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Grun : un créateur d'univers

Entretien avec le dessinateur de On Mars_

Propos recueillis par L. Gianati et C. Gayout Interview 29/04/2020 à 16:02 7100 visiteurs

On Mars_  fait partie des bonnes surprises du catalogue des éditions Daniel Maghen. À quelques mois de la sortie du troisième et dernier tome - en janvier 2021 si tout va bien - le dessinateur Grun revient sur la genèse du projet et sur sa collaboration avec Sylvain Grunberg. 


Qui est à l'origine de On Mars_ ?

Grun : J’ai pris un peu de temps après la fin de Metronom' et j’ai ressorti des choses que j’avais plus ou moins écrites dans un carnet, dont un projet sur Mars. C'était une envie assez forte et j’ai pris le temps de dessiner des choses, dont une galerie de personnages. En fait, j’ai inventé un contexte en partant du principe de la technologie de la terraformation et que c'était le moment de partir pour coloniser Mars. Je voulais développer une histoire par rapport aux débuts de la colonisation sur Mars. Après, vue l’ampleur du travail, je me suis dit qu’il serait peut-être judicieux de s’associer avec un scénariste pour avoir une vision un peu plus large. Ce n’était pas la façon de travailler de Sylvain au départ mais il a été séduit par le projet et on s’est donc rencontrés sur Paris, parce qu’il vit sur Stockholm. On s’était envoyés des petits mails, on s’était déjà parlé. Il a été séduit par le projet et en deux jours on a quasiment co-écrit le tome 1, du moins les grandes lignes.

Qu’est-ce qui vous attire sur Mars, le champ des possibles ? 

G. : Oui, puis c’est surtout pour un nouveau départ pour l’humanité avec un côté de « ruée vers l’or », la conquête d’un nouveau monde… Qui dit nouvelle humanité dit nouveau départ, nouvel Eden. Va-t-on refaire les mêmes erreurs par rapport à l’Histoire de la Terre ? Malheureusement, Sylvain a écrit une histoire un peu pessimiste.

C’est donc lui qui a apporté l'idée de « l'exploitation des prisonniers » ?

G. : C’est lui qui a apporté l’univers carcéral, le coté sociologie justement avec les colons d’un coté et les bagnards de l’autre. Les colons sont dans des bulles et sont en majorité des ingénieurs, des agronomes, des gens qui vont développer et générer l’agriculture et tout ce qui est ingénierie sur Mars. Pour leur bien-être, il y a des travaux énormes à réaliser et pour les faire on décide malheureusement d’ouvrir un bagne. Comme à Cayenne ou en Australie, on s’est servi des prisonniers pour construire des routes, etc. Le prisonnier est une main d’oeuvre gratuite. En fait, il y a un consensus planétaire : on ferme toutes les prisons sur terre et tous les prisonniers sont envoyés sur Mars pour purger leur peine. C’est une façon de se racheter aux yeux de la société, il y a un geste un peu héroïque mais ce n’est pas tout blanc… Ils se retrouvent dans des ghettos, on retrouve l’univers carcéral dans ses plus noirs attraits. Ce sont des favélas construites autour des puits de forage, ils sont livrés à eux-mêmes car ils sont surveillés uniquement par des drones. Les drones sont intransigeants, on ne peut pas discuter, il n’y a aucune marge de manœuvre.

Et c'est la Chine qui se révèle être le pays le plus démocratique...

G. : C’est le coté Sylvain Runberg (rires). Un sacré contrepied ! À moment donné, la Chine peut rebasculer vers un coté plus humaniste. Je trouve que c’est un joli clin d’oeil.

La religion a aussi fait partie du voyage sur Mars...

G. : Oui, bien sûr. Ça fait aussi partie de l’univers carcéral. Ce sont des gens qui en ont besoin, qui sont à la recherche d’espoir. Ils vont être face à des gourous, des chefs de clans et les religions passent à travers ça. On voit plusieurs gangs mais principalement la communauté de Rojas. Il y a une espèce de bienfaiteur, de leader charismatique qui prend sous son aile certains prisonniers. Il leur offre bien sûr une possibilité de faire des travaux moindres. On adhère à sa communauté et en contrepartie on peut bénéficier de travaux moins rigoureux, moins pénibles, comme aller travailler dans les espèces d’immenses palmeraies où le travail est plutôt soft.

Le scénario a donc été écrit à quatre mains ?

