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Megalex 3, l'unplugged de Fred Beltran

Alexandra S. Choux News 05/04/2008 à 16:03 7638 visiteurs
Après six ans d'attente, Fred Beltran met un point final au suspense Megalex. Surprise : il en a profité pour changer de technique graphique et revient à des instruments de dessin plus traditionnels...


Le premier tome de Mégalex a paru en 1999, le 2ème en 2002, et enfin le 3ème en 2008. Si je calcule bien, votre prochain album est pour 2020 ?
Fred Beltran : Je crains fort de n’avoir ni l’équilibre psychologique ni le mode de vie idéal pour assurer des séries. Pour écrire des séries, il faut avoir une rigueur que je n’ai pas. Il est certain qu’à partir du moment où j’ai multiplié les activités, que j’assurai les couleurs des Technopères quasiment chaque année, dés qu’il y avait une poussière dans la machine, les délais explosaient.
Je veux continuer à faire de la bd parce que j’adore ça depuis tout petit mais je crois qu’il va falloir que je me limite aux one-shots.

Pourquoi ce passage du « tout ordi » au « tout tradi », dans le nouveau Mégalex ?
Parce que le scénario le permettait. La 3D était très agréable à utiliser lorsqu’il était question de traiter des zones de forêts, de nature en général. Pour Megalex 3, au contraire cela devenait un outil contraignant.
Et surtout, au moment où je me suis mis à l’ordinateur, j’avais prévu d’y travailler une dizaine d’années. Au départ j'avais une vraie passion pour cet outil, qui me permettait de remettre en question mon travail traditionnel, en me mettant en déséquilibre. L'idée étant de travailler d’une autre façon pour revenir après aux techniques originales. L’étape "ordinateur" n’était pas un abandon définitif de la technique traditionnelle mais plutôt une étape.

Vous aviez fait le tour du technique ?
Je commençais un peu à m’ennuyer, en effet. Si je fais ce métier là, c’est pour ne pas faire tout le temps la même chose… La méthode traditionnelle, c’est plus de travail, mais beaucoup plus de liberté. Un ordinateur, lorsqu’on sait bien s’en servir, devient un bon assistant. Il fait les parties de boulot fastidieuses. Cependant il y a également des contraintes de définitions. Difficile de faire des doubles pages avec des éléments qui s’entremêlent (un exemple à faire exploser son ordinateur) alors que tant qu’il y a du papier et de la place sur la table, il n’y a aucune limite, avec du dessin traditionnel.

Passer de scénario à la planche dessinée, comment se déroule ce processus de création ?
J’essaie de me mettre à la disposition du scénario. Mais plus j’avance dans le temps et plus je me rends compte que c’est difficile. Pour valider ce que j’ai fait, j’ai besoin que cela soit pratiquement fini. Chemin faisant, il y a des moments de doute pendant lesquels tu te demandes si tu as bien saisi les petites choses indéfinissables, comme le rythme, l’intensité dramatique, ou l’aspect comique. La façon de cadrer sur les personnages, le choix des cases, leurs formats (allongées ou en hauteur), tout peut changer l’interprétation et la lecture d'une planche.

Comment s’approprie t’on le travail d’un autre ? Vous avez les images en tête et vous vous adaptez au texte ou est ce l’inverse ?
Dans le cadre de Megalex, il n’y a pas d’indication de Jodorowsky. Je me suis souvent retrouvé seul avec mes questions et j’ai essayé de faire au mieux.
D’une page à l’autre c’est une histoire différente, ça dépend de l'état d’esprit du moment. Les pages dont je suis le plus content sont souvent celles dont on peut prendre le brouillon, l’agrandir et voir qu’il n’y a pratiquement pas de modifications. Le premier jet fait parti de l’inconscient, c’est magique quand le synopsis est totalement intégré et retranscrit. C’est zéro effort, zéro cogito et ce sont les meilleures planches.

