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« Je voulais un album qui réunisse les générations »

Entretien avec Valentine Choquet

Propos recueillis par L. Gianati Interview 21/05/2024 à 10:02 2661 visiteurs

Connues et reconnues pour sa production jeunesse de qualité, les éditions de La Gouttière s'ouvrent désormais au lectorat plus adulte. Pour Valentine Choquet, il s'agit aussi de son premier album. Quand j'ai froid, récit quasi muet, évoque justement avec une infinie douceur les anciennes et les nouvelles générations et la richesse que peuvent susciter ces rencontres. 


Comment ce projet est-il arrivé chez La Gouttière ?

Valentine Choquet : Déjà, c’est une maison d'édition d’origine amiénoise, comme moi. Quand bien même j’ai été parisienne pendant six ans, je suis revenue à mes racines. J’ai toujours eu un coup de cœur pour cet éditeur pour son identité, pour les histoires qu’il propose, particulièrement pour l’intérêt qu’il porte vis-à-vis des bandes dessinées sans texte. Je trouve très intéressant de mettre en valeur ce mode de narration sans parole. Avec La Gouttière, c’était aussi quelque chose de symbolique car c’est une maison d’édition qui est rattachée à une association, On a marché sur la bulle, qui organise le festival de bande dessinée d’Amiens auquel j’ai participé quand j’avais dix ans. 

Une bande dessinée muette avec une telle pagination, un véritable défi ?

V. C. : Je ne dirais pas que ça a été difficile, ça a été assez naturel. En revanche, la charge de travail a été très importante. Cela a demandé également beaucoup de réflexion. J'ai vraiment construit cette histoire sur le long terme. Je l'ai dans la tête depuis 2018, depuis mes 18 ans donc, et elle a connu plusieurs versions. Il y a eu un premier gros jet de 122 pages que j’ai construit pendant mes études et que j’ai peaufiné pour le présenter aux éditions de La Gouttière. Une fois que le projet a été accepté, il est passé à 216 pages. Quand je l’ai conçu, j’avais des images qui défilaient dans ma tête un peu comme un film sans paroles, une animation muette. J’ai de gros coups de cœur pour des oeuvres muettes que j’ai découvertes pendant une certaine période de ma vie, quand j’avais 20 ans. J'ai un peu conçu Quand j'ai froid comme une petite animation avec des images qui me venaient à l'esprit. J’ai donc commencé par écrire l’histoire et j’ai ensuite dessiné mon storyboard naturellement, les images me venaient les unes après les autres. J’aimais beaucoup l'idée de communiquer des émotions au travers des personnages sans forcément avoir besoin de mots. 

L'absence de textes et de dialogues laisse une plus grande liberté au lecteur...

V. C. : Le degré d’interprétation peut varier dans une œuvre muette. On peut choisir de laisser au lecteur une grosse part d’interprétation, mais on peut aussi choisir de le guider. Quand le lecteur lit Quand j’ai froid, je pense qu’il y a une première lecture pendant laquelle il va comprendre la trame principale de l’histoire. Souvent, pour une œuvre muette, la lecture dépend de ce que l’auteur décide de disséminer dans les images, par des détails ou des symboliques. Tout ça incitera certainement le lecteur à se replonger dans l’histoire et à peut-être comprendre des informations dont il était passé à côté lors de la première lecture. Pour ma part, j'essaye de guider le lecteur vers un fil conducteur pour qu’il comprenne les trames principales de l’histoire et ensuite je dissémine quelques petits codes ou quelques petites choses qui vont inciter à relire et à enrichir la compréhension. 

Cette histoire d'une jeune fille qui arrive dans un milieu où elle se sent un peu seule, c'est du vécu ?

