La Terre des fils de Gipi (Futuropolis) remporte le Prix RTL de mars 2017.
Un lac. Après le chaos, un homme et ses deux fils survivent. Alentours, de rares congénères pour faire du troc et entretenir un semblant de relations sociales. Le père écrit régulièrement dans un cahier dont son analphabète progéniture aimerait connaître le contenu. Contexte apocalyptique ou non, les gènes de la rébellion adolescente et la barrière imposée par le paternel rendent les relations entre les trois individus tendues. Plus loin, les « fidèles » au nom d’un dieu de pacotille sévissent…
Après trois ans de silence, Gipi revient avec ce splendide La Terre des fils qui, sur fond d’environnement hostile et vicié – illustré tant par la nature que par les derniers acteurs locaux -, construit une nouvelle réflexion sur le passage à l’âge adulte et sur les carences en matière de sentiment. Suivre les règles, apprendre à obéir lorsque l’inconnu et la curiosité sont des moteurs forts n’a rien d’évident.
Des coups de griffes au genre humain sont distribués. Sa capacité fulgurante à dégringoler l’échelle de l’évolution en un temps record pour sombrer dans les pires travers et la décadence est ici une évidence. En un temps record, par calcul autant que par urgence, l’illettrisme est devenu la norme et ne subsiste qu’un vocabulaire laid découlant des anciens usages sur les réseaux dits sociaux et les sms. Aussi consternant qu’accablant.
Dans ce récit intimiste dans un premier temps s’invitent le spectacle et l’action pour rendre compte de la barbarie ambiante et des rapports (in-)humains. Ce constat vaut également d’un point de vue graphique, la maîtrise du noir et blanc est époustouflante et s’illustre à maintes reprises, au seul bénéfice de l’histoire, sans chercher l’esbroufe. Grâce au « simple » crayon de Gipi, la pluie déverse des hallebardes, le brouillard est à couper au couteau, et le soleil agit comme une massue. En milieu d’album, une séquence onirique distille émotion et démonstration visuelle. L’épisode final démontre également une aisance avérée à composer des scènes parfois sauvages dans un milieu dense.
Si le côté spectaculaire a d’autant plus sa place qu’il est bien amené, l’essentiel n’est pas là ; pas plus que de savoir quelle étincelle a déclenché le chaos constitue une priorité. Le cahier – héritage laissé par le père – devient une obsession pour les fils comme pour celui qui suit leur évolution.
Retour sans faute et admirable d’un auteur indispensable, La Terre des fils marque ce début d’année 2017.
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