Quand l'info d'une nouvelle série de Jean-Louis Tripp a commencé à fuiter par l'intermédiaire des réseaux sociaux et de la presse spécialisée, les réactions ont été à la fois nombreuses et variées. Une interrogation bien légitime turlupinait néanmoins bon nombre de lecteurs : comment peut-on passer de Magasin Général à Extases ? Ceux qui croient encore aujourd'hui dur comme fer que le récit est érotique et/ou pornographique se posent encore sans doute la question. Pourtant, l'auteur n'a de cesse de seriner depuis des mois qu'Extases est avant tout un bouquin politique ! Vraiment ? Démonstration dans cet entretien.
Après deux mois de tournée à travers la France pour la promotion d'Extases, avez-vous été surpris par certaines réactions de lecteurs ou de libraires ?
Jean-Louis Tripp : J'ai été surpris par l'ampleur de la presse, je n'en espérais pas tant. C'est toujours difficile de se rendre compte de ce genre de choses mais j'ai l'impression que les media étaient encore plus présents que pour les sorties de Magasin Général. On peut bien sûr imaginer que le sujet d'Extases n'y est pas étranger. Ce qui m'a fait vraiment plaisir, c'est que tous les gens qui en ont parlé, qu'ils soient journalistes ou lecteurs, ont compris ce que je voulais faire, à quelques exceptions près. Évidemment, je vois aussi régulièrement qu'Extases est un ouvrage érotique ou pornographique mais que c'est fait avec beaucoup de délicatesse. Les libraires ont en général également très bien compris l'esprit du livre, il s'est d'ailleurs retrouvé en coup de cœur chez pas mal d'entre eux. Chez les lecteurs, les réactions sont très précises et peuvent se scinder en trois : il y a ceux qui ont lu ou entendu des choses sur Extases et viennent pour l'acheter, il y a ceux qui viennent car ils ont vu sur la table où je dédicace Magasin Général et découvrent Extases qu'ils ouvrent et referment presque aussitôt. Pour ces derniers, j'argumente alors en leur montrant le lien qui existe entre ces deux histoires : l'émancipation et la façon de sortir du schéma dans lequel on est enfermé. Et là, soit les gens me disent "merci et au-revoir" soit ils le prennent. Une fois que j'ai fait mon baratin, ils sont quand même très nombreux à le prendre. (sourire)
Remplacer la traditionnelle dédicace par un tampon, c'est un acte militant ?
J.-L.T. : Je me rends compte que je suis globalement très politique. Je le faisais de façon très premier degré quand je faisais des bouquins sur l'Apartheid ou la Perestroïka dans les années 80. Je le fais aujourd'hui en réalisant Extases, qui est politique et non pornographique. Pour les dédicaces, j'ai également une position très politique. Je pense que la bande dessinée souffre d'une image qui est encore celle d'un Art destiné aux enfants et finalement peu sérieux, qui vient probablement de ses origines. Alors que depuis les années 70 se sont développées des bandes dessinées destinées aux adultes, après la création notamment de L’Écho des Savanes et de À Suivre, on en est aujourd'hui encore à peu près au même point. Il y a une sorte de césure entre les gens qui lisent des bandes dessinées et ceux qui lisent autre chose, avec peu de perméabilité entre ces deux clans. Je pense que les gens qui ne lisent pas de bandes dessinées ne savent pas exactement ce qu'est la bande dessinée d'aujourd'hui. Et l'une des raisons majeures de cet état de fait, c'est pour moi la dédicace qui reste l'interface principale entre les auteurs et les lecteurs. La dédicace s'apparente à une sorte de numéro de cirque. Il n'y a aucun autre métier dans lequel on demande à un auteur de faire un petit truc gratuitement juste parce qu'il le fait bien. La dédicace, que l'on voit systématiquement dans tous les salons de BD, empêche notamment de parler du fond. Je pense qu'on est très nombreux à ressentir la même chose. J'essaie donc de militer pour que la dédicace soit remplacée par des moments où la parole prend une grande importance. C'est aussi pour ça que j'ai organisé ma tournée autour de rencontres.