V. C. : Dans Quand j’ai froid il y a une petite part de fiction mais il y a aussi une part de réalité. Je suis comme le personnage de Louise, je suis arrivée sur Paris pour mes études à l’âge de 17 ans et j’ai effectivement rencontré des moments de solitude. Comme Louise, il m’est arrivé notamment de prendre le chemin inverse de mes camarades de classe en dehors de l’école. Quand j’ai froid est inspiré de deux éléments marquants de ma vie. Le premier est cette rencontre avec ma petite voisine d’immeuble qui est très fidèle à celle de l’histoire. J’ai été surprise par cette petite mamie qui m’a dit cette phrase : « Il fait froid dehors, vous trouvez pas ? Et moi quand j’ai froid et bien je rétrécis. ». Avec cette petite mamie, on s’est croisé quand je rentrais des cours, on échangeait sur la vie avec plein de petites conversations. Elle m’avait donné aussi un surnom et pour moi, c’était mon petit rayon soleil. Cette mamie-là est très fidèle à celle de l’histoire en termes de caractère, en termes d’énergie. Ce qui nous a séparées c’est le fait que, petit à petit, j’ai senti un changement de comportement de son côté, une attitude différente. Elle a perdu la mémoire et un jour ne m’a plus reconnue. C'est quelque chose qui m’a bouleversée. Le deuxième élément marquant concerne mes grands-parents. J’avais très envie de connaître leur passé, et puis un jour je suis à table avec eux et mon grand-père me raconte un de ses premiers souvenirs qui lui vient à l’esprit, celui de l’arbre de mai. Le fait de raconter ce souvenir-là, de s’en rappeler et de replonger dans son enfance, l’a fait pleurer. Moi aussi ça m’a fait quelque chose, c’était la première fois que je voyais mon grand-père pleurer d’émotion. Ce souvenir là en a enclenché toute une autre série que mes grands-parents m'ont racontés. Plus je passais du temps avec eux, plus je me rendais compte de l’importance de ces moments qu’on était en train de passer ensemble. Autant pour eux que pour moi. Quand j’ai froid est donc un mélange de moi, de mes grands-parents, et de cette petite dame.

Le cyclisme prend une place importante dans l'histoire...

V. C. : Oui, c'est un élément important, aussi bien du côté de mon grand-père que de celui de ma grand-mère. Elle me racontait qu’à l’âge de ses 18 ans, elle a commencé à développer une passion pour le Tour de France et elle avait sa TSF contre laquelle elle collait son oreille, elle se créait des petits carnets et elle retranscrivait les étapes, les coureurs... Elle faisait des classements et elle était obsédée par ça, c’était une passion. C’était une liberté quelque part pour elle, un moyen de s’évader. Le personnage d’Andrée jeune est fortement inspiré de ma grand-mère, dans tous les sens du terme. 

Avant d’entamer un récit comme celui-ci, faites-vous une liste de tous les symboles qui doivent être présents dans l’album pour une meilleure compréhension ?

V. C. : Je n’ai pas forcément listé tous les éléments de Quand j’ai froid, ils sont venus au fur et à mesure de mes réflexions. Par contre, je me suis un petit peu cultivée avant l'écriture, j’ai lu pas mal d’œuvres sans texte et j'ai visionné des animations, des films. J’avais repéré des petits codes propres aux œuvres muettes qui permettent de construire une histoire et de laisser une jauge d’interprétation tout en suivant un fil conducteur. Je me suis alors demandée quels seraient mes propres codes, ce que j'allais utiliser pour faire comprendre aux lecteurs les messages que j’ai envie de faire passer. Les choses se sont ensuite construites naturellement. J’avais très envie de parler de la construction d’un personnage d’un côté et de la déconstruction d’un personnage de l’autre. Il y avait notamment la perte de la mémoire qui est liée aussi au mur de photos. Je me suis demandé comment je pourrais représenter cette symbolique-là, ce message. À ce moment, j’étais dans mon appartement parisien et j’avais deux éléments sous les yeux : mon mur de photo - celui que j’étais en train de construire réellement -, et toutes les photos de la vie de mes grands-parents dans une petite boîte à biscuits. J’ai fait une connexion entre les deux et je me suis dit « pourquoi pas ce mur de photos qui d’un côté se remplit et de l’autre se vide ? ».