Vous pourriez envisager de passer au scénario ?
Oui, mais j’ai la nette impression de n'être pas doué pour les intrigues. Quand il me vient des idées de scénario c’est toujours des trucs très décousus, très tordus, un peu comme dans ma tête d’ailleurs. Si je le fais, il faudra que je me décomplexe avec ça... et que je m’attende à avoir très peu de lecteurs !
J’ai pensé également à adapter des auteurs que j’aime. Je ne veux pas citer de noms car c’est trop restrictif mais cela peut aller de l’antiquité à l’anticipation.
L’épopée de Gilgamesh a déjà été faite, c'est dommage, c’est un thème qui m’a longtemps trotté dans la tête, cette histoire d’homme qui descend aux enfers pour vaincre la mort. Une chose est sûre : je suis plutôt dans cet esprit d'épopée, que dans les problèmes de couple des voisins du dessous !

Megalex est un récit à ambiance, et on sait que Jodorowski a une personnalité forte. Comment réussissez-vous à imposer vos idées, votre atmosphère, dans ce récit ?
Etant donné que j’ai pris énormément de retard sur ce bouquin, je n’ai pas eu beaucoup de contact avec Jodorowski. J’ai donc dessiné cet album dans mon coin, fort tout de même de l'expérience que j’ai avec lui avec les deux autres volumes de Megalex, et avec les Technopères. Même si je n’intervenais que sur la couleur ou les décors, j’ai compris une certaine mécanique.

Avez-vous des « tics » en dessin ? Des détails qui reviennent ?
On a tous des tics. Il faut lutter un peu contre, et ne pas tous les retirer, car c’est ce qui défini ton style. Reste à trouver le juste équilibre.
Moi, mes filles sont toujours plantureuses, mes bonhommes ne sont jamais contents. Si on cherche bien, dans toutes mes images, il s’agit toujours un peu de Quasimodo et Esméralda.

Pouvez-vous nous parler du concept de Video-BD lancé par les humanos pour accompagner le tome 3 de Megalex ? Envisagez-vous de vous lancer dans l'animation ?
Je suis complètement en dehors du coup mais ils ont très bien fait. Actuellement, j’ai complètement décroché de l’ordinateur.
J'ai besoin de cette pause pour retrouver le goût d'utiliser cet outil. Quand j'y reviendrai, ce sera sans doute pour faire des images qui bougent avec du son derrière. Mais je ne sais pas si ça sera de l’animation. C’est toujours le même problème avec moi : raconter des histoires n'est pas la première envie qui me vient. Je préfère les choses expérimentales ou bizarres, comme ce que l’on fait pour illustrer de la musique.
Pour revenir à la Vidéo-BD, je trouve ça super bien. C’est une manière de faire du buzz qui est plutôt sympa... et en plus c’est gratuit. Et puis ça m’a permis de relire le premier tome autrement. Ce sont les mêmes textes, les mêmes images mais c’est une autre interprétation. J’ai redécouvert Megalex comme si quelqu’un d’autre l’avait fait ! C'est Maximilien Chailleux qui a choisi les voix, il a fait du bon boulot.

Quels sont vos projets musicaux ?
Je joue de la guitare dans un groupe qui s’appelle les Washington Dead Cats. On fait plein de concerts, et là nous sortons un best of, plus un DVD live, plus un album en 5.1 (un format sonore pas encore très développé, surtout en Rock)... et plein de bonus pour la fin avril.
J’ai aussi un autre autre groupe, dans lequel je chante et je joue de la guitare : le Lord Fester Combo. Lord Fester, c’est moi, c’est mon nom de scène. Un combo, c’est une petite formation. Je les ai réunis autour de moi pour faire de la musique très roots, rocking blues du delta du Mississipi en passant par de la country mais très très sale. Je m’amuse à explorer la musique qui était à la veille du vrai rock’n roll.

Si vous deviez faire découvrir la bande dessinée à un ami, laquelle lui offririez-vous?
Bonne question car on est tenté de répondre quelque chose de valorisant. Je serai tenté de répondre un Spirou époque Franquin, un truc de Dupuis, des années 60, je ne sais pas quoi choisir. Lorsque j’ai envie de me détendre et prendre un bol d’air en lisant une BD, je prends un Franquin.



Propos recueillis en mars 2008
Alexandra S. Choux