Depuis le numéro 4, Big Ben (Benoît Jahan à la ville) a cédé son fauteuil (club) de rédac-chef à Jean-Paul Jennequin. La formule est désormais tri-annuelle, avec un grand dossier autour d'un auteur invité. Après Charlie Schlingo, James Kochalka et Nylso (qui vient de sortir un splendide Jérôme et Sultana, chez Flblb), c'est l'auteur américain John Porcellino, célébrité du milieu fanzine, qui est à l'honneur. Interview très complète par Alban Rautenstrauch, témoignages de lecture, anecdotes et souvenirs de rencontre, par Fafé, Lolmède, Jonathan Larabie, Kevin Huizenga ou Dave Kiersh, bibliographie : tout ce qu'il faut pour mieux connaître, ou tout simplement pour découvrir un auteur influent qui fait progresser la bande dessinée en lui donnant de nouveaux terrains d'expression.
Outre ce dossier d'une trentaine de pages, le sommaire propose un hommage sensible à Aristophane, étoile filante de la littérature dessinée et auteur du Conte démoniaque (L'Association) et des Sœurs Z'abîme (Ego comme X), par Gotpower.
Sur un ton jubilo-déconnant un brin provocateur qui n'enlève rien à la pertinence de son propos, Wandrille (co-fondateur des éditions Warum) fait le point sur la notion d'indépendance dans la bande dessinée, concept aussi insaisissable que vaporeux...
L'appellation "indé" semble perdre du terrain au profit du mot "alternatif", ce qui n'a pas que des avantages : en remplaçant le "Prix Fanzine" par un "Prix de la BD alternative", les publications sur la bande dessinée se trouvent bannies de facto des sélections, remarque Jean-Paul Jennequin. Cette modification sémantique semble en tout cas avoir fait débat dans le jury du prix 2007, comme le rapporte Big Ben dans son tour d'horizon des fanzines en compétition au dernier festival d'Angoulême. Son Zinorama 2007 est prolongé par un entretien avec Baladi, Ibn al Rabin, Andreas Kündig et Yves Levasseur, c'est-à-dire les quatre membres de la Fabrique de Fanzines, organisation dont les happenings créatifs ont animé, voire réveillé un certain nombre de festivals.
Ailleurs encore, Big Ben se livre à une expérience éclairante. En exploitant la méthode de substition textuelle chère à l'OuBaPo, il détourne quelques pages de Blake et Mortimer pour commenter "de l'intérieur" quelques principes de la bande dessinée d'aventure. Et ça marche(**) !
Enfin, ne fermons pas cet article sans évoquer les indispensables contributions du dessinateur Bsk : non seulement l'auteur du Journal de Benoît est passionnant dans son parcours des bouquins improbables de sa bibliothèque, mais il ose des jugements définitifs à l'humour assassin, avec une finesse d'analyse et une capacité à appuyer exactement là-où-ça-fait-mal qui force l'admiration.
Par exemple, dans un précédent numéro, Bsk se demandait si le Comix Club allait devenir le refuge des «recalés de L'Eprouvette»... Cette question exprimait exactement le malaise apparent de l'équipe du CxC, au moment où la revue critique de L'Association focalisait toutes les lumières, avec l'avantage du prestige, du tirage, et surtout des moyens... Vu la densité du contenu, on peut d'ailleurs se demander comment le même éditeur pouvait proposer L'Eprouvette à 20 euros, quand un simple "Patte de mouche" en vaut déjà 3 !
L'Association a sabordé sa revue critique dès la troisième livraison. Dommage ! Seule la diversité des points de vue critiques peut engendrer et nourir un débat de qualité.
Bravo donc à Comix Club pour sa longévité et ses nouvelles ambitions ; bravo aussi à l'équipe de Six pieds sous terre, pour avoir relancé Jade sous une nouvelle formule, celle d'un défouloir pour auteurs énervés ou/et ironiques.
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(*) jusqu'à présent ; il est question que Jean-Philippe Martin prenne la rédaction en chef pour le numéro à paraître en 2008.
(**) Les pinailleurs de Bodoï ne manqueront pas de remarquer que la fameuse horloge de Londres, représentée dans la première et la dernière case, marque deux fois la même heure. Ce qui nous plonge dans des vertiges métaphysiques : quand Big Ben (l'auteur) représente Big Ben (l'horloge) arrêté, est-ce un message intentionnel ? Le hasard existe t-il ? Y a t-il un psychologue dans l'assistance ?
A ne pas manquer non plus, le Comix Pouf, supplément satirique du Comix Club : irrévérencieux, subjectif comme pas deux et affreusement authentique, Comix Pouf est diffusé en tant que cadeau aux abonnés du Comix Club. Il existe également sous forme de blog rempli de potins, d'avis critiques (mais alors, critiques !) et d'autres joyeusetés qu'on peut prendre à la rigolade. Ou pas.
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