Durant ces phases de construction et de déconstruction, il y a une transmission qui s'opère entre les deux personnages...

V. C. : Oui, c’est important. Louise va énormément apprendre de cette petite mamie. Elle va se nourrir de tout ce qu’elle peut lui apporter, de ses souvenirs. Dans sa jeunesse, on voit que c'est une fonceuse, elle ose, elle profite de la vie. Elle va transmettre ça à Louise qui, petit à petit, va prendre son envol. Elle va vraiment s’inspirer de la joie de vivre d’Andrée, de ses souvenirs, de sa positivité et ça va l’aider dans la vie à rebondir, à se reconstruire. Puis, il va y avoir une sorte de basculement quand Louise va prendre confiance en elle, quand c’est elle qui va se mettre à raconter des choses à Andrée, à lui partager sa vie, ce qu’elle construit, ses amis. Dans le chapitre 4, les choses sont un peu changées, elles vont partager d’autres activités un peu plus modernes comme de la réalité virtuelle. Je me suis dit « pourquoi pas ? », après tout, je trouvais ça sympa qu'une petite mamie fasse ce genre de choses. Dans cette histoire, il est souvent question d’immersion. D’abord, c’est Louise qui est immergée dans le passé d’Andrée et après elles s’immergent dans un autre univers ensemble et ça permet de créer des liens et de partager des moments. Dans un deuxième temps, c’est Louise qui va prendre soin d’Andrée. Andrée a transmis une part d’elle à Louise et Louise va accompagner Andrée jusqu’à la fin. À la fin de l’histoire, Andrée est toujours en Louise, en quelque sorte.

L'album est muet, si ce n'est deux lignes de dialogue... 

V. C. : Cette première phrase, je ne me voyais pas ne pas la mettre puisque c’est celle qui a fait naître Quand j’ai froid. Sans cette phrase là, cette histoire n’aurait jamais eu lieu. Je me suis dit « pourquoi pas ? », juste une phrase marquante dans l’histoire. Elle était très symbolique également pour moi. Elle représente aussi la transmission quand, à la fin de l'histoire, Louise se l’est réappropriée, ce qui montre qu'elle a désormais une part d'Andrée en elle. C'est une phrase que le père d’Andrée dit à sa fille sous forme d'anecdote rigolote, Andrée va la transmettre à Louise, et Louise va la transmettre à son tour. Quand j'ai commencé à construire l'histoire, je me suis dit que cette phrase pouvait aussi symboliser d'autres éléments. « Quand t'as froid tu rétrécis », c’est ce que le père d'Andrée lui dit, et je me suis rendu compte que ça pouvait quelque part symboliser la fin de la vie. Quand on approche de la fin de la vie, il y a ce côté où on va avoir peut-être un peu plus froid, on va se recroqueviller un peu sur soi-même. C'est l'idée que je voulais faire passer. Je sais que ma propre grand-mère, quand elle a traversé aussi des périodes pas forcément très faciles, avait très froid et on lui ramenait des plaids, une bouillotte... Quand on vieillit, on se fait également tout petit.

L’histoire est rythmée par les saisons : elle commence par le froid de l’hiver, puis vient le réchauffement du printemps et de l'été avant de retourner dans le froid d’un nouvel hiver et de cette fin de vie… 

V. C. : Exactement. Il y a quelque chose de plus joyeux entre le froid du début et de la fin de l'histoire car, entre les deux, Andrée est arrivée. Louise, à la fin du récit et même s'il y a de la neige, perçoit l'hiver différemment et c'est un nouveau cycle qui recommence avec cette fameuse phrase qu'elle prononce à son tour. 

Comment avez-vous appréhendé le changement des couleurs au fil des saisons ? 

