À l'heure où cet entretien a été réalisé, Cyrille Pomès venait d'apprendre que Le Dieu vagabond de Fabrizio Dori obtenait le Prix Ouest-France 2019 à Quai des Bulles alors que Le Fils de l'Ursari était en lice. Quelques semaines plus tard, ce même ouvrage est couronné Meilleur Album Jeunesse aux BDGest'Arts 2019, en compagnie de Raowl de Tebo. Juste retour des choses quand on voit le fabuleux travail accompli par l'auteur de Sorties de Route. Non content d'adapter à la perfection le très bon roman de Xavier-Laurent Petit, il en donne sa propre interprétation graphique et permet surtout aux plus jeunes d'appréhender des sujets graves de société ô combien essentiels aujourd'hui.
Pas trop déçu de ne pas avoir obtenu le Prix Ouest-France ?
Cyrille Pomès : De vous à moi, j’aurais été content de l’avoir, évidemment… J’aurais également été très content pour Rue de Sèvres, pour tout le monde mais les prix, ce n’est pas ce qui me fait avancer.
Alors qu’est-ce qui vous fait avancer ? Rencontrer vos lecteurs ?
C.P. : De faire des livres ! Des retours de lecteurs, finalement, on n’en a pas tant que ça. On a les rencontres en dédicaces. Ils sont déjà heureux de nous voir et s'ils se sont fait chier à attendre 5-6 minutes c’est que, déjà, ils ont aimé le bouquin. (sourire)
Ou alors c’est que vous faites de belles dédicaces...
C.P. : C’est possible aussi, je m’applique pour ça. J’aime bien faire de beaux dessins, c’est con à dire mais je n’aime pas trop bâcler, faire des trucs à l’arrache, sauf pour moi. J’aime surtout faire des livres, je n’en ai pas fait pendant pas mal d’années parce que je faisais pas mal de BD de reportage. J’ai fait des trucs pour La Revue Dessinée, pour Arte, des web docs. Du coup, j’ai oublié de faire des livres pendant 4 ans et celui-là j'en suis content…
Bien que ce soit romancé, on est toujours proche du reportage...
C.P. : Charlotte Moundlic des éditions Rue de Sèvres avait vu des dessins que j’avais fait pour un documentaire télé qui s’appelait Calais, Les Enfants de la jungle sur les mineurs de la jungle de Calais. J’avais fait une série d’illustrations pour ce documentaire. Je crois que c’est en me voyant à la télé, en voyant mes dessins, qu’elle a fait le lien avec une partie du livre qui se situe dans les bidon-villes en bordure de Paris. Elle a donc pensé à moi pour adapter le roman de Xavier-Laurent Petit.
Dans la préface, il est fait mention en 2014 d’une rencontre avec une famille de Roms...
C.P. : C’est l’expérience de Xavier-Laurent. Pour avoir déjà été en promo avec lui, quand il parle de la genèse de son roman, il raconte qu’il n’a pas fait la connaissance d’une famille de Roms mais qu’il s’est posé la question de ce que pouvait être le quotidien, le parcours, la vie d’une famille de Roms qu’il voyait régulièrement dans le métro parisien quand il allait notamment à L’École des loisirs. Ça a été le point de départ de son histoire si je ne me trompe pas. Il y avait notamment ces questions : qui sont ces gens, d’où viennent-ils, quel est leur quotidien ? Je crois qu’il s’est également inspiré de cette histoire vraie qui vient aussi d'inspirer un film qui s’appelle Fahim, un truc très franco-français avec Gérard Depardieu et Isabelle Nanty, sur un petit garçon qui se fait sortir de sa condition de pauvreté en se passionnant pour les échecs. Je pense que ce sont les deux points de départ de Xavier-Laurent...
Comment avez-vous abordé l’adaptation de ce roman ? Êtes-vous resté très fidèle ou avez-vous pris quelques libertés ?
Comment avez-vous réalisé le chapitrage ? Cela reprend-il celui du bouquin ou avez-vous décidé vous même des parties ?
C.P. : Je ne sais plus comment j’ai décidé ça. Au début, il n’y avait pas de chapitres et après, finalement, j’y suis revenu. Ce sont toujours de vieux mécanismes, j’ai toujours mis des chapitres dans les bouquins que je faisais avant.
Ça permet au lecteur de respirer ?
