Bonjour Benjamin. Merci de me recevoir pour le site BDGest.
Benjamin : Bonjour. Enchanté.
En ce moment, certaines de tes œuvres sont exposées à la Galerie Arludik. Tu es venu pour promouvoir cette exposition. Quel est ton programme ?
Benjamin : Oui, je suis ici pour l’exposition. Je fais aussi des dédicaces et des interviews. Ca prend beaucoup de temps !
On peut voir à la galerie quelques planches de One Day qui rassemblent des travaux de jeunesse. On y sent un goût pour le stylisme à cause des personnages très élancés. C’est dû à ta formation ?
Benjamin : Il y a dix ans, j’étudiais dans une école de mode. Je dessinais de manière caricaturale. Mais maintenant, je vais vers le réalisme. Au départ, je voulais souligner le côté branché de mes personnages en exprimant les détails (chaînes, bagues …). Petit à petit je les ai enlevés car cela nuisait à la narration. La mode et le look d’un personnage le définissent, mais ce n’est pas la peine d’en faire trop et d’exagérer en multipliant les bijoux.
As-tu des influences particulières au niveau graphique, de la colorisation, toujours très réussie et surprenante ?
Benjamin : Beaucoup ! Mes influences proviennent surtout des animés et des mangas japonais. Mais aussi de réalisateurs de cinéma : Luc Besson avec Nikita, Takeshi Kitano avec Hana-Bi, et les réalisateurs de Hong Kong.
Tes personnages sont très rock. Tu as un goût particulier pour cette musique ?
Benjamin : Oui. J’ai publié deux romans en Chine dont un parlant d’un groupe de rock justement. J’ai passé un an avec un groupe pour écrire ce roman. J’adore la musique et je joue un peu mais je ne suis pas très doué pour ça. Avec le groupe, j’ai pris des notes, dessiné, fait des photos. En vivant avec eux, je me suis posé de nombreuses questions sur le rock en Chine. Pour moi, il n’a pas beaucoup d’avenir.
Tu évoques deux romans, tu aimes donc écrire ?
Benjamin : Oui. Je suis intéressé par l’écriture. J’adore aussi le cinéma. Mais écrire ne suffit pas. C’est pareil pour le cinéma. Ce serait bien d’être réalisateur, mais pour ça il faut savoir communiquer ses idées à une équipe, moi je n’en suis pas capable.
Revenons à tes histoires. Elles sont plutôt sombres. C'est un état d'esprit qui t'est propre, ou c'est la jeunesse chinoise qui serait en recherche d’avenir ?
Benjamin : Bien sûr, c’est un reflet de ma personnalité. Mais c’est aussi le problème général de la jeunesse chinoise qui ne croit plus en rien. Les gens de mon âge ont grandi dans un contexte communiste où tout était partagé. Maintenant l’individualisme et le capitalisme dominent. Il y a des doutes, des remises en question. Dans la vie quotidienne les jeunes sont perdus et ont des attitudes contradictoires.
Tes personnages, souvent en perdition, te ressemblent-ils ?
Benjamin : Je fais tout ce que je peux pour que les personnages masculins soient distincts de moi-même, mais comme j’ai de nombreux problèmes personnels avec les gens, c’est difficile de me détacher d’eux.
Tu travailles essentiellement à l’ordinateur. As-tu une formation spéciale ?
Benjamin : Oui, même pour les esquisses préparatoires, je travaille avec l’ordinateur. Je suis autodidacte en fait. J’ai passé beaucoup de temps avant de maîtriser la tablette graphique. J’ai publié des manuels sur l’infographie et on peut dire que je suis un des pionniers dans ce domaine en Chine. Après moi, beaucoup d’autres se sont mis à l’ordinateur. Ca a rendu un grand service aux entreprises qui fabriquent ces instruments ! (rires)
Pourquoi avoir choisi d'explorer les possibilités de la tablette graphique ?
Benjamin : L’avantage c’est qu’elle permet de dessiner très vite. Elle rend les choses plus faciles et plus pratiques. L’inconvénient, c’est qu’on ne peut pas aller en profondeur ; elle empêche le dessinateur de progresser.
Il y a quelques jours, j’ai rencontré Boucq qui m’a conseillé de ne pas abandonner le dessin à la main. Quand on dessine à l’ordinateur, on peut sans cesse modifier le dessin ; l’investissement n’est pas le même. Aujourd’hui, grâce au numérique, beaucoup de personnes peuvent utiliser des photos, les retoucher, les travailler, mais ça enlève quelque chose.
Il t'arrive encore de dessiner à la main ?
Benjamin : Je suis très occupé et je n’ai pas le temps. Mais je m’y suis remis et je trouve que j’ai régressé…
Si j’ai bien compris, Boucq trouve ça très bien de dessiner à l’ordinateur, car c’est juste un outil en plus qui permet de parvenir à des effets particuliers. Mais c’est aussi quelque chose de très différent et d’incomparable.
Tu évoques Boucq. Y a-t-il d’autres auteurs franco-belges que tu apprécies particulièrement ?
Benjamin : De Crécy, Bilal, et beaucoup d’autres. Vraiment beaucoup ! J’aime leur style graphique bien sûr mais j’arrive aussi à entrer dans leur narration, même si je ne comprends pas le français. Un vrai dessinateur de BD peut se faire comprendre même si le lecteur ne comprend pas les textes.
Peux-tu nous parler de tes projets déjà en cours ou à venir ?
Benjamin : Un art-book sortira chez Xiao Pan en février-mars sous le titre C. Y. (China Youth). Il rassemble toutes mes illustrations depuis 1999. La plupart sont parues dans mes précédents albums. Ce sera un grand format. Il y a aussi un projet d’ex-libris.
Mon prochain album s’intitule Les Sauveurs. Ce sera une série. Le premier épisode est déjà publié en Chine, mais je n’en suis pas très satisfait. Je compte le reprendre pour sa sortie en France.
Qu’est-ce qui ne te plaît pas ?
Benjamin : Je ne le trouve pas bien dessiné. Orange est beaucoup mieux.
Orange est donc le « top » pour toi ?
Benjamin : Oui, par certains aspects. Surtout le dessin !
» Critique Orange
» Critique One day
Propos recueillis en novembre 2007