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Roi Ours : un premier album bien léché

Entretien avec Mobidic

Propos recueillis par L. Gianati Interview 15/07/2015 à 07:00 11451 visiteurs

Si au premier abord, Roi Ours ressemble à s'y méprendre à un joli conte pour enfants, sa lecture révèle bien plus de richesses que sa couverture ne le laisse supposer : des thèmes variés et finalement plutôt destinés à un public adulte, un dessin léché agrémenté d'un jeu de lumières toujours à propos, mais surtout une jeune auteure qui signe une première bande dessinée très prometteuse.

Le scénario de Roi Ours a-t-il été écrit lors des débats sur le mariage pour tous ? (sourire)

Mobidic : Haha ! Non, ça ne m'est pas du tout venu à l'esprit pendant l'écriture de l'histoire... même si en me relisant bien après je n'ai pas pu m'empêcher de faire des parallèles entre les conneries qu'on peut entendre chez la « Manif pour tous » et celles des animaux invités au mariage. Évidemment, contrairement à un argument souvent entendu, l'homosexualité existe chez les animaux non humains. Est-ce que l'homophobie existe aussi chez eux, ça par contre je n'en ai jamais entendu parler !

Avec un pseudo comme le vôtre, on pouvait s’attendre à de grands espaces maritimes ! Et pourtant… (sourire)

M. : « Mobidic » est en réalité mon surnom depuis l'enfance, et personne ne choisit son surnom ! Je l'ai choisi comme pseudo lorsque j'ai ouvert mon blog en 2008 sans trop y réfléchir. C'est resté lorsque mon travail est passé du web au papier avec Roi Ours. J'avais tout de même longuement hésité à prendre mon vrai nom... Mais je ne le trouve pas très catchy ! Malheureusement et à ma grande honte, je n'ai même pas lu Moby Dick... J'ai bien tenté de le lire pourtant, pour essayer de mériter ce surnom, mais je ne suis pas une très bonne lectrice et j'ai vite abandonné ! Trop dur à lire... Pardon, Herman Melville.
 
Vos origines mexicaines ont-elles influencé l’écriture du scénario ? 

M. : Elles m'ont inspirée, mais surtout graphiquement. Pour l'apparence des humains, je me suis inspirée des visages des populations d'Amérique latine, et pour les vêtements de ceux des Aztèques qui sont parmi leurs ancêtres. Et évidemment, la peinture de guerre de Xipil est inspirée de la fête des morts mexicaine. Mais je ne m'y connais malheureusement pas tant que ça sur le sujet, c'est un Mexique très fantasmé ! Et de toutes façons, j'ai mélangé un peu tout ce qui me plaisait parmi ce que je trouvais dans mes recherches : Inuits, différentes tribus d'indiens d'Amérique du nord... Il n'y a pas de tipi chez les Aztèques, pas de totems non plus ! En ce qui concerne le scénario, il est inventé de toutes pièces, il n'y a aucune légende Aztèque derrière tout ça. Et pour cause, il n'y avait même pas d'ours chez eux ! Mais sinon oui, la culture Aztèque était là dès le début, un peu comme un prétexte. J'ai juste allègrement débordé, mélangé avec des peuples qui n'avaient rien à voir, et inventé par dessus. Pardon aux anthropologues.

Un premier album avec une telle pagination a-t-il été facilement accepté par un éditeur ? 

M. : Eh bