulais surtout pas d’album nostalgique et je ne voulais pas que Julien se vautre dans une nostalgie qui n’était pas la sienne. Ca m’aurait paru presque malsain.
Julien : On n’était pas dans un trip nostalgie en travaillant, au contraire, on s’est vraiment amusés.
On pense au « petit Nicolas » en lisant votre album, y avez-vous vous-même pensé, en élaborant l’album ?
Christian : Oui bien sur, ça fait partie de nos légendes. Quand j’ai lu les critiques qui évoquaient Pagnol et Sempé, ça m’a fait plaisir. Très modestement, je me dis que si nous avons pu aller dans ce sens là de la narration, c’est que quelque part, nous avons réussi.
Julien : on nous a aussi beaucoup parlé de Chabouté, pour « quelques jours d’été », et du « Grand Chemin » également.

Si vous deviez faire découvrir la bande dessinée à un ami, laquelle lui offririez-vous ?
Christian : Larcenet parce que c’est un auteur accessible au niveau graphique mais avec des histoires adultes.
Julien : Larcenet également et Pico Bogue qui a été un véritable coup de cœur, certainement parce que c’est aussi un album familial, poétique et drôle.

Propos recueillis par Alexandra.S. Choux