G. : En fait j’ai écrit des choses et Sylvain s’en est servi. Je lui ai laissé quand-même carte blanche pour amener sa vision à lui. Il écrit un séquentiel, une espèce d’écran où on a les grandes lignes et où on décrit les séquences et les scènes de l’album et c’est à ce moment là que j’interviens, je suis d’accord ou pas. Par exemple, pour une scène qui me plait moins je dis « J’aurais vu ça plutôt comme ça », on réfléchit, on en discute, et bien sûr je ne lui impose rien. À ce moment-là, les choses peuvent être modifiées, alors que quand il a fait le découpage c’est trop tard, on ne peut pas revenir dessus. Pour le tome 1, pour l’anecdote, la fin qu’il m’avait écrite ne me plaisait pas trop alors je la lui avais faite changer, ça partait plus dans une découverte extra-terrestre, on introduisait autre chose. On est parti dans quelque chose de très immersif, si on commence à mettre un autre suspense, cela apporte certaines problématiques, comment va-t-on l’amener, comment va-t-on le poursuivre dans le prochain tome… On a très peu de pages finalement… Il était tout à fait d’accord avec moi, il m’a dit que j’avais raison et qu’il avait voulu en faire trop. On a recadré le truc tous les deux. Nous sommes restés dans l’objectif de faire notre BD autour des bagnes.

Votre collaboration a-t-elle évoluée depuis le premier tome ?

G. : Pas tant que ça. Il me propose les grandes lignes et on en discute. À tout moment, on peut amener des éléments nouveaux. Par exemple, on n’a pas parlé de maladie qui pourrait se développer sur Mars ou les épidémies car là où il y a de l’eau il y a des virus. Je lui en ai parlé et ça, effectivement, il n’en a pas vraiment tenu compte. Néanmoins, il y a des personnages par moments qui ont des espèces de maladies de peau par rapport à l’implant qu’ils ont au début. C’est difficile de tout mettre parce qu'on ne peut pas non plus mettre trop d’informations, c’est une lecture dite « détente ».

Vous parliez des maladies de peau, on pense immédiatement à Ulfrid. Est-ce un personnage que vous prenez plaisir à dessiner ? 

G. : Finalement, les personnages secondaires sont importants parce qu’ils vont apporter plein de choses. Ce sont quand même des gens qui ont commis des actes affreux, on ne sait pas trop qui ils sont… C’est là aussi le travail de Sylvain, de créer des psychologies de personnages. Au début, ils ont l’air sympa mais en fait on s’aperçoit que ce sont des violeurs, des meurtriers. Je pense que c’est intéressant de dessiner des personnages comme ça. On le verra pour la fin, ce personnage d’Ulfrid est très important. C’est quelqu'un qui n’a pas commis de meurtre mais qui a hacké le Pentagone.

Les lecteurs apprennent au fur et à mesure le passé des prisonniers...

G. : Oui, mais il y a des gens qui sont au courant quand même comme Rojas. Il y a accès parce que son aura s’étend jusque chez les colons. Il bénéficie de dossiers qui, normalement, devraient rester secrets. Il connait aussi les gens donc il va se servir d’eux pour arriver à ses fins, on le voit dans le tome 2 quand il veut absolument avoir Jasmine dans sa communauté parce qu’elle a l’expérience qui peut lui servir. C’est ça qui est intéressant aussi, c’est une personne qui fédère et les colons s’en servent aussi, c’est toujours bien d’avoir un personnage qui centralise, qui est calme, plutôt que quelqu'un qui va générer de la guerre, de la destruction.

Qu’il veuille Jasmine est paradoxal parce qu’elle a justement fait manque de sang froid dans sa précédente vie…

G. : Oui mais c'était une bavure. Elle a en effet commis une faute irréparable. Elle se retrouve de l’autre coté de la barrière avec des individus qu’elle a chassés toute sa vie et il va donc falloir qu’elle compose avec ces gens. Elle n’est pas idiote. En même temps, elle sait que dans l’univers carcéral il n’y a pas le choix. Elle va être obligée d’interagir avec eux et essayer de sauver sa vie aussi. Le but dans cet univers finalement c’est de survivre, c’est le principal objectif. On peut être tué à chaque coin de rue, vivre avec ça ce doit être très dur je pense. On essaye de faire ressentir la lourdeur qu’il y a dans cet univers où si l’on n’adhère pas à quelque chose on n’a pas une durée de vie très longue. Même les travaux sont très durs, on peut y mourir. De fait, il peut être judicieux d’appartenir à un groupe. On le voit actuellement dans les prisons, il y a des communautés qui se créent, des gangs, le fait d’être protégé par un chef de gang c’est bien parce qu’on peut durer plus longtemps.

