La population, soulagée, le nomme rabbin de la ville. Depuis, sa réputation ne cesse de grandir et l’on vient de partout le consulter, pour solliciter son arbitrage ou démêler les intrigues. Chaque histoire recèle des pépites tout droit sorties du Talmud ou de contes populaires juifs.
Steve Sheinkin, Les aventures de Rabbi Harvey est votre première bande dessinée publiée en France. Quel est votre parcours ?
Steve Sheinkin : J’ai toujours adoré dessiner. Au collège et au lycée je dessinais des vignettes de mes professeurs – certains les appréciaient, d’autres en devenaient fous furieux. Mais je ne me suis jamais considéré comme un artiste. Je me vois plus comme un auteur qui s’amuse à dessiner. Ce que j’aime dans la bande dessinée, c’est qu’un style visuel distinctif est plus important pour l’histoire que de réelles aptitudes techniques. Du moins c’est ce que je me dis.
Pourquoi un Rabbin chez les cow-boys ?
J’ai grandi en aimant tout à la fois les cultures américaine et juive, ce qui fait que ces histoires et environnements se sont toujours mêlés dans ma tête depuis mon plus jeune âge. Quand j’ai décidé de réaliser des bandes dessinées basées sur des histoires juives traditionnelles, je les ai tout naturellement situées dans le Grand Ouest. Et en fait, plus je faisais de recherches et plus je découvrais qu’il y avait vraiment beaucoup de Juifs sur la frontière américaine au XIXème siècle. Il y a même un livre, Les pionniers juifs, où l’on peut trouver deux pleines pages de photos de maires juifs de villes du Grand Ouest !
Avez-vous eu du mal à imposer ce personnage auprès des maisons d’édition ?
Très dur – j’ai connu des centaines de rejets pendant près de huit ans. Beaucoup d’éditeurs semblaient aimer l’idée mais la trouvaient trop bizarre. Aussi j’ai continué à travailler sur les bandes dessinées et j’ai eu la chance qu’elles soient devenues de plus en plus à la mode aux Etats-Unis ces dix dernières années. Et donc je pense que mon idée a commencé à paraître moins bizarre aux éditeurs.
Pourquoi la sobriété du noir et blanc ?
Au début, je réalisais mes bandes dessinées en noir et blanc. Après quelques années de rejet, j’ai ajouté de la couleur en utilisant mon ordinateur. La version américaine de Rabbi Harvey est en couleurs mais je suppose que l’éditeur français a préféré l’original en noir et blanc.
Y’aura t’il une suite aux aventures de Rabbi Harvey ? Quels sont vos projet ?
Oui, le deuxième livre de Rabbi Harvey, Rabbi Harvey Rides Again (Le retour de Harvey le rabbin) a été publié aux Etats-Unis au début de l’année. Je travaille actuellement sur le troisième volume. Je réalise aussi quelques bandes de Rabbi Harvey pour le Net. En fait, j’ai réalisé une bande dessinée où Harvey le rabbin fait la critique d’une bande dessinée française, Le chat du rabbin 2 de Joann Sfar. [A découvrir en cliquant ici]
Si vous deviez faire découvrir la bande dessinée à un ami, laquelle lui offririez-vous ?
J’essaie toujours d’amener ma famille et mes amis vers la bande dessinée. Ici aux Etats-Unis, beaucoup de gens pensent encore que la bande dessinée n’est qu’affaire de super-héros et d’histoires pour les enfants. Nous sommes très en retard sur la France dans ce domaine. Voici quelques ouvrages que j’ai offerts récemment : Exit Wounds de Rutu Modan ; The Push Man and other stories de Yoshihiro Tatsumi ; une série des albums de Monsieur Jean par Dupuy et Berberian, et tout Chris Ware.
Pour en savoir plus:
- Rabbi Harvey, sur le site des éditions Yodea
Propos recueillis en juin 2008