Korokke et la fille qui a dit non, Crepanquine, Fille et loup... Vous avez peut-être croisé ces titres chez votre libraire préféré ou vu les previews BDGest. Mais connaissez-vous Spaceman Project, l'éditeur à l'origine de ces albums ? Antoine Ozanam, un scénariste que l'on ne présente plus, a pris part à cette aventure et nous dévoile les coulisses de cette nouvelle structure.
Spaceman Project, qu'est-ce que c'est ?
Antoine Ozanam : À la base de Spaceman Project, il y a Sandro Mena. Il avait une autre maison d'édition espagnole mais faisait le constat qu'il ne pouvait pas faire de la "création" en restant uniquement sur le territoire espagnol. Il a donc réfléchi à un modèle économique viable pour pouvoir publier des albums originaux et non de l'achat de droits. Très vite, il s'est dit que le meilleur moyen était d'être aussi présent en France (avant de s'attaquer aux marchés italien et anglais), non pas en vendant ses titres à un éditeur français (ou belge) mais en étant lui même présent en France. Ainsi, les livres publiés par Spaceman sortent en quatre langues de façon simultanée. Il y a aussi un nouveau modèle économique pour les auteurs. Pour la plupart des livres, il y a un crowdfunding organisé. Cela permet de récupérer l'argent pour la partie "création" pour les auteurs. La partie impression n'est pas intégrée au crowdfunding. Du coup, c'est comme un "faux-fixe". Les auteurs touchent de l'argent dès le premier album vendu en librairie. ça change pas mal la donne.
Les taux de rémunération sont-ils déjà fixés ?
A.O. : C'est discuté pour chaque projet, au cas par cas. Après, c'est comme d'habitude : c'est une science inexacte sur la capacité du projet et ou de l'auteur à fédérer des participations des lecteurs... Enrique Fernandez qui est reconnu et qui a pas mal de fans peut prétendre à être mieux payé que moi, par exemple.
Sandro Mena étant espagnol, cela veut-il dire que Spaceman Project va accueillir une majorité d'auteurs espagnols ?
A.O. : Pas forcément. Évidemment, au départ, Sandro a été voir les auteurs qu'il connaissait. Mais il est ouvert à toutes les nationalités tant que ça rentre dans la ligne éditoriale. Nous sommes en ce moment en pourparler avancé avec deux trois auteurs français...
Justement, quelle est la ligne éditoriale ?
A.O. : L'aventure, le fantastique... De la BD orientée "tout public"... mais évidemment pas que. Le but (très prétentieux) est de faire des albums identifiables comme étant des "Spaceman Project". On n'a pas forcément envie de faire des livres qui auraient pu trouver leur place ailleurs. Bon, ok, les bouquins sortis sont tellement bons qu'ils auraient trouvé une place ailleurs. (sourire) Ça se joue aussi sur le format et la pagination.
C'est à dire ? Une grosse pagination ? Quel format ?
A.O. : Spaceman s'adapte vraiment au besoin de l'histoire. On ne va pas essayer de faire rentrer un pied de 43 dans une chaussure de 37, ou inversement.
Quel est votre rôle au sein de cette structure ?
A.O. Je prêche la bonne parole en français ! (sourire) Et plus sérieusement, je m'occupe du futur site français et je suis aussi une sorte de directeur de collection... pour les auteurs ne parlant pas forcément l'espagnol. À part ça, je suis aussi auteur sur deux titres... mais là, c'est Sandro le directeur de collection. Il ne faut pas tout mélanger.
A.O. : Le projet Spaceman est bien antérieur à l'arrêt de Sandawe. Mais évidemment, cet arrêt a nourri nos conversations. D'abord parce que, dans la tête des lecteurs (et donc des participants au crowdfunding), il pourrait y avoir une réticence à participer. Pourquoi financer ici ce qui n'a pas marché ailleurs ? Sauf que ce que nous proposons est différent. Chez Sandawe, c'était un financement total (impression, promotion, éditorial et création). Spaceman, c'est uniquement la création. Et en plus, le crowdfunding est réparti sur 4 langues. Je ne dis pas que c'est gagné à tous les coups mais c'est tout de même plus facile à atteindre. Après, ce n'est pas la même chose pour les auteurs. Chez Sandawe, c'était un contrat classique. Chez Spaceman, l'auteur s'en tire un peu mieux. Je ne sais pas si les lecteurs peuvent entendre cet argument mais quand on voit la précarité des auteurs, on se dit que certains lecteurs vont être solidaires... C'est sans doute la seule façon pour continuer à lire de la BD (à terme). Et puis surtout, si j'ai bien compris, la difficulté de Sandawe se trouvait d'un point de vue éditorial : que publier ? J'espère que nous prouvons par nos premier livres qu'il y a une cohérence.
Quels seront les points de vente ?
A.O. : Spaceman project est diffusé par Glénat. Les points de vente sont ceux de d'habitude... Mais évidement, pour les amateurs de goodies et autres éditions rares, il faut participer au crowdfunding.
Une idée du rythme de croisière de parution ?
A.O. : Pour 2020, il y aura 10 titres répartis sur toute l'année. Sans doute un ou deux de plus si les crowdfundings marchent bien. Je crois que l'on n'ira pas au delà de 12 titres par an dans les prochaines années. Le but est tout de même de s'occuper de tous nos bébés avec une grande attention.
Si vous deviez mettre en avant un de vos bébés, ce serait lequel ?
A.O. : Mince, c'est là où l'auteur va en vouloir au type qui participe à l'aventure éditoriale ! (sourire) Disons que l'album d'Enrique Fernandez, Nima, est une tuerie graphique et que ça fait énormément de bien de le revoir. D'ailleurs, nous publierons les trois tomes de Brigada en 2020...
Vous privilégiez les one shots et séries courtes ?
A.O. : Oui, bien sûr. Pour l'instant, il va falloir faire sa place. On ne va pas proposer quelque chose qu'on n'est pas sûr de pouvoir terminer. Le but est de proposer des livres irréprochables d'un point de vue "objet"... et toujours avec une fin, niveau histoire. Dit comme ça, c'est facile mais en fait, c'est pas si évident ! (sourire)
Adresse du site français de Spaceman Project disponible d'ici la fin de l'été : www.spacemanproject.fr
- La preview de Crepanquine
- La preview de Korokke
- La preview de Fille et loup
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