Mais il y a toujours un prix à payer…

G. : Bien sûr, il y a le revers de la médaille.

Une des « marques de fabrique » des éditions Maghen c’est la présence d'un cahier graphique conséquent en fin d'album...

G. : Oui et ça laisse de la place, on peut faire plein de choses différentes. Au début, pour le premier tome, il a été utile pour montrer justement tout le « making of » et tout le matériel graphique qui a servi à échafauder On Mars_. Dans le 2, on l’a utilisé pour dévoiler le carnet de bord d’une prisonnière, une histoire dans l’histoire. On a amené d’autres éléments avec la vie au jour le jour d’une prisonnière, son ressenti. C'est une mère de famille avec des enfants qu’elle a laissés sur Terre. On s’en sert aussi pour placer des éléments comme ça. Pour le 3, on réfléchit à faire quelque chose de différent. À chaque fois, on aura un carnet graphique totalement différent. Cet espace dans l'album est une vraie aubaine. 

Ce n’est pas simplement un gadget éditorial…

G. : Non, ça pourrait n’être qu’un gadget. Je sais qu’en regardant un peu ce qui se fait chez les autres éditeurs, ils commencent un peu tous à faire la même chose. Les éditions Maghen perçoivent ça comme un élément « plus » qui va faire vendre l’album, pas seulement comme un élément marketing, mais de telle manière qu’on donne une espèce de continuité intime dans l’histoire.

Lorsqu’on parle des éditions Maghen on évoque souvent le travail de Vincent Odin...

G. : Vincent intervient sur beaucoup de choses finalement, c’est quelqu'un qui est très proche, qui lit tout et qui finalement avance avec nous. On se réunit sur Paris deux fois par an, on fait le point, il est présent, il est intéressé, c’est une aubaine d’avoir un éditeur comme lui, quelqu'un qui est proche du projet, qui nous accompagne et qui donne aussi son avis. C’est lui qui s’occupe de mettre en forme tout ça. Je trouve qu’aujourd'hui c’est important d’avoir cette intimité, ce qui manque un petit peu dans l’édition en général, tout se fait un peu sans âme. Là, il y a vraiment une cohérence, il y a une ligne éditoriale, quelque chose qui est pensé, réfléchi, discuté, peut-être remanié à un moment donné parce qu’il y a besoin. Par exemple, pour le tome 3, on va se réunir en fin d’année (fin 2019, NDLR) pour redéfinir certaines choses. Je trouve que c’est important de travailler comme ça, c’est ma vision. J’aime bien les projets où l’on sent qu’il y a un travail derrière, qu’il y a des recherches.

La structure des éditions Maghen reste à taille humaine...

G. : Oui, bien sûr. Chez Dargaud ou chez Glénat, je n’avais pas du tout eu ce genre de relation. On n’avait pas le temps. Je sentais bien que ce n'était pas envisageable. Effectivement, j’envoyais mes pages, on me disait que c'était bien, je passais à la scène suivante, je faisais mon boulot quoi, mais il n’y avait pas de discussion autour de certaines choses ou problématiques qu’il y a dans l’album. Chez Maghen, il y a ce coté d’avancer pas à pas et finalement tout est discuté, tout est mis à plat. Il n’y a pas d’inconnu en fait. On définit le planning, on définit tout un tas de choses mais c’est un des attraits de la bande dessinée et on parle aussi d’autres choses, de l’histoire, du dessin, comment on va appréhender telle chose.

Comment est venue cette typographie de style « clavier d’ordinateur » ? 

G. : Ça c’est Vincent ! Pour la maquette, on a fait énormément de recherches au début. Finalement, on est partis sur des choses complètement différentes, avec des cadrages très serrés des personnages. Nous sommes passés par différents visuels et j’ai proposé des choses. Puis, on en a discuté, on a pris des orientations avec le concours de Daniel Maghen. Je pense que c’est important aussi, la cohésion. C’est discuté et même montré aux diffuseurs. Les diffuseurs regardent les maquettes et les pages aussi. Ça va même plus loin que ça : Daniel et Vincent vont les voir avec des originaux de façon à ce qu'ils aient une idée précise du rendu du futur album.