On vous a pourtant entendu récemment sur France Inter dialoguer avec Amélie Nothomb (Podcast de l'émission du 11/09/2017). Littérature et Bande Dessinée étaient alors côte à côte...
J.-L.T. : Oui, il y a certes eu une évolution mais je la trouve très lente. J'ai eu énormément de critiques dans la presse spécialisée. J'en ai eu quelques-unes dans des journaux généralistes, comme Libération ou Marianne. Par contre, en ce qui concerne les radios ou les télés, je n'ai eu que France Inter, France Info et France Culture. Ce qui tend à m'énerver, c'est que lorsque un auteur de bande dessinée réussit à franchir ce plafond de verre, c'est pour deux raisons : soit c'est un méga-phénomène comme Zep ou pour présenter le dernier Astérix, soit c'est pour des mauvaises raisons comme lorsque quelques journalistes ont eu envie de mettre sur le grill une belle et jeune auteure, en l’occurrence Aurélia Aurita, parce qu’elle avait écrit une histoire sexuelle (Fraise et Chocolat - Les Impressions Nouvelles, NDLR).
La préface raconte qu'Extases a vu le jour dans un restaurant à Montréal lors d'un repas en compagnie de Benoît Mouchart (Directeur éditorial des Éditions Casterman, NDLR) et Régis Loisel...
J.-L.T. : Avant cette rencontre, nous avons eu beaucoup de conversations autour du sexe avec Régis qui est, et c'est de notoriété publique, assez porté sur la chose. Il me poussait à raconter mon histoire, il trouvait ça très intéressant. Par ailleurs, j'avais déjà réalisé des bandes dessinées érotiques dans L’Écho des Savanes qui étaient inspirées de choses que j'avais vécues. J'avais un jour posé la question à Benoît Mouchart sur la faisabilité de ce genre de bouquin, notamment du point de vue juridique. Il m'a dit alors d'en parler à Fabrice Neaud (Auteur du Journal - Ego Comme X, NDLR) . Bien sûr, il y a quelque chose de très proche avec ce qu'il a fait mais on n'est pas tout à fait dans la même approche. Pour moi, cela n'a aucune importance que mon récit mentionne une date, un lieu ou une personne précise. Ma carrière en bandes dessinées est assez bizarre. Après les années 80, j'ai arrêté pendant douze ans. J'avais complètement disparu du paysage bédéphile et quand je suis revenu, il a fallu ramer un peu, Le Nouveau Jean-Claude et Paroles d'Anges n'ayant pas eu une énorme visibilité. Il y a eu ensuite Magasin Général. Cette série m'a permis de retrouver une visibilité qui était même supérieure à celle que j'avais dans les années 80. Il faut dire aussi que cette série a été réalisée avec Régis qui attire forcément un lectorat beaucoup plus important. Beaucoup de gens ont d'ailleurs pensé que ma participation à ce projet était juste accessoire alors que ce n'était pas du tout le cas. Ce qui s'est dit en fait dans le restaurant, c'est qu'il fallait que je fasse ce livre à ce moment-là, juste après la fin de Magasin Général.
Une fois que cette décision a été prise, comment avez-vous organisé tous vos souvenirs ?
J.-L.T. : La première question que je me suis posée quand je suis sorti du restaurant a été : comment faire mon coming out alors que peu de personnes étaient au courant de tout ça ? Même si ce terme est plutôt employé pour l'homosexualité, je trouve qu'il colle très bien à mon histoire et en général à toutes les passions secrètes, mais très fortes, que l'on sort au grand jour. Mon premier travail a donc été d'annoncer avec franchise mon nouveau projet à ceux qui me demandaient ce que j'allais faire après Magasin Général. Les réactions étaient en général l'étonnement mais aussi la curiosité. Dans un deuxième temps, il a fallu que je recense tous mes souvenirs qui étaient en lien avec le sujet. Je me suis alors rendu compte que je ne pouvais pas juste énumérer les unes après les autres mes expériences, mais qu'il fallait que je les insère dans un travail de construction et de recherche de soi. J'ai donc dû élargir mon propos. Par exemple, on a l'habitude d'idéaliser le couple et la fidélité. Problème, je connais assez peu de personnes qui ont eu ce parcours de vie idéal sans aucun souci avec ça. Je ne peux que me rendre compte que le divorce aujourd'hui est facile.