C.P. : Ça permet de « tourner une page »… (rires) C’est bête ce que je dis ! Pensez à tourner les pages ! Voilà, des respirations évidemment, et le fait de marquer des étapes importantes du bouquin. Je ne crois pas avoir construit les chapitres de manière hasardeuse mais je ne sais plus exactement comment j’ai opéré.
L'ours revient sur chaque dessin de chapitre. À la fin il perd même sa muselière...
C.P. : J'ai souhaité transformer un peu l’ours en totem... Cet ours finalement, dans le roman de Xavier-Laurent et dans l'album, on le perd très vite. Il est un peu le totem de la famille qui est rassemblée autour de l'animal, de ces combats organisés... On s’y attache et dans le roman, une fois qu’ils quittent l’Europe de l’Est on n’a plus l’ours. C’est une manière de le garder un peu avec nous mais de manière symbolique.
Chaque chapitre est marqué d’une expression « écorchée » propre au vocabulaire de Ciprian...
C.P. : Tout à fait. C'était l’idée d’arriver à garder le plus possible cette voix off. Cette voix de Ciprian est vraiment le ciment du roman, tout passe par sa voix à lui et donc par son coté naïf et caustique, par ses déformations. Quand j’ai dû l’adapter en bande dessinée, au début, je ne voulais pas du tout qu’il y ait de voix off et ça m’a trop manqué. Ce petit garçon a vraiment un phrasé, tout un tas de choses, qui font aussi le sel de son regard sur le monde, et ça passe par le langage. Au final, j’ai un peu rétrogradé et j’ai décidé de garder des bouts de la voix off de Ciprian pour l’amorce des chapitres. À chaque fois, pour lancer un peu l’action, il raconte puis après il se tait et on laisse place à l’action de la bande dessinée. Le fait de garder les mots écorchés de son vocabulaire c'était l’idée de garder un petit bout de ce langage qui fait vraiment toute la saveur du roman.
Dans le roman, y avait-il plus de mots propres à Ciprian ?
C.P. : Je pense que je les ai a peu près tous utilisés, parce qu’il en a distillé un certain nombre. Il y avait les « zorros » je me rappelle pour les euros, je l’ai mis dans les dialogues.
Sélectionner les dialogues, cela n'a-t-il pas été trop difficile ?
C.P. : Ce qui a fini de me décider d'adapter le roman c’est que les dialogues étaient bons. Je suis très chiant sur les dialogues et là ils étaient très bons. Je me suis dit que j’allais pouvoir les repiquer pour pouvoir les remettre dans les bulles à l’identique, je n’en ai pas réinventés beaucoup. J'ai dû en réécrire une dizaine à tout casser pour faire des transitions. C'était chouette d’ailleurs, comme c'était la première fois que j’adaptais, de voir qu’on peut prendre les mots, les mettre dans les bulles et se rendre compte que « putain, ça marche !! ». Ça a été un plaisir vraiment, je ne sais pas si on vous le dit souvent mais moi c’est le premier bouquin où de la première à la dernière case je me suis éclaté. Je n’ai mis que 8 mois à le faire. Quand j'ai fini la dernière case avec Ciprian, j'étais dégoutté.
Vous parlez de langage mais, justement, les échecs sont un langage universel qui permet à Ciprian de communiquer...
C.P. : C’est très juste, je n’y avais jamais pensé comme ça. Ça se vérifie du fait qu’il fasse un tournoi international où il rencontre tout un tas de pays dans la compétition. Quand je pense à un langage universel je pense surtout au dessin ou à la musique...
Au départ, la famille Zidar ne semble pas si malheureuse...
C.P. : Il y a de ça. Encore une fois, j’essaie de retrouver dans le roman la manière dont c’est fait avant que moi je m’en empare. Dans le roman, il y a un coté « persécutif » sur la famille qui est un peu plus mis en avant que ce que moi j’ai fait. Je suis quand-même allé assez vite, j’avais beaucoup de choses à raconter dans ce que j’estime être une introduction, donc je ne me suis pas attardé sur le fait qu’ils étaient chassés de village en village. Je me suis attardé sur un village duquel ils étaient chassés mais selon leur habitude. C’est à dire que, oui la famille est solide, oui elle est heureuse, mais elle n’est pas la bienvenue dans ce pays qui n’est pas vraiment le sien. C’est plus développé dans le roman et moi je suis peut-être allé un peu vite sur la bande dessinée. En tous cas, si on en vient aux raisons profondes ou non qui les font quitter ce qu’ils ont pour venir à Paris sur la promesse de gangsters, de passeurs qui vont faire fortune, c’est parce qu’on leur crame leur voiture et qu’ils ne peuvent plus avancer, c’est la fin de l’itinérance. Ils n’avaient déjà pas grand chose, maintenant ils n’ont plus rien. Et là, dans le roman également, il y a l'opportunisme de ces gangsters qui arrivent justement à ce moment là en disant « ah, dans ce village ils sont très menaçants, c’est très dangereux, vous n’avez plus de moyens d’avancer, vous êtes acculés, il se trouve que nous on a une solution ». Mais c’est vrai qu’ils ne sont pas dans un état de détresse absolue. On ne les force pas à aller à Paris, on leur promet juste que là-bas ils feront fortune.