Ce qui permet de mieux vendre le produit ensuite…

G. : Bien sûr, parce que le diffuseur va s’impliquer beaucoup en ayant une vision du projet, il sait de quoi ça va parler. On ne leur met pas le bouquin comme ça dans les mains en disant « c’est ça qu’il va falloir que tu défendes ». Il y a vraiment un travail, une collaboration qui est importante et qui porte ses fruits. Aujourd'hui, c’est important d’avoir ce genre de travail parce qu’il y a tellement de choses, de surproduction, qu’il faut sortir du lot. Il faut être porté aussi par l’éditeur. On est dans une BD un peu mainstream, mais pas que, on est dans des choses qui nous concernent, un peu historiques comme la conquête de l’espace. Cela dit, beaucoup de scientifiques se tournent vers Mars, on le sait. C’est apparemment la prochaine planète qui va être colonisée. On parle d’univers carcéral, de religions, de plein de sujets politiques actuels et brûlants. C’est au travers d’une bande dessinée d’aventure qu’on a des sujets avec du fond.

Outre l’univers carcéral, qu'a apporté Sylvain Runberg au scénario ? 

G. : Je pense aux connexions entre Mars et la Terre par exemple ou aux relations politiques avec la Chine. Il sait très bien faire car il a fait des études de sciences politiques donc c’est quelqu'un qui connait la mécanique, la politique de la sociologie. Pour le premier tome, il a fait appel à un sociologue qui l’a aiguillé, qui a fait une espèce d’état des lieux de ce qu’était l’univers carcéral. Il s’est vraiment renseigné sur cet univers là, sur le coté politique. Il a une page Facebook sur laquelle il est très virulent, c’est sa façon de vivre sa passion au niveau de la politique, moi je ne suis pas trop de la partie. Bref, c’est quelqu'un qui est passionné, qui connait du monde, qui a creusé ces domaines-là. Il en ressort forcément quelque chose de crédible.

Dans votre bibliographie, il y a beaucoup de séries fantastiques et de Science-Fiction. Travailler sur une série ou un one-shot réaliste, c’est quelque chose qui pourrait vous intéresser ?

G. : Ma première série chez Dargaud, La Conjuration d'Opale, possédait quand même une grande part historique. Je pense avoir commencé à un niveau qui était difficile parce que je sortais du jeu vidéo là où j’abordais des univers plus Fantasy, plus Science-Fiction. Le fait de travailler sur une série Historic Adventure, c'était très très dur et une bonne école à la fois, ça m’a montré un petit peu tous les rouages, tout l’aspect recherche de documentation qui était important pour concevoir une série. Après, Métronom’, c’est une fable futuriste, il n’y a pas vraiment besoin de documentation, on peut faire ce qu’on veut. Sur On Mars_, effectivement, on est partis sur une ville que j’ai totalement imaginée, qui pourrait être une grande capitale européenne, on a voulu faire quelque chose totalement inventé donc, effectivement, il n’y a pas besoin de recherches sur ça. 

Prenez vous plus de plaisir à créer un univers ou à « recopier » quelque chose d’existant ?

G. : Je prends plus de plaisir à créer des univers. J'aime concevoir, j’aime créer, c’est ce que je faisais dans le jeu vidéo. On a fait appel à moi justement pour créer des personnages, des environnements, des mondes, des choses comme ça à partir de bibles écrites. C’est un travail qui me convenait vachement bien.

Avez-vous trouvé des passerelles justement entre ces deux mondes ?

G. : Ce sont deux univers très proches. La BD a changé, a évolué ces 20 dernières années parce que des graphistes, des designers, qui travaillaient dans le jeu vidéo, se sont mis à faire de la BD aujourd’hui. Il y a également des gens qui travaillent dans le cinéma. Je dirais que le métier de dessinateur de BD est un métier relativement technique. Dans un album, créer le suspense, amener certains cadrages un peu subtils, ça fait partie d’un travail technique et professionnel. Ce ne sont pas des choses qui peuvent s’inventer, c’est de l’expérience, de la recherche. Il n’y a pas que l’aspect dessin, il y a aussi la mise en scène. Quand il n’y a pas de dialogues, il faut aussi intéresser les lecteurs, il ne faut pas qu’il s’ennuient, ou, inversement, quand il y a trop de dialogues, il faut créer des cadrages qui soient intéressants pour ne pas que le lecteur se lasse quand ça bavarde un peu trop. Il y a des subtilités qui sont très techniques dans la BD.

À quand votre propre scénario ?

G. : J'ai des envies… Mais j’ai aussi plein d’autres projets en parallèle. À moi de choisir le moment propice. Je pense qu’il faut un peu de temps parce que le fait d’écrire quelque chose et de faire le scénario c’est le double du temps. Là, je pense plus poursuivre ma carrière sur des one-shot. Donc peut-être donner naissance à un projet personnel, une vraie BD de geek, un récit complet. Sur un seul bouquin, un seul volume, je pourrais peut-être le faire.

Un one-shot par peur de vous lasser ?