Cette prise de conscience, vous l'avez eue rapidement, dès votre première relation avec Caroline...
J.-L.T. : J'ai commencé ma vie sexuelle avec une fille pour qui j'étais amoureux. C'est une histoire qui a duré assez longtemps, surtout à l'échelle de l'adolescence. Mes copains, pendant ce temps, multipliaient leurs liaisons et ne se posaient pas ce genre de questions, ils avaient d'autres priorités dont celle de trouver une fille qui voulait bien coucher avec eux. Au bout de deux ou trois ans de vie de couple, j'ai ressenti, comme la majorité des couples qui sont passés par là, une certaine lassitude sexuelle.
Il n' y a pas ce délicieux goût de l'interdit quand on dispose d'un appartement aussi jeune...
J.-L.T. : Oui ! On pouvait s'envoyer en l'air tous les matins avant d'aller au lycée. Il y avait une régularité de la pratique qui nous a rapidement installés dans une vie de couple.
Vos parents sont à la fois puritains et très à l'aise avec leur corps...
J.-L.T. : Oui, les choses sont complexes, ce n'est jamais tout blanc ou tout noir. Il n'y avait pas chez mes parents communistes ces interdits ou gênes que l'on trouve habituellement du côté des pratiquants religieux. D'un autre côté, l'homophobie chez mon pétait présente, comme elle l'est encore dans certains pays aujourd'hui encore communistes, même si les choses ont tendance à évoluer dans le bon sens. Cette rigueur parentale est également marquée par leur génération.
J.-L.T. : J'ai deux garçons qui ont 23 ans et 16 ans. Je sais pertinemment bien que malgré les précautions que j'ai pu prendre quand ils étaient plus jeunes, ils sont forcément tombés sur des sites pornos via internet. Ce que nous, nous recherchions désespérément à notre époque, est pratiquement en libre accès aujourd'hui. Le sous-titre de l'album - où l'auteur découvre que le sexe des filles n'a pas la forme d'un X... - est d'ailleurs pleinement justifié. Du coup, on est actuellement dans l'excès inverse. On est passé de la privation à la surabondance. Le souci, c'est que ces images ne sont pas décodées. Elle arrivent brutes et peuvent être extrêmement violentes surtout quand elles parviennent à des gamins de 8 ans qui tombent dessus par hasard. J'ai été surpris par le discours de certains sexologues qui ont présenté Extases comme une possibilité de lecture pour les ados de 14-15 ans. C'est pour eux le contrepied parfait de la pornographie. L'histoire qui est racontée dans Extases est une histoire vraie. Pas seulement parce que c'est la mienne, mais parce que ça se passe vraiment comme ça dans la vie. J'ai beaucoup de retours de lecture de personnes de ma génération, voire un peu plus jeunes, qui me disent que l'histoire leur rappelle la leur. Ces émotions très particulières sont finalement assez universelles.
L'éditeur vous a-t-il imposé quelques garde-fous ?
J.-L.T. : Durant toute ma carrière, je n'ai jamais réalisé de storyboards. Je n'ai donc jamais montré avant ce que je voulais faire. Il m'est arrivé de proposer des scénarios à des éditeurs, et en général, ça n'a pas marché. (rires) Je pense que l'acceptation d'un scénario sans dessin, c'est plutôt rare sauf si, bien entendu, le scénariste est reconnu. J'ai donc pour Extases envoyé à l'éditeur des dessins préparatoires tout en me posant encore à ce moment-là beaucoup de questions sur la façon dont j'allais réaliser l'album. Ces dessins ont été accueillis très positivement J'ai d'ailleurs été conforté par une réaction de Charlotte Gallimard, que j'évoque dans l'album, qui a trouvé mes dessins "tendres". Régis m'a conseillé de raconter l'histoire d'une façon très naturelle, comme si je la lui racontais. Cela a été un déclencheur.
Dès la préface, vous vous adressez au lecteur en l'interpellant...
