Coïncidence, il existe également un quartier Monplaisir à Lyon…
Luc Brunscwig : Exact, il y a plusieurs quartiers en France qui s’appellent Monplaisir.
Tout est donc parti d’une chanson d’AC/DC…
L.B. : Oui, elle s’appelait Sin City. D’ailleurs, pendant très longtemps, ce projet a porté ce nom jusqu’à ce qu’on me fasse remarquer que Frank Miller, dont j’étais censé être le plus grand fan, était en train de réaliser quelque chose…(rires) Mais comme je ne lisais pas l’anglais à l’époque, je n’étais pas au courant. J’ai donc rebaptisé la série Urban Games dans un premier temps. Puis, on s’est aperçu que les gens avaient tendance à appeler la série "Urban" sans le "Games". Au final, comme tout est centré sur la ville, Urban tout court semblait un titre assez logique.
Le Sin City de Frank Miller, c’était plutôt pour vous un coup de boost ou un coup de pression ? L.B. : Les deux projets étaient assez différents. Je suis parti sur une ville artificielle alors que Miller est plutôt parti sur une ville qui pourrait exister aux États-Unis et qui serait pourrie de l’intérieur par les familles qui se sont succédé à sa tête. La pression existait de toutes façons puisque j’étais un jeune scénariste et que je m'étais vite aperçu qu’Urban était graphiquement extrêmement exigeant et qu’en général, quand je proposais un nom de dessinateur très connu, on me rétorquait que j’étais trop jeune pour ça. (rires) Entre les premières images que j’ai eues de Sin City quand j’avais quinze ans et la rencontre avec Roberto, il a dû se passer 27 ou 28 ans.
Et entre les deux, il y a eu Urban Games sorti en 1999. Un premier jet ?
L.B. : Non, c’était vraiment le synopsis complet d’Urban écrit depuis 1991. Le but était de raconter l’histoire dans son intégralité. C’était une période pendant laquelle de nouveaux formats arrivaient en France : il y a eu notamment Nomad chez Glénat. Jean-David Morvan m’ayant parlé de ce format, je l’ai proposé pour Urban Games et c’est tombé au moment où Sébastien Gnaedig est passé de Delcourt aux Humanos. Ce dernier m’a alors demandé si je n’avais pas un projet en cours et comme Urban Games n’était pas encore signé chez Glénat, je lui ai envoyé, Sébastien étant un garçon que j’apprécie depuis toujours. Il a eu un coup de cœur immédiat et m’a proposé de le réaliser dans les mêmes conditions que celles proposées par Glénat. D’autant qu’une histoire de Science-Fiction chez les Humanos, ça ne paraissait pas totalement aberrant. C’était donc du manga. Et autant Jean-David maîtrisait déjà le sujet, autant je pense que je n’avais pas compris à l’époque ce que cela signifiait vraiment. Je pense que je n’ai pas su suggéré la rythmique et les temporalités. Je n’étais pas super content de mon scénario et du résultat final. Concernant le dessin, on nous avait proposé au départ un format comics et pour faire du manga, ce n’est pas l’idéal. (Rires) Et comme les Humanos ont vraiment apprécié le dessin, ils ont demandé à ce que les planches soient encore plus grandes. Les cases, prévues au nombre de quatre par page pour un format manga, étaient donc immenses. Le dessinateur a eu le choix entre faire un truc très vide au risque de se faire bâcher pour son premier album, et tout remplir. Ainsi, il a passé un temps infini à réaliser ses planches alors que le format manga supposait plutôt de tomber une planche tous les deux jours… Il y a eu à la fois un bug créatif, puisque je n’étais pas satisfait de la façon dont j’avais abordé le sujet et pour Jean-Christophe Raufflet, il s’est retrouvé dans une vraie impasse financière.
Passer autant de temps sur un même projet, ce n’est pas également perdre un peu de spontanéité ?