Une autre forme d'opportunisme est présente à Paris avec des gens qui font commerce de la pauvreté et de la misère...
C.P. : Tout à fait. C’est le circuit « classique » des passeurs. Ceux qui sont dans le pays d’origine envoient jusque chez nous des gens pour les exploiter et font en sorte qu’ici ils filent droit.
Même si le ton n'est pas foncièrement optimiste, le récit montre que des moyens d'intégration existent...
C.P. : Oui. Je ne suis pas spécialement au fait des structures étatiques qui existent pour intégrer réellement les gens. J’en connais un petit peu dans le soin, je sais comment fonctionne un centre d’accueil et d’orientation par rapport aux choses que j’ai faites sur Calais notamment. Pour revenir à l’Ursari, on insiste beaucoup finalement sur une main ouverte qui est avant tout humaine. Qu’il s’agisse de l’institutrice qui va effectivement les accueillir, qui va avoir une structure étatique pour ça ou de José Fil de Fer qui lui apprend les échecs. C’est avant tout parce que ce sont des volontés humaines d’accueil qu’il y a cette possibilité de s’en démerder par des biais plus reconnus que protocolaires. Mais sur les échecs, les premières personnes finalement qui tendent la main à Ciprian, ce sont des gens qui le font au delà de toute structure, qui le font individuellement.
Même l'ancien préfet, dont l'image populaire n'est pas forcément de tendre la main, va le faire...
C.P. : C’est une bonne pâte l’ancien préfet « monsieur Énorme ». C’est un personnage fonction. C’est intéressant la manière dont il se dévoile, on le voit dans un premier temps puis on apprend que… Par rapport à ce que j’ai pu faire par le passé dans la BD adulte, c’est à ce moment là qu'on pénètre un peu plus dans la jeunesse ou dans le conte, dans quelque chose de plus lumineux que j’aime beaucoup et qui me va très bien mais où, effectivement, on s’embarrasse un peu moins de la plausibilité des choses et on avance dans une direction qui est plus optimiste.
Les grands yeux de Ciprian sont décrits aussi précisément dans le roman ?
C.P. : Ciprian n’est pas du tout décrit dans le livre, c’est Xavier-Laurent qui me l’a fait remarquer en me disant qu’il ne décrivait jamais ses personnages pour laisser le plus de marge possible à ses lecteurs. Comment m’est venu ce petit garçon ? Je ne sais pas, c’est le premier qui m’est arrivé dans la main, très vite, avec son gros nez, ses grandes oreilles, ses gros pieds. Je crois que j’avais surtout l’opportunité de dessiner de manière plus lâchée, plus caricaturale, donc j’ai voulu en profiter. J’ai eu une double éducation de bande dessinée dans mon enfance et mon adolescence, je lisais à la fois beaucoup de comics, des Spiderman, des Dr Strange, des choses comme ça, et aussi du franco-belge avec du gros nez. J’ai toujours adoré faire les deux, recopier les deux de la même manière et jusqu’ici dans mon style de dessin, les différents styles que j’ai pu exploiter, j'étais plus proche du comics, quelque chose d’un peu plus réaliste. Là j’ai vu l’opportunité de m’amuser un peu à déformer les choses et je crois que c’est retombé sur ce pauvre petit garçon qui a une tête vraiment… C’est le plus caricatural, les autres sont un peu plus plausibles. Je l’adore, il est très agréable à dessiner.
C’est plutôt rare de voir le nom d’une coloriste sur une couverture...
