La bichromie (bleu et blanc) renforce le petit côté suranné de vos histoires, c’est ce que vous vouliez ?
Sylvain Moizie : C’est en fait une monochromie. J’ai proposé ça à l’éditeur lorsque j’ai fait une impression ratée, qui est sortie bleutée. Vu que je n’en était qu’au début des encrages, je me suis dit que ça serait bien de creuser dans ce sens d’une monochromie qui amplifierait l’ambiance pleine lune/mystère de l’histoire. Car c’est toujours la pleine lune dans le Massif Central !
Je n’avais même pas pensé, dans La bête qui mangeait tout le monde, qui constitue le début de cette histoire (même si on peut lire La nuit du Chien-garou de manière quasi autonome) à proposer ce genre de chose… Dommage !
Hormis le titre, vous vous sentez des accointances artistiques avec Nick Park et Steve Box (créateur et réalisateur de Wallace & Gromit) ?
Si la question est en rapport avec le dernier Wallace et Gromit, je dirais que je n’y ai même pas pensé. Mais par contre, je suis un grand admirateur de cette série animée ! L’humour décalé, créer du mystère avec des éléments qui ne sont pas censés faire peur, c’est un bon pari, qui tient beaucoup à la mise en scène.
Quel est votre parcours ?
Parents écolo-artisan-agitateurs associatif (stages de dessin et de cirque). Bac Arts Appliqués à Nîmes. Arts Déco à Strasbourg où je rencontre tout un tas d’auteurs en devenir, et nous fondons l’Institut Pacôme, micro-édition expérimentale sur Strasbourg (encore en activité aujourd’hui, après 8 ans !).
J’axe mes bandes dessinées autour du mouvement, chose héritée de ma pratique du cirque. Le dessin est un mouvement, il doit rendre cette vie. Et du coup, les pirouettes et le côté époustouflant propre au cirque ne doit pas être mis de côté.
La nuit du Chien-chien est le premier livre où je parle ouvertement de cirque, ça me fait du bien de ne pas laisser ça de côté (d’ailleurs, je propose un spectacle en parallèle du livre… Avis aux organisateurs de salon qui cherchent une animation !).
Le Massif Central est le lieu de tous les dangers et nous l’ignorions ?
Non, personne ne l’ignore, c’est le berceau de la bête du Gévaudan. Celle-là même qui a dévoré tout le monde. J’évoque la bête du Gévaudan dans La bête qui mangeait tout le monde, ces peurs populaires ancrées dans la mémoire collective.
Mais ce qui m’a vraiment inspiré au départ, c’est un spectacle de marionnettes qui s’intitule Le monstre du Gévaudan. Le spectacle, toujours le spectacle !
Quels sont vos projets ?
Pfouuu, quel programme ! La bête & La Nuit font partie d’un vaste ensemble qui s’intitule BOUCLETTES, univers développé dans la quasi totalité de mes projets, chez tous les éditeurs avec qui je travaille. Je suis en train de travailler sur un « carnet de naissance » en bande dessinée pour la collection Shampooing des éditions Delcourt. Mais je suis également sur une série qui s’intitule Ultra Violette, qui paraît tous les deux mois à l’Institut Pacôme, chaque fois en collaboration avec un scénariste différent.
Je suis aussi sur deux ou trois autres projets "Bouclettes", mais on verra plus tard. Les pies bavardes, un petit opuscule vient de paraître aux éditions L’ŒUF.
Si vous deviez faire découvrir la bande dessinée à un ami, laquelle lui offririez-vous ?
On a tendance a raconter des histoires de personnes qui sont sympa ou vont le devenir, et tout va bien à la fin, le monde va mieux. Dans Tout doit disparaître, Simon Hureau nous raconte la vie de personnages pas toujours sympathiques, et en plus ça ne finit pas vraiment bien.
Ça bouscule les idées reçues sur ce que doit raconter un récit. Pour une personne qui découvre la bande dessinée, je lui conseille de lire des choses de ce type, histoire de ne pas se formater tout de suite !
Et pour Les épatantes aventures de Jules, je le conseille, parce que c'est la meilleure bande dessinée "jeunesse" (en fait, c'est plutôt "tout public, à partir de 8 ans" à mon sens) actuelle. Sans détour, j'affirme que c'est drôle, intelligent, ludique, malin, bien construit, dense, fin... Et c'est de plus en plus fin au fur et à mesure que ça avance dans les numéros (déjà 5 !). Émile Bravo est l'auteur du dernier titre "Une aventure de Spirou par...", chez Dupuis, qui est un chef-d'œuvre ! En fait ce type ne fait en ce moment que des chefs-d'œuvre !
Propos recueillis par