L.B. : Non, je ne pense pas. Justement, je trouve que le fait de redémarrer quelque chose permet de retrouver une dynamique que j’avais alors totalement perdue. Ce projet avait tout du projet maudit. À l’époque, j’avais testé quelques jeunes dessinateurs puisqu’on ne m’avait pas permis d’accéder aux « grands ». (Sourire) Et ils s’étaient bien cassé le nez, le scénario d’Urban étant très exigeant graphiquement. Il y a beaucoup de choses à gérer et souvent les dessinateurs ne maîtrisaient qu’une partie du projet : les robots, l’architecture, les émotions humaines… Roberto Ricci, non seulement sait tout gérer, mais le fait d’une façon magistrale.
Une remise à plat a-t-elle été nécessaire pour passer d’Urban Games à Urban ?
L.B. : Je l’ai retravaillé régulièrement pendant quelques temps. J’ai pourtant pensé à le jeter, étant persuadé que le projet ne verrai jamais plus le jour. D’un autre côté, contrairement à beaucoup de scénarios de Science-Fiction, je trouvais qu’il était toujours d’actualité alors que d’habitude, ce sont des thèmes qui se périment assez vite. Ainsi, j’ai remontré de temps en temps le projet à Sébastien Gnaedig et il m’a encouragé à poursuivre. C’est d’ailleurs lui qui m’a édité chez Futuropolis.
Le déclic a donc été la rencontre avec Roberto…
L.B. : Pour le coup, oui. Roberto travaillait à l’époque sur Moksha chez Robert Laffont qui venait d’être racheté par Delcourt. Il m’avait envoyé un projet que j’avais refusé quand j’étais encore directeur de collection chez Futuro et je lui ai proposé en retour celui d’Urban, en étant persuadé qu’il le refuserait. Il me rappelle peu de temps après en m’expliquant qu’il n’avait pas forcément envie de refaire de la Science-Fiction après Les Âmes d’Hélios mais qu’il me disait tout de même oui. J’ai envoyé systématiquement à tous les dessinateurs ayant essayé de travailler sur Urban le descriptif physique de Zach. Même si certains étaient très réussis, je n’avais jamais eu le coup de cœur. Quand j’ai découvert pour la première fois la version de Roberto, ça a été une évidence.
Roberto Ricci : Je n’ai pas souhaité prendre connaissance de la première version. Et comme je vivais à l’époque en Italie, je ne suis jamais tombé dessus. Je ne voulais pas être influencé par autre chose, et j’ai apporté mes propres idées. J’ai ouvert Urban Games seulement après la sortie du premier tome d’Urban. C’est très différent. (Sourire)
La maquette du premier tome d’Urban a beaucoup fait parler à sa sortie. Comment l’avez-vous réalisée ?
R.R. : J’avais réalisé plusieurs versions, une trentaine. Je souhaitais trouver un schéma graphique que je puisse répéter pour les tomes suivants. Je les ai montrées à Didier Gonord (Maquettiste chez Futuropolis, NDLR). Même si ce n’est pas évident à imaginer, j’ai fait au départ quelque chose de vraiment simple. (Rires) Ce sont les discussions avec Didier qui m’ont amené à trouver une solution avec ce système de zoom et d’écrans et je crois que c’était l’une de mes dernières propositions. C’est quelque chose qui respectait le principe de surveillance qui est l’un des piliers du scénario et de la ville de Monplaisir. C’est une couverture qui est difficile à réaliser car Didier me demande de faire des dessins séparés pour l’arrière plan et les écrans. Mais je garde les originaux et je pourrai ensuite les vendre. (Rires)
L.B. : Le concept de la couverture n’apparaît qu’au bout du deuxième tome.
R.R. : Je ne peux encore rien dire sur celle du cinquième mais je pense qu’elle va reprendre certains éléments des tomes précédents.
