Cet Album est construit comme un story-board, vous l’avez d’abord envisagé en film cette histoire ? Vous aviez les images en tête ?
L. Malnati: Ces dernières années, j’ai beaucoup travaillé dans le cinéma et l’audiovisuel, j’ai en effet eu une approche de la bd différente. Je me suis posé des questions que je ne m’étais pas posées auparavant. Mon approche de l’image est maintenant plus cinématographique.
C’est lié à deux choses : techniquement, j’ai progressé, je ne suis plus prisonnier de mon dessin, maintenant je fais des images, je suis plus soucieux quant à la profondeur de champs, du cadre … Dès que l’on on sort du côté laborieux, on peut commencer à s’intéresser à son sujet pur et dur. Du coup, forcément, j’ai plus en tête des images narratives que des images graphiques. La deuxième chose c’est que j’ai revu ma narration. Sur ce livre là je me suis essentiellement appuyé sur des images de Coppola (Dracula) qui est un film incroyable.Je me nourri des codes narratifs cinématographiques, ce qui est assez peu fait. En Bd, on va jouer sur des ellipses spécifiques à la Bd alors que le cinéma a ses propres ellipses qui sont très différentes et j’ai essayé d’apporter, à mon niveau, une autre forme de narration.
Pourquoi cet univers ?
Cet univers parce que je suis un fou de métal, j’écoute cette musique là à fond, j’aime beaucoup Marilyne Manson , j’écoute du death Metal, des choses beaucoup plus violentes. C’est ce que j’écoute tout le temps, depuis que je suis tout gosse (j’en écoutais même le soir pour m’endormir dans mon walk man) et c’est ce que j’écoute quand je dessine. Du coup, je pense qu’il y a quelque chose là dedans à exorciser. Il y a aussi le fait qu’il est difficile de faire une série sans tomber dans le côté mièvre , comme la série manichéenne dont le héros gentil ferait le bien qui aurait plein d’ennemis qui, eux, feraient le mal. Là je voulais une série ambiguë. Les héros ne sont pas tout blanc ou tout noir, ils on t tous un pied dans la tombe, ils sont tous tournés vers le côté obscur. Cela me permet de gérer des contrastes très forts.
Qu’est ce qui vous fascine dans le gothique ?
Moi je ne suis pas très gothique mais la bd l’est. Elle renferme, en effet, les codes du gothique : le côté obscur, le mal mais un mal ambivalent parce qu'en fait, je suis un grand romantique et je suis intimement convaincu que l’amour sauvera le monde. C’est vraiment quelque chose qui me porte.
Quelles sont vos sources d’inspiration ?
Au niveau pictural, ma plus grosse claque a été la Renaissance italienne. Sinon plus proche de nous la peinture dite « pompier ». C’est très fort et très réaliste, alors qu’on les a fait passer pour des peintres "kitch". Du point de vue technique, c’est extraordinaire. Ils ont ouvert la voie pour sublimer le réalisme. Je pense à des peintres comme Ingres et plus récemment Norman Rockwell. Pour moi c’est une peinture de prestidigitateur. Ils transforment la réalité.
Je pense que la photo a tué ce genre de peinture mais ceci est un autre débat.
Vos vampires sont issus de quel type de légende ? Bram Stocker ou Anne Rice?
Ni l’un ni l’autre. Mes vampires sont d’une nouvelle forme. A ce propos, et ça peut paraître stupide, mais j’ai trouvé la série « Buffy contre les vampires » très intéressante, très novatrice car gothique. C’est une série très bien écrite, étonnante, délirante. Elle a eu bien plus d’impact chez moi que tous les autres vampires que j’ai vu si ce n’est Coppola, qui m’a bluffé.
Je n’aime pas les vampires efféminés, le côté dandy d’Anne Rice. Moi j’aime les grosses bêtes, les brutes.
Comment envisage-t-on un personnage comme Alice?
Le personnage d’Alice (dont le prénom féminin est un clin d’œil aux chanteurs de daeth tels qu’Alice Cooper ou Maryline Manson) c’est certainement moi. Je suis quelqu’un de très gentil cependant je pense que l’on possède tous ses vieux démons, sa part obscure qui nous fait un peu peur et que nous ne maitrisons pas. Alice c’est ce qui en moi pourrait me faire peur. A l’image de Tintin qui a son ange et son démon sur chacune de ses épaules, Alice, c’est un peu mon démon.
Comment travaillez-vous ?
Le tome 1 est entièrement réalisé en peinture acrylique sur un papier aquarelle et le tome 2 est entièrement fait en numérique.
Car cela me permet d’aller plus loin et surtout de gagner du temps, ce qui me permet de réaliser des toiles issues du tome 2 (prévu pour le mois d’avril 2009) dont on fera une expo ici (Galerie Daniel Maghen). Je peux ainsi développer des extraits, des morceaux d’univers… Je me fais vraiment plaisir.
Mon dessin était également trop contraint par le technique. Par exemple, pour faire un dégradé en acrylique, il faut passer par toutes ses étapes, ce qui est un peu fastidieux.
Pour faire ce que j’ai envie de faire, cela me prend un temps fou, donc je cède sur la qualité de mon travail pour avancer, car le but est quand même de raconter une histoire. Alors qu’avec le numérique, je peux me réaliser totalement et rapidement.
Comment est née cette histoire ?
Après ma rupture avec Soleil, il me restait ce scénario. Après « la mémoire du Bambou » , série dans laquelle je m’étais énormément inverti, je ne croyais plus en rien. J’ai écrit Apocalypse comme ça, dans ce moment de doute. Nous recherchions Daniel (Maghen) et moi-même le ton juste à donner pour notre collaboration, sans réellement le trouver. Quand j’ai ressorti cette histoire de mes tiroirs. Je l’ai retravaillé et il a beaucoup aimé, a été très emballé et enthousiaste. Cette histoire a donc connu deux temps, celui, très impulsif du départ et celui plus mûr du « retravail ». C’est donc un projet très solide.
C’est une histoire qui se présente en tryptique auquel s’ajoutera un quatrième tome qui sera l’histoire de l’avant Apocalypse.
Le principe de l’histoire, c’est une espèce de retrouvaille avec son passé. L’héroïne va comprendre, au fur et à mesure qu’elle avance dans l’histoire, qui sont ses parents, qui est sa famille, pourquoi elle en est arrivé là et les origines de l’apocalypse.
Quels sont vos projets ?
Plus le temps passe et plus j’ai envie de me tourner vers l’écriture. Il y a une époque de ma vie où je cherchais à acquérir des techniques de dessins et c’était le but de ma vie. A présent que j’ai acquis ces techniques, que je les ai dépassées, je n’ai plus de réels défis vis-à-vis du dessin.
En revanche, j’ai l’impression que j’ai trouvé l’essence de la création dans l’écriture. Pour l’instant je fais des scénarii, j’acquiers les codes et la technique mais je tends vers le roman
Si vous deviez faire découvrir la bande dessinée à un ami, laquelle lui offririez-vous ?
Les idées noires de FRANQUIN parce que c’est le sommet de ce qui peut être fait. Il a réussi l’universalité du dessin. Il parvient, par son dessin, à nous faire partager son point de vue sur le monde, ses émotions, son ressenti. Son dessin ne trompe personne et je reste convaincu qu’on est tous Franquin en nous.
Les 3 visuels sont issus du tome 2
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