D'où est venue l'idée d' Un enterrement d'une vie de jeune fille ? Un cas vécu, ou proche d'enterrement de vie de jeune fille / de garçon qui a viré à l'aigre ?
Il y a d'abord cette expression très étrange, "enterrement de vie de jeune fille", qui peut avoir plusieurs sens. Mais l'idée de départ, c'est le thème de la culpabilité. J'ai tendance à avoir ce défaut de culpabiliser au sujet de tout, donc je voulais qu'un de mes personnages soit complètement anéanti par la culpabilité, que cette culpabilité se transforme finalement en haine de soi.
Dans l'ensemble, j'ai toujours trouvé naze ces enterrements de vie de garçons ou fille. Les types bourrés habillés en bébé dans la rue au milieu de "copains" hilares, j'ai du mal. C'est plus un "enterrement de sa dignité" qu'on célèbre dans ces cas-là.
Je voulais raconter aussi les petites choses ingrates de la vie, les amitiés, les amours qui s'essoufflent, les aires d'autoroute, la fin de l'adolescence.
Quelle est l'origine des prénoms des deux copines d'Anne, Quitterie et Auréole ? Quel contraste entre ces deux prénoms qui sortent réellement de l'ordinaire et qui interpellent à chaque fois qu'on les lit et celui tout à fait commun de Anne !
Oui, Anne, c'est plus un fil rouge, donc elle a un prénom un peu banal, neutre. Anne, c'est le lecteur, ce n'est pas un personnage au début. Comme elle, le lecteur est trimballé la moitié du livre sans savoir où il va, c'est ce que je voulais en tout cas. Et puis, petit à petit, elle devient un vrai personnage avec ses qualités et ses défauts d'être humain, et elle prend des décisions, notamment concernant sa vie de couple.
Quitterie, c'est un prénom que j'ai découvert depuis que je suis à Bordeaux. Un prénom féminin assez commun ici.
Et Auréole, je dois dire que ça me plaisait pour le double sens "auréole sous les bras" et l'auréole des saints, ou des anges. Ça pourrait être un prénom de bonne famille catho. J'avais une collègue dont la tante avait appelé sa fille, tout à fait naïvement Clitorine. Comme quoi, la réalité dépasse la fiction.
Dis voir, c'est pas un peu mysogine de faire un livre sur le sentiment de culpabilité et de choisir des jeunes femmes pour l'illustrer ?
Non. J'en avais marre de lire des histoires de mecs en goguette, j'ai trouvé plus intéressant d'essayer de me mettre dans la peau de trois filles. Dans le fond, ça ne change pas grand chose. Des copines entre elles peuvent être plus crades et délurées que des garçons. Le sexisme, ça serait de raconter une histoire de filles à l'eau de rose, sentimentale et super-sensible, avec des fleurs et des robes en soldes qu’on a envie d’acheter.
S'agit-il du premier album d'une nouvelle collection Dupuis ou est-ce un album "sur-mesure", un cas unique ?
C'est moi qui ai demandé ce format, qui était celui de l'intégrale Comme tout le monde de mon ami Rudy Spiessert. Je voulais un format plus roman graphique, qui colle plus au ton de l'histoire, au dessin et à la pagination. Ce n'est pas une nouvelle collection, pour le coup c'est du sur-mesure, et je ne sais pas si d'autres livres sortiront sous cette forme.
Pourquoi as-tu choisi la tête de cerf sur la tranche de ton dernier album ?
Avant tout, c'est un choix graphique, parce que ça a de la gueule, des bois de cerf.
Et puis la tête de cerf, ça peut symboliser la maison de campagne. C'est un truc incongru, une tête de cerf, un peu comme cette idée de kidnapper une copine pour lui faire faire des gages avant le mariage.
Quels retours as-tu suite à la publication du Petit livre rock ?
Excellents, je ne peux pas dire autre chose. Il s'est pas mal vendu, j'ai rencontré plein de gens du milieu du rock grâce à lui (maintenant j'ai une rubrique à moi dans le mensuel pop "magic" par exemple, je fais des pochettes, des affiches, je participe à des débats). Beaucoup de messages enthousiastes, de gens qui ont été touchés par le bouquin, je suis ravi. Même dans le milieu de la BD, pas mal de gens m’ont découvert grâce à ce livre qui est à peine une bande dessinée !