Urban étant un projet qui s’étale sur plus de trois décennies, avez-vous modifié en cours de route le scénario pour répondre à l’actualité ?
L.B. : Oui, au début. Mais par rapport au scénario de 1991, je ne pense pas avoir changé grand chose. Les modifications ont plus concerné la façon dont l’histoire est abordée, dont les scènes sont agencées, dont les infos sont traitées.
R.R. : Oui, les choses ont changé mais juste par rapport à leur point de vue. Zach, par exemple, était très peu présent sur Urban Games.
L.B. : Oui, c’est là où j’avais foiré le truc. (Rires) Je pense qu’Urban ne fonctionne que parce que Zach est le personnage principal. Dans Urban Games, c’était Niels et il mourait à la fin du tome…
Les thèmes abordés dans Urban auraient tout aussi bien pu être développés dans une société contemporaine…
L.B. : Oui… sauf qu’il faut lire le tome cinq pour comprendre. (Sourire)
Le tome quatre est particulièrement dur…
L.B. C’est marrant, parce que je ne me suis pas du tout rendu compte en l’écrivant. C’est en le relisant que ça m’a sauté aux yeux.
Vous êtes-vous fixé certaines limites ?
L.B. : Je pense que je les ai largement dépassées. (Rires) Je pense que je peux difficilement aller beaucoup plus loin. Je suis persuadé d’ailleurs que le tome cinq sera un soulagement pour tout le monde. Dans le tome quatre, ce n’est pas forcément chaque thème qui est glauque mais leur accumulation. À partir du moment où mon éditeur ne me fixe aucune limite, je ne vois pas pourquoi je m’en fixerais. Je ne fonctionne que par rapport aux besoins de l’histoire. Je ne me lance jamais dans des choses outrancières.
Les premières planches sont très sombres, à part le tee-shirt rouge vif de Springy…
L.B. : Il ne faut pas oublier que l’on évoque une Terre détruite et Roberto la décrit d’ailleurs particulièrement bien.
R.R. : J’ai essayé sur chaque tome de modifier les couleurs pour rendre l’ambiance plus triste, plus réelle. Le premier tome était très travaillé avec beaucoup de couleurs. J’ai essayé par la suite d’être un peu plus monochromatique.
Un tee-shirt qui rend hommage à The Big Bang Theory…
R.R. : Oui, c’est la partie amusante de la scène. (Sourire) Comme Springy est un peu nerd, j’ai pensé que c’était approprié.
L.B. : C’est même le roi des nerds. (Sourire)
Qu’avez-vous pensé de Westworld qui reprend certains des thèmes d’Urban ?
L.B. : Je n’ai pas aimé. Je trouve que les frères Nolan sont en train de se perdre dans beaucoup de prétention parfois au détriment de la crédibilité de ce qu’ils racontent. Ils sont tellement convaincus d’être super intelligents qu’ils oublient de justifier certains éléments. Par exemple, dans Westworld, il y a une femme robot qui fait chanter deux ingénieurs. Celle-ci est pourtant réanimée chaque soir par ces deux mêmes ingénieurs. (Rires) C’est l’une des très rares séries que j’ai vues récemment qui m’a vraiment ennuyé.
Le personnage d’Overtime joué par Ed Harris, ça serait plutôt pas mal, non ?
L.B. : Oui, ce serait la classe ! (Sourire) J’avais regardé Westworld en ayant peur que les thématiques ne se recoupent un peu trop avec celles d'Urban mais on est un peu comme avec Sin City, sur deux choses éloignées. Dans Westworld, c’est le créateur du monde qui essaie de récupérer son bien alors que les gens qui ont construit le parc aimeraient bien le dégager.
Faites-vous un brainstorming avant chaque tome pour réaliser un casting des différents costumes ?