C.P. : Oui, je n’ai pas eu a insister longtemps pour que ce soit clair mais c’est vrai qu’au départ on m’a répondu que ce n’était pas trop dans les habitudes éditoriales. J’ai insisté une fois pour dire que je voulais qu'Isabelle figure sur la couverture avec la même typo, la même taille, que Xavier-Laurent et moi parce qu'au final c’est le travail d’un trio.
Lui avez-vous donné beaucoup d’indications ou lui avez-vous laissé le champ libre ?
C.P. : Je lui ai donné énormément d’indications : je lui ai dit qu'il fallait qu’il soit orange et après c’est bon, lâche-toi, éclate-toi ! (sourire) C’est à peu près tout. Je suis amoureux des couleurs d’Isabelle depuis très longtemps, je les connaissais par le biais de tout un tas d’auteurs que j’adore et je n’osais pas imaginer que je pourrais bosser un jour avec elle. Ça s’est fait par le biais encore une fois de Charlotte qui a proposé et elle a accepté. Moi, au moment où elle a dit oui, j'étais totalement sur un nuage et à chaque fois que j’avais une livraison de planches c'était Noël. Il y a eu quelques rectifications normales, 2-3 trucs. Je me rappelle d’un moment, c'était rigolo parce qu’elle m’avait fait des pages qui ne ressemblaient pas du tout à ce qu’elle avait fait jusqu’ici, elle me faisait de l’herbe verte, des ciels bleus, d’autres choses comme ça. Je n’ai pas compris, mais en fait elle travaillait en parallèle sur un autre livre qui l’influençait beaucoup et c’est le seul moment où je lui ai dit que moi je préférais quand elle faisait des ciels verts et de l’herbe jaune, elle m’a dit « oui oui c’est bon, je me reprends, ne t’inquiète pas, je reviens » et elle m’a refait quelque chose à l’identique dans ces ambiances qu’elle ose, des ambiances très chaleureuses, lumineuses qu’elle peut oser effectivement, des ciels qui n’existent pas et qui pourtant existent plus.
Jouez-vous aux échecs ?
C.P. : Non. J’y ai joué il y a très longtemps mais je ne suis pas un joueur d’échecs.
Ça ne vous a pas donné envie de vous y remettre ?
C.P. : Pas plus, non. Les échecs c’est pas la partie la plus passionnante dans le bouquin parce que mettre en scène une partie d’échecs pour moi ça a été compliqué. Je crois que d’une manière générale il n’y a pas 15.000 possibilités. Pour avoir revu un ou deux films pour voir comment on filme ça, je me rends compte que c’est un peu les mêmes choses qui reviennent toujours, il y a 3-4 plans possibles, en tout cas dans mes limites à moi. Je pense que dans le livre cette partie est plus mise en avant parce qu’il est plus simple d’en parler. Dans la BD, mettre en scène une partie d’échecs…
C’est surtout un moyen de rapprocher les personnages...
C.P. : C’est ça. Je suis d’accord mais on a très vite tendance à escamoter leurs mains pour se concentrer sur leurs visages, leurs expressions. Je pense qu’il n’y a pas un truc plausible dans tous les trucs d’échecs que j’ai mis en scène, je crois qu’il n’y a pas une fois où il y a le bon nombre de cases. Pour moi c'était surtout une possibilité de rassemblement au quotidien entre les personnages.
Le roman et la BD ont-ils la même fin ?
C.P. : Oui, même la voix off est la même sur « Demain le tournoi reprenait. J’allais gagner. ». Du coup j’avais adoré cette dernière phrase. Depuis je me suis rendu compte que des gens me demandaient s’il y avait une suite (rires). J’ai fait une fin ouverte alors que pour moi elle était totalement fermée.
D’après-vous, à partir de quel âge peut-on lire votre bouquin ?
C.P. : Je vais fournir la même réponse que Xavier-Laurent quand on lui pose la question sur le roman, c’est à dire 11 ans. Parce que moi je n’y connais rien en enfants, je n’en ai pas, je ne connais pas du tout les livres jeunesse donc je me cale sur lui. Je pense qu’il a raison, 11 ans ça me parait pas mal.
Est-ce qu’en dédicaces vous voyez des parents qui amènent leurs enfants qui ont lu l’album ?
C.P. : Je vois très peu de gens qui ont lu l’album finalement puisqu’il est assez récent, il date du mois d’avril. Je vois surtout des gens qui le découvrent, l’occasion des festivals c’est l’occasion de découvrir des bouquins. Donc j’ai assez peu de lecteurs pour l’instant, ou de lectrices, et quand j’en ai ce sont plutôt des adultes.