Dans cet album le contraste est saisissant entre la densité et la richesse des anecdotes et des personnages qui font l'histoire du rock au cours de son premier quart de siècle et la relative fadeur de ceux qui suivent. Est-ce que cela découle d'une réalité factuelle ou est-ce un parti-pris d'auteur ?
Moins d’overdose, de Rolls dans la piscine, de relations contre-natures avec les groupies… C’est aussi tout le monde occidental qui est plus obsédé par la santé et la sécurité. Les artistes pensent plus carrière peut-être, et ne se tailladent plus les veines sur scène. Mais bon, il reste toujours une Amy Winehouse, un Pete Doherty pour perpétuer la tradition malsaine du rock. Il y en aura d’autres, espérons.
Peut-on revenir sur Fuego* ? La genèse du projet en quelques mots ?
Eh bien Frédéric Niffle le rédacteur en chef de Spirou, m'a demandé si je voulais animer un supplément BD où j'inviterais qui je veux. J'ai dit oui.
Comment s'est fait le choix des thèmes ? La périodicité a surpris : qu'est-ce qui a motivé le choix d'une publication trimestrielle ?
Je choisis des thèmes dont je sais qu'ils amuseront les auteurs que je veux inviter. Par exemple, je sais que ça amuse plus les gens de dessiner et d'écrire sur des lutins à Brocéliande plutôt que sur les centrales électriques. Et il faut que les auteurs s'amusent pour qu'ils donnent le meilleur d'eux-mêmes. Et s'ils s'amusent, en général, le lecteur aussi.
C'est trimestriel parce que je n'ai pas le temps de faire ça plus souvent, c'est prenant de s'occuper de ce genre de choses, même 8 pages ! J'ai un métier à côté, moi, Monsieur. Et puis c'est bien, ça fera un petit événement à chaque fois. Un « petit plus » comme dit Libon.
La référence avec Le trombone illustré, supplément intéressant mais probablement surcoté, n'est-elle pas un peu casse-gueule ? Ou a-t-elle valeur de défi ?
Bon. Alors, la référence, oui, c'est le Trombone, mais non, Fuego n'est pas un Trombone 2.
C'est aussi un supplément de Spirou, ça a le même format, ça propose un ton qui est un peu différent de celui du journal, et on invite des auteurs qui sont dans le journal, mais aussi qui viennent d'autres horizons. Et dans le premier numéro, il y a Hausman.
Une fois qu'on s'est donné cette référence, on repart à zéro, il faut se rendre à l'évidence, on est en 2008 et beaucoup de choses ont changé depuis 1977. Quand Delporte invitait Gotlib, Alexis ou Brétecher, ça ne me semble pas idiot aujourd’hui d'inviter Ferri, Bouzard et Aude Picault.
Sinon, on peut aussi regretter le bon vieux temps, radoter que c'était mieux avant, de dire que c'est prétentieux, élitiste ou je ne sais quoi, et passer à côté des merveilleux dessins de Yoann, des deux pages de Lewis Trondheim, mais c'est dommage à mon avis.
Et puis, à 2,30 euros tous les 3 mois, c’est relatif comme élitisme.
Si vous deviez faire découvrir la bande dessinée à un ami, laquelle lui offririrais-tu ?
À un petit enfant, Petit poilu, à un enfant Le cosmoschtroumpf, à un pré-ado Jules, à un ado rien, de toute façon, il préfèrera sa wii©.
À un jeune adulte du Winshluss ou du Forest, et à mon papa Le marquis d'Anaon ou du Tardi.
Le site de l'auteur : http://bourhis.ouvaton.org/
*Le 1er octobre 2008, un nouveau supplément trimestriel et thématique (un thème différent à chaque numéro) a intégré l'hebdomadaire Spirou : Fuego. Il s'agit, selon l'éditeur, d'une gazette de 8 grandes pages à l’humour et aux graphismes “décalés”, afin d’amener les lecteurs au-delà de leurs frontières de lectures habituelles.