J.-L.T. : Le seul moyen pour moi de faire passer "la pilule", c'était de créer dès le début une empathie du lecteur envers le personnage qui me représente. C'est aussi pour ça que j'ai décidé de débuter en parlant de l'enfance. J'ai ensuite déroulé une ligne chronologique à une exception près, l'entretien avec Florence Montreynaud. D'un socle commun, celui d'être tombé amoureux pendant son enfance, j'ai ensuite voulu amener le lecteur vers des zones moins confortables ou habituelles.
En revanche, vous commencez le récit en utilisant la troisième personne...
J.-L.T. : Il y a deux raisons à cela. Tout d'abord, le personnage de Petit Jean-Louis, même si c'est moi, reste un enfant. J'ai été très étonné en apprenant que des petites filles commençaient à avoir une vie sexuelle très jeunes, parfois comme Caroline à quatre ans en se masturbant. Mais pour moi, la relation entre enfance et sexualité est très compliquée et je me fixe des limites très fortes par rapport à ça. L'autre raison, c'est que je ne pouvais pas raisonnablement continuer à parler de moi à la troisième personne, à moins de me prendre pour Louis XV. (sourire) J'ai choisi de réaliser cette bascule au moment de la relation entre Jean-Louis et Caroline.
Sans le savoir, Fabrice Neaud vous a montré le chemin à suivre pour raconter cette histoire à la première personne...
J.-L.T. : Oui, la lecture du Journal a été pour moi un choc incroyable. Aller aussi loin et surtout l'assumer, j'ai trouvé ça extraordinaire. Il est clair que je n'aurais jamais pu écrire Extases à 20 ans. Il a fallu que je suive une route qui est exactement celle que je raconte dans le livre. Le premier tome parle bien évidemment essentiellement de sexualité, mais à moment donné j'évoquerai autre chose, dont la spiritualité qui va arriver dans le deuxième. Ce qui est intéressant, c'est d'expliquer comment je passe ma vie à tenter de trouver un équilibre entre sexualité et spiritualité alors que ce sont deux choses a priori contradictoires.
C'est l'une des grandes questions des lecteurs de ce premier tome : qu'allez-vous bien pouvoir raconter dans les trois autres ?
J.-L.T. : Je sais. Je vais avoir 60 ans et le premier tome s'arrête quand j'ai 22-23 ans. J'ai donc eu une vie entre les deux, et heureusement ! Je ne tire aucune gloire ni aucune honte des expériences que j'ai pu avoir. Ce qui m'intéresse, c'est l'évolution de tout ça. Par exemple, notre rapport au corps évolue tout au long de notre vie : le vieillissement rentre en jeu ainsi que le regard des autres. À l'intérieur du couple également, les rapports à la sexualité changent. Beaucoup de gens qui ont la cinquantaine disent que tout marche beaucoup mieux que lorsqu'ils avaient 20 ans, dont moi. Pour cela, j'ai commencé à apprendre qui j'étais petit à petit, je me suis donc débarrassé de plein de questions. Le deuxième tome va être plus difficile que le premier, tout simplement parce que ma vie pendant cette période a été plus difficile. À partir de 30 ans, on commence à avoir des contraintes, des nécessités... J'ai aussi été confronté à des limites que je n'imaginais pas et je me suis posé beaucoup de questions sur ma normalité. À cause de ça, j'ai vraiment eu des périodes de hauts et de bas, qui pouvaient aller jusqu'à la dépression et à des tentations suicidaires.
Le tome un évoque la perte d'un frère qui a eu des conséquences très importantes...
J.-L.T. : Oui, sur ma vie de couple et ma vie tout court... C'est arrivé à un moment très particulier puisque six mois après la mort de mon frère, je suis publié dans Métal Hurlant. Toute ma vie était tendue vers ça. C'est donc arrivé alors que j'étais dans un état de douleur et de tristesse totale. Initialement, je n'avais pas prévu de raconter cet épisode. Sauf que, au moment de l'écriture, quand je suis arrivé à cette période-là, je me suis rendu compte que je ne pouvais pas expliquer le reste sans parler de ça. Cela prouve bien que je travaille sans découpage, sans storyboard et que j'écris mon histoire au fur et à mesure. Quand on écrit de cette façon, ce qu'on est en train d'écrire va forcément influencer la suite, on établit des liens qui n'étaient pas prévus.