R.R. : Non. Luc m’avait demandé d’habiller les personnages avec des costumes. Pour moi, il était naturel de prendre de vrais costumes de personnages connus dans la mesure où l’histoire se situe dans le futur et non dans un monde fictif. Je me suis également inspiré de rues existantes, notamment celles de Chicago. J’ai d’ailleurs toujours utilisé cette ville pour construire Monplaisir.
L.B. : Oui, car c’est une ville américaine qui se situe au centre des terres. Comme on est parti du principe que tout avait été recouvert par les eaux, il était logique de prendre une ville qui était située loin des côtes.
R.R. : Heureusement, il existe Google Map. (Sourire) Pour en revenir aux costumes, c’est parfois compliqué. Quand j’ai beaucoup de personnages dans les cases, je passe plus de temps à me demander comment je vais les habiller, qu’à les dessiner. Quand je travaillais dans un atelier avec d’autres amis à mes côtés, tout le monde s’amusait à me donner des noms de personnages connus.
Superdupont présent dans le tome quatre, c’est un pur hasard ou un hommage à Gotlib ?
L.B. : Cela avait été dessiné bien avant son décès. Mais ça aurait pu, oui…
R.R. : Je ne mets de toutes façons que des choses que j’aime bien… ou alors que je n’aime pas du tout pour m’amuser à les détruire. (Rires)
L’ avant-dernier tome n’est-il pas le plus difficile à réaliser quand il s’agit de trouver le juste équilibre entre le fait de ne pas trop en dévoiler tout en offrant suffisamment de matière ?
L.B. : On avait assez d’éléments pour avoir deux derniers tomes bien copieux avec des révélations fortes. Pourtant, certains lecteurs ont trouvé que ce quatrième tome était un tome de transition… (Rires) Je me suis rendu compte que ces réactions venaient peut-être de ma façon d’écrire : mes révélations ne sont pas forcément clairement énoncées. J’aime bien amener ces révélations pas forcément où les lecteurs s’y attendent. Chaque élément que j’apporte est un élément de révélation, il n’y a pas de tome de transition.
Votre relation a-t-elle évoluée depuis le premier tome ?
R.R. : On travaille beaucoup en amont sur le storyboard. Il y a donc plein de propositions qui peuvent venir de l’un comme de l’autre. Je m’amuse à couper des choses ou à en rajouter, tout en ayant bien sûr ensuite l’accord de Luc. C’est quand même son histoire, et je suis très respectueux de son travail.
L.B. : Par rapport aux propositions graphiques de Roberto, viennent aussi se rajouter des façons de raconter qui deviennent évidentes. Par exemple, la fille rousse de l'ascenseur était un personnage très secondaire dans le premier tome. Le fait que Roberto l’ait clairement caractérisée fait que je l’ai ensuite réutilisée.
Roberto, concernant Léviathan, vous avez travaillé sur les couleurs de la couvertures du premier tome…
R.R. : Oui, mais c’était vraiment une toute petite aide.
L.B. : On n'a jamais été très content de cette couverture mais c’est Casterman qui nous a aiguillés vers ce choix. En fait, on la déteste profondément. (Sourire)
Vous l’avez par contre bien défendue sur les différents forums !
L.B. : Tant mieux ! (Rires) On avait fait à Casterman beaucoup de propositions de couvertures et on était presque arrivé à trouver un compromis. Deux jours avant la réunion commerciale, ils ont eu une nouvelle idée et on a eu très peu de temps pour la réaliser… Beaucoup de libraires nous ont dit que c’était une catastrophe. Régulièrement, ils proposaient le bouquin en certifiant que l’intérieur était beaucoup mieux que ce que la couverture laissait supposer. Mais les gens avaient du mal à franchir le pas.
