Interview d'un auteur qu'on lit trop peu...
Quelles sont les raisons des 15 ans d'attente pour la suite de Dans les villages ? Comment ce retour s'est-il fait ?
Dans les années 90, les Humanos venaient de racheter la série. À cette époque, ils voulaient instaurer un nouveau type d'édition où les auteurs allaient perdre pas mal de leur liberté de création.
Ils souhaitaient par exemple, que je change mon dessin, l'esprit de mon histoire etc... J'ai décidé de tout bloquer et d'attendre des jours meilleurs. Je n'ai jamais pensé une seconde que la série était enterrée, et je n'ai jamais cessé de prendre des notes. Et puis, sur un coup de fil avec Sébastien Gnaedig, qui était alors chez DUPUIS, tout s'est dénoué, il y a deux ans. Sans l'épisode "Humanos", il y aurait eu pas mal d'autres tomes des "Villages" depuis. Mais au final, cette sorte de maturation forcée m'a bien servi.
A-t'il été difficile de revenir dans cet univers ?
Les "Villages" c'est ma signature, c'est mon profil le plus exact. Lorsque je me mets devant ma table à dessin, dès le premier trait, je suis dedans facilement, comme un épisode naturel de ma vie. J'aime retrouver chaque jour mes personnages, m'étonner devant eux.
Ce nouvel album de Dans les villages montre un auteur totalement dépassé par sa création et ayant des doutes sur sa carrière. Où se termine la fiction, où commence "l'autobiographie" ?
Peu à peu, la nécessité m'est venue d'utiliser une structure de récit digressive, où la vie personnelle de l'auteur est prise en compte, en montrant comment elle influe sur son oeuvre et inversement, comment l'oeuvre peut influer sur son auteur. C'est, finalement, une chose tout à fait naturelle, que chaque personne qui crée vit au quotidien. Il m'a semblé intéressant de partir du présupposé qu'il y avait continuité entre le fictif et le vécu de l'auteur. Je pense même que l'on puisse parler simplement pour cet album de "récit autobiographique", dans la mesure où tout ce qui est du domaine du ludique, du fantasme, de l'imaginaire, sont encore en ce qui me concerne, des "produits de la vie".
Il y a-t'il un plan construit et avez-vous un but précis sur l'évolution de Dans les villages pour les années à venir ?
Je n'ai pas de plan. Je dirais plutôt que j'ai un sentiment de certitude avec mon univers, à la fois narratif et graphique. Chaque jour, je le reconnais de mieux en mieux, je le cerne avec plus d'acuité, je constate son évidence. Mais, de la même façon que je trouverais désolant de ne vivre que des choses prévisibles chaque fois que je sors de chez moi, je tiens à garder une distance, une naïveté qui me permette d'être étonné par l'avancée de mon récit.
Donc, une construction, oui, mais à moyen terme seulement.
La chronique de l'album