Faire ressurgir ce type de souvenirs n'a-t-il pas été parfois douloureux ?
J.-L.T. : Quand je dessine mes parents ou mes frères, il s'agit d'une vision globale. (sourire) Mon père était barbu même si celui que j'ai dessiné n'est pas vraiment mon père. D'ailleurs, il ne se reconnaît pas du tout. Pour les autres, j'ai voulu trouver des personnages qui correspondaient à ce que je voulais faire passer. Il faut aussi qu'ils me donnent envie de les dessiner pendant longtemps.
Depuis la sortie d'Extases, vous martelez que l'album est beaucoup plus politique qu'érotique...
J.-L.T. : C'est vraiment un livre politique. Dans notre culture judéo-christiano-musulmane, et même quand on se tourne vers le bouddhisme ou le communisme, le corps est tabou. On nous dit que le plaisir et le bonheur, ce n'est pas maintenant ! En faisant bien la distinction entre ces deux notions... Comme si être heureux supposait ne pas avoir de plaisir. L’Église insiste sur le travail spirituel qu'il faut suivre pour accéder au bonheur alors que le plaisir serait immédiat et source de déception. Des gens à l'aise avec leur corps et avec le plaisir que ce dernier peut leur procurer seraient donc des gens difficiles à contrôler. Or, dès qu'une religion se constitue avec des moyens de spiritualité, elle devient un organe de contrôle. On voit bien que ce qu'il se passe en ce moment avec Daesh, ce n'est pas de la religion, c'est de la politique. Je suis persuadé que derrière tout ça, il y a une énorme frustration. Pourquoi essaie-t-on de cacher les femmes ? Simplement parce que les hommes sont frustrés, que le plaisir féminin fait en général extrêmement peur. L'excision a un but précis... À cause de ça, la sexualité c'est un peu un éléphant au milieu de la pièce. C'est à dire qu'il est là, imposant, mais tout le monde fait comme s'il n'était pas là. Nous sommes faits de chair et de chimie, notre corps est rempli d'hormones. Nous appartenons à une espèce qui se reproduit de façon sexué. C'est incroyable de penser à ça : s'il n'y avait pas de sexualité, nous ne serions pas là. On nous raconte pourtant que Jésus est né d'une mère qui a été mise enceinte par le Saint Esprit. Il existe donc une fable abracadabrantesque mais à laquelle on croit. Je suis athé mais je suis quand même marqué par la culture dans laquelle j'ai vécu. Je ne suis pas un donneur de leçons mais la seule chose que je voudrais dire, c'est : "Vivez comme vous avez envie de vivre." Souvent, ce n'est pas le cas car on s'interdit ou on a honte de certaines choses. La règle absolue est "entre adultes consentants". Florence Moreno emploie le mot "désirance". Tous les interdits ne sont pas naturels, ils ne viennent pas de nous. Ce que j'espère faire avec Extases, c'est de dédramatiser.
Pourquoi ne pas aborder la religion de façon plus explicite dans vos albums ?
J.-L.T. : Parce que ce n'est pas mon rôle. Je n'ai jamais vraiment eu à faire avec la religion. (sourire)
Les barrières et limites des personnes évoquées précédemment sont-elles essentiellement d'origine religieuse ?
J.-L.T. : Dans les différentes vies de couples que j'ai pu avoir, je ne me suis jamais retrouvé avec une fille très croyante, ce n'aurait pas été possible. Je pense qu'on est tous marqués par la société dans laquelle on vit, par des choses qu'on a intégrées, et j'en fais partie. Par exemple, on a l'habitude de penser qu'une fille qui a une forte activité sexuelle est une personne qui ne se respecte pas. Comment peut-on dire ça ? Et si cette même fille dit qu'elle assume totalement, on va alors penser que c'est parce qu'elle ne se rend pas compte. Plus on assume qui on est, plus on attire des gens qui nous ressemble. J'ai commencé à faire un travail sur moi à partir de la fin de la trentaine qui a commencé par la psychothérapie pour continuer rapidement vers des recherches beaucoup plus proactives. J'ai puisé ce qui m'intéressait dans différentes pratiques et je me suis fabriqué ma propre méthode qui correspondait à ma façon de vivre.