G. : Non, parce que je trouve qu’il faut tenir compte un peu de l’évolution, de la consommation des lecteurs, des gens qui regardent des séries. Je pense qu’on a évolué et qu’il faut que la BD aussi évolue par rapport à ça. Je trouve qu’aujourd'hui les gens ont du mal à attendre. Quand on enclenche une série comme ça avec un dessin aussi fouillé, où il y a un beau travail derrière, effectivement, ça nécessite beaucoup de temps de réalisation et les gens se lassent. Malheureusement, nous sommes aujourd'hui dans une société de consumérisme absolu donc il faut aller vite. Je me suis dit que j’allais plutôt aller vers du one-shot, des récits complets. Ça ne change pas grand chose parce que finalement je vais avoir plus de pages et je vais avoir plus d’espace sur un plus gros format sans pour autant aller vers du roman graphique. Le one-shot peut être reconduit en un deuxième one-shot, voire des histoires complètes qui se suivent, ça peut être envisageable. C’est vrai que On Mars_ c’est une production qui est lourde et qui demande une énergie folle. Avec le temps, je ne sais pas si je serai capable encore de continuer sur de la série. Je dis peut-être des bêtises mais j’ai envie de m’essayer à des récits complets et voir ce que ça donne, peut-être trouver mon équilibre là-dessus.

À quoi ressemble une journée de travail ?

G : Je commence par un bon café puis je lis des revues, des choses dans ce genre. J’écoute FIP (FIP est un réseau radiophonique, NDLR), c’est pas mal, il y a plein de choses, c’est assez éclectique. J’écoute aussi beaucoup de musiques de films. J’ai besoin de me mettre un peu dans une sorte de transe. Je commence à dessiner, je fais du croquis au début, pas nécessairement sur ma BD, je m’exerce la main. Je fais un ou deux dessins comme ça et après je me mets à travailler sur mes pages. Là, j’essaye un peu de varier les plaisirs, je fais un peu de storyboard, un peu d’encrage, un peu de couleurs. Comme c’est de la couleur directe, il y a plusieurs étapes. Il y a celle où je reproduis mes crayonnés sur du papier car je travaille à la table lumineuse, ensuite je mets des fonds de couleurs, j’encre, je fais un lavis par dessus et après je finalise tout en couleur. Il y a donc plein d’étapes que j’essaye de diversifier par rapport à mes plannings, ne pas faire que de l’encrage ou que de la couleur parce que c’est un peu rébarbatif. Je pense que sur On Mars_ j’ai quand même trouvé un équilibre graphique intéressant parce que j’ai réussi, vu que j’aime le dessin fouillis assez détaillé, à avoir ce genre de travail, à le faire passer de manière un peu plus fluide que sur Métronom’. J’ai réussi à avoir des plans de fond qui sont crayonnés, que je n’avais pas dans Métronom’. Là, on a des premiers plans qui sont très encrés et puis finalement des choses qui sont laissées au crayon, qui sont juste colorisées. Ça crée justement des profondeurs de champ que je n’avais pas du tout avant, ça a été un peu la trouvaille dans On Mars_. De toutes façons, quand on fait de la couleur directe, il faut que ce soit une mécanique bien huilée, il ne faut pas patauger, chercher ses couleurs, il faut quand même bien s’organiser.

Le troisième tome d'On Mars_ sera donc le dernier ?

G. : C’est le dernier mais je pense que le prochain projet qu’on a avec Sylvain sera plutôt une espèce de one-shot Science-Fiction, un Space Opéra, un peu dans la lignée d’Orbital, dans le même type que Mézières avec Valérian, dans la lignée Star Wars, tout ça, avec un dessin un tout petit peu moins réaliste. Je suis en train de travailler dessus.

Vous repartez ensemble alors ?

G. : Même principe : j’ai inventé le concept, je le lui donne, à lui d’écrire l’histoire là-dessus.

C’est déjà signé ?

G : Presque… Il n’y a pas de soucis avec l’éditeur…

Ce sera chez Daniel Maghen aussi ?

G. : Oui je pense. C’est vrai que je suis démarché par pas mal d’éditeurs en ce moment, mais je pense que chez Maghen il y a cette qualité finalement qui m’intéresse. Surtout une impression de liberté et de suivi. Nous faisons un métier de solitaire, le fait d’être suivi comme ça, c’est important.





Propos recueillis par L. Gianati et C. Gayout

Bibliographie sélective

On Mars_
2. Les Solitaires

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La conjuration d'opale
1. Le Serment

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Metronom'
1. Tolérance Zéro

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