Vous avez commencé à travailler sur le projet de Léviathan avec Aurélien Ducoudray pendant une période particulièrement difficile…
L.B. : Oui. J’étais en pleine dépression suite à la tentative d’écriture du tome trois de La Mémoire dans les Poches. C’est une série qui était trop personnelle et j’ai eu la bêtise d’évoquer la mort de mon père alors que cette blessure n’était pas encore cicatrisée. J’ai donc eu pendant cette période beaucoup de difficultés à écrire d’autant que le métier de scénariste est très solitaire. C’était devenu insupportable de me retrouver tout seul chez moi. De temps en temps, Aurélien me recueillait chez lui au milieu de sa famille. Un jour, il m’a proposé un projet pour lequel il ne savait pas trop quoi en faire. Ce qui est étrange, c’est que lorsqu’on a commencé à travailler à deux, j’ai retrouvé tout ce que j’avais perdu quand je travaillais tout seul. Les choses se sont construites de façon très naturelle. Sur le moment, le projet a été monté sans vraiment de but précis. Puis, comme j’ai vu que tout fonctionnait plutôt bien avec Aurélien, je lui ai ensuite proposé Bob Morane. Cela nous a donné envie d’approfondir le projet de Léviathan.
Amère Russie, Bots, Léviathan… Aurélien Ducoudray semble apprécier particulièrement le thème des villes détruites…
L.B. : Je pense qu’il ne s’en rend pas forcément compte. Il faut dire qu’il est originaire de Châteauroux qui était une ville florissante tant qu’il y avait les américains. C’est devenu ensuite une ville morte.
Pourquoi avoir choisi la ville de Marseille ?
L.B. : Au début, on voulait partir sur une série B mais un peu comme si c’était HBO qui la faisait. On avait imaginé une fausse ville américaine qui ressemblait à San Francisco avec tout son background, y compris celui des personnages. Quand on a proposé le projet à Casterman, ils ont trouvé que pour une histoire aussi réaliste, il fallait que la ville le soit aussi. Il nous a donc fallu trouver une ville européenne côtière. Le fait de placer finalement l’histoire à Marseille nous a semblé cohérent. On veut en fait construire un récit qui part de Marseille mais qui s’étend ensuite à travers la France, puis à travers le monde.
Marseille est aussi un endroit idéal pour parler politique, et notamment évoquer le Front National…
L.B. : Ce qui nous intéressait dans San Francisco, c’était son ouverture vers le Pacifique et son côté très cosmopolite. La ville qui possédait ces mêmes critères d’ouverture vers la mer et vers le monde en Europe était pour nous Marseille par rapport au brassage de population. Nous avions également l’envie de faire du personnage principal un algérien qui se fait mal accueillir à son arrivée et qui devient ensuite l’un des tenants des secrets de la ville.
Puisqu’on évoquait HBO, Léviathan est un peu construit comme The Leftlovers. La façon dont les personnages réagissent est beaucoup plus importante que la cause réelle de leur malheur…
L.B. : Oui… Le projet qu’avait Aurélien, c’était un peu Urgences. Il voulait imaginer des grandes villes qui se font détruire par des gros monstres. Au lieu de se focaliser sur ces monstres, il voulait se focaliser sur les infirmières, les médecins, toutes les personnes censées retaper la ville. Il travaillait donc beaucoup plus sur la destruction en elle-même que sur le destructeur.
Comment avez-vous réalisé le casting de tous les personnes ?
L.B. : On se disait qu’il y avait beaucoup de morts. On trouvait donc intéressant de choisir des personnages qui avaient directement la main dans le cambouis. Ce ne sont donc pas forcément des corps de métier que l’on a l’habitude de voir. La pédopsy nous a permis d’évoquer la réaction des enfants face à la catastrophe. Le fait d’en avoir fait une grande bourgeoise de la ville nous a également permis d’en faire un premier lien avec le monde politique local. J’aime particulièrement le moment où l’on comprend que son père est en lien avec cette personne qui a été son secrétaire… Sa fille trouve donc un moyen de pression sympathique sur lui. (Sourire)
Qui a eu l’idée des codes couleur pour les dialogues téléphoniques ?