V. C. :  La temporalité, le temps qui passe... le jeu de couleur y joue énormément. À chaque chapitre, on a des saisons avec une atmosphère différente, une ambiance différente. Le premier chapitre, c'est l'hiver, c'est le froid, c'est le bleu. Ensuite, on va passer au chapitre 2 de l'hiver à mai, au chapitre 3, on est en été, au chapitre 4, c'est l'automne qui arrive, et après, on rebascule sur l'hiver. Les couleurs sont importantes, l’atmosphère qui se dégage dans chacune des planches également. Il y a aussi les transitions vers les souvenirs, les bonds vers le passé, vers le présent, et la couleur que je leur donne.

D’habitude, les souvenirs sont plutôt représentés par des couleurs ternes. Ici, on les vit comme un bienfait qui vient réchauffer les cœurs...

V. C. : Ce sont tous les bons souvenirs qu’Andrée a en elle, qui l'ont construite. Elle va apporter cette chaleur-là à Louise au début. L'idée de départ était de créer un contraste entre quelque chose de froid et de très réaliste au début et de pouvoir s'immerger dans quelque chose de chaleureux avec des bons souvenirs. Ce jeu de couleur est volontaire, très clairement. 

Quelle serait la bande son idéale pour accompagner la lecture de l'album ? 

V. C. : Je me suis un peu doutée que cette question pouvait se poser... Franchement, je ne sais pas du tout. Je sais que j'ai écouté plein de musiques dont je ne connais plus les titres car j'avais vraiment besoin de me plonger dans une atmosphère particulière. On m'a parfois évoqué la musique du film du Fabuleux destin d'Amélie Poulain. C’est vrai que j'adorerais que Quand j'ai froid ait sa propre musique. Tout comme quand je regarde une animation muette, il y a cette musique qui vient donner de la personnalité à l'histoire et qui l’accompagne, ça m’emporte. Mais je ne sais absolument pas quelle musique pourrait accompagner Quand j'ai froid. En revanche, j'ai une petite sœur qui est dans la musique et j'adorerais qu'elle puisse créer celle de l'album, au piano de préférence. 

Que ressentez-vous à quelques semaines de la sortie ? (l'entretien a été réalisé à la fin du mois de janvier 2024, NDLR)

V. C. : Pendant énormément de temps, je n'ai vu les planches que numériquement. Je travaille sur ordinateur, tablette graphique et iPad, les trois ensemble. J'ai pu voir une première version papier avec l'épreuve non corrigée et déjà, ça fait quelque chose. Le fait de la voir en version papier me permet de prendre de la distance aussi, d’essayer de la relire comme si je n’en avais pas forcément été l'autrice et de me replonger dans l’histoire, de la redécouvrir. J'ai de l'impatience, je stresse un peu mais c'est du stress positif. Il faut savoir que l'année pendant laquelle j'ai travaillé sur Quand j'ai froid, je ne suis presque pas sortie de chez moi, j'étais vraiment plongée dans mes planches. Je crois même que tant que je n'aurai pas encore la version éditée dans les mains, je ne réaliserai pas du tout. C'est un bel accomplissement, une grande fierté d'être allée jusqu'au bout de ce projet. Je suis comme mes personnages, je n'ai pas les mots. 

Un peu de fierté aussi d'accompagner La Gouttière dans cette nouvelle orientation éditoriale ? 

V. C. : Oui, carrément. C'est une fierté de pouvoir ouvrir cette nouvelle collection, cette nouvelle ère pour La Gouttière. Je tenais vraiment à ce que ce soit un projet jeune adulte. Il s'agit d'une histoire basée sur une relation intergénérationnelle et je voulais que ce projet puisse parler autant à des générations plus jeunes qu'à des générations un peu plus âgées tout en les réunissant. Je reçois les premiers retours sur la BD et ce ne sont que des retours absolument incroyables. J'ai mis toutes mes émotions, je les ai concentrées dans ce livre, c'est une dose de plein d'éléments que j'ai traversées et le fait de pouvoir les communiquer - de vous les communiquer -, et que ça vous fasse ressentir des choses, c’est incroyable. 









Propos recueillis par L. Gianati

Bibliographie sélective

Quand j'ai froid

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Little Joséphine : les jours d'oubli

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Ne m'oublie pas

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