Pensez-vous que la BD soit un bon vecteur pour montrer certaines choses à des enfants plutôt que de leur faire lire un simple article de presse ?
C.P. : Je vous trouve bien durs avec la presse (rires)… Je déconne, mais je crois que la bande dessinée par son aspect pictural, par son attrait imagé, a une possibilité de toucher plus de gens. Le coté attractif est plus fort. Pourquoi ne pas en profiter pour parler de sujets difficiles ou un peu graves à des enfants ? Mais après, il ne faudrait surtout pas en abuser et surtout ne pas résumer la bande dessinée à ça. La BD, très clairement, peut avoir une vertu pédagogique. Je le pratique depuis quelques années notamment en faisant des ateliers avec des enfants ou des rencontres avec des scolaires. On se rend compte qu’effectivement un prof d’histoire ou de français peut intégrer les communautés Roms ou les réfugiés de Calais dans son programme scolaire et faire venir quelqu'un pour en parler avec des gosses.
Quel a été le retour de Xavier-Laurent Petit sur votre travail ?
C.P. : Xavier-Laurent a vu une première étape qui était les recherches de personnages et les 25-30 premières pages de storyboard et à partir de là il a dit qu’il n’y avait aucun problème. Je pense qu’il l’avait déjà dit avant mais au moins il était encore plus rassuré et il a eu cette humilité de dire « je ne fais pas de bande dessinée donc je vais laisser les gens qui savent faire, faire les choses ». Pour information, Le Fils de l’Ursari est aussi adapté au théâtre, il y a une troupe qui bosse sur 3 adaptations différentes et Xavier-Laurent qui ne connaît pas le théâtre a dit « allez-y, faites ce que vous avez à faire ». Donc il a vu le produit fini et on a eu l’occasion d’en parler quelques fois depuis et je pense qu’il en est aussi très content.
Peut-être cela lui donnera-t-il envie d'écrire pour la bande dessinée...
C.P. : C’est une bonne question, je ne sais pas du tout. J’ai l’impression qu’il a vraiment trouvé son langage avec le roman. En même temps, je vous dis ça alors qu’il est en train d’écrire son premier opéra (rires). Donc à partir du moment où il écrit son premier opéra je me dis que le mec, un jour, il peut tout à fait faire un scénario de bande dessinée (rires). Ce sont deux approches très différentes, je ne sais pas si en tant que romancier on peut aimer faire du scénario ou inversement.
Quels sont vos projets pour 2020 ?
C.P. : Un album où on reste sur une thématique assez sensible d’exil, chez Futuropolis. C’est sur le parcours de deux gamins, deux cousins afghans qui doivent faire tout le trajet, tout le périple, pour arriver jusqu’en Angleterre et plus concrètement dans la jungle de Calais. Là, l’idée, c’est de les suivre dans tout leur parcours.
C’est une fiction ?
C.P. : Oui. Elle est écrite par Stéphane Marchetti, le documentariste qui a fait Calais, les enfants de la jungle. Ce sera son premier scénario.
Avec un dessin plus réaliste ?
C.P. : Absolument. Et beaucoup moins de couleurs, ce sera une bichromie ou vraisemblablement quelque chose de plus dépouillé.
Quel est votre rythme de travail ?
C.P. : Aux heures de bureau (rires). C’est vrai ! Depuis que je suis en atelier je me suis calé sur des gens qui ont de véritables horaires parce que eux ont des enfants pour le coup et une vie de famille. Donc c’est 8h-8h30 - 18h00 et à 18h00 je coupe tout, je ne fais plus rien, je n’ai plus d’internet chez moi, je bouquine, je fais d’autres choses et en moyenne je mets un peu moins d’un an pour faire un album. Je bosse en musique et en podcast, en radio. En ce moment j’écoute beaucoup Timber Timbre, un groupe canadien très très chouette, ça berce totalement le bouquin que je suis en train d’écrire. Et plein de rap aussi, plein de trucs. Mais oui, de la musique, dans mon casque… Sinon mes collègues ne seraient pas très contents. Je suis en atelier à Toulouse, nous sommes 8. On ne fait pas tous forcément de la bande dessinée ou du dessin d’ailleurs, c’est chouette. Ça permet d’avoir des univers différents et de parler d’autres choses.