L.B. : C’est Florent Bossard (Le dessinateur de Léviathan, NDLR) et comme vous avez pu vous en apercevoir, il a bien fait. (Rires) S’il n’y avait pas ça, ce serait un sacré bordel dans les dialogues.
La série est prévue en combien de tomes ?
L.B. : En quatre tomes. Avec peut-être une autre petite histoire prévue en deux tomes qui permettrait d’élargir l’histoire au monde. Mais on verra… À cause de la couverture du tome un, le démarrage n’a pas été foudroyant…
Et pourtant, il a reçu un très bon accueil critique…
L.B. : Oui mais c’est surtout lié à un rejet « physique ».
Prenez-vous autant de plaisir à créer une histoire originale qu'à reprendre un personnage iconique comme celui de XIII ou de Bob Morane ?
L.B. : Ce n’est pas du tout le même plaisir. La création originale, c'est un peu un enfant que l’on fait naître et que l’on doit ensuite élever. Notre regard sur ce type de projet doit être à la fois intérieur et extérieur. Ce n’est jamais très simple de partir de zéro. Travailler sur l’univers de quelqu’un d’autre, c’est un peu comme regarder un tableau sur lequel on envisage plein de possibilités.
En parlant de reprise, celle d’Albator est dans les rails ?L.B. : Je ne peux pas en dire grand chose pour le moment car tout est verrouillé. Le producteur est pour l’heure en pleine recherche de financement pour le démarrage. Je travaille depuis un mois et demi sur un traitement pour un film live d’Albator adapté non pas des dessins animés mais du manga de Matsumoto. Ça se passe pour l’instant très bien.
Si vous deviez faire un tour d’horizon de vos prochaines sorties…
L.B : La prochaine sortie devrait être le dernier tome du cycle deux du Pouvoir des Innocents qui est un peu retardé parce que David Nouhaud, le dessinateur principal nous a abandonnés. Il avait du coup un peu passé la main à Laurent Hirn sur le tome quatre qui avait essentiellement réalisé les décors. Puis, David a pensé que Laurent pouvait finalement tout reprendre. On avait prévu au départ de faire six tomes mais le directeur de collection m’a fait remarquer que c’était un peu idiot d’arrêter le tome cinq au milieu du procès de Logan, on a donc décidé de faire un gros tome cinq de soixante-dix pages. Il y a ensuite toujours l’arlésienne Holmes, on ne sait jamais trop quand ça va sortir. (Rires) Je doute que ce soit en 2018. J’ai travaillé tout un temps sur un reboot de Photonik. Malheureusement, dans l’intervalle, Ciro Tota m’a annoncé qu’il poursuivait la série historique alors qu’il était censé s’arrêter… Mais l’histoire que j’ai écrite était déjà bien avancée. Du coup, on nous a autorisés, avec son accord, à ce que mon histoire sorte sous un autre nom. Cela s’appellera Luminari et ça sortira chez Glénat Comics soit fin 2018 soit début 2019. Je suis aussi à deux doigts de signer une grosse série avec Étienne Le Roux en neuf tomes qui sortira chez Delcourt et qui s’appellera Deux Frères : c'est l’histoire de deux frères juifs de 1927 à 1948, la première date étant importante pour le frère aîné puisque c’est le passage du cinéma muet au cinéma parlant. Dans l’histoire, il va en effet devenir un producteur important à Hollywood. Le récit commence dans les Corons, puis se poursuit à Paris dans les quartiers juifs, puis aux États-Unis… Le deuxième frère, quant à lui, va passer par les camps de concentration, notamment celui de Sobibor qui est le seul à avoir connu des évasions massives. Il deviendra ensuite l’un des créateurs de l’état d’Israël. Les deux dates sont des moments clés de la vie de ces deux hommes.
Une autre arlésienne, c’est la suite d’Angus Powderhill…
L.B. : Le fait que les droits soient aux Humanos, c’est plus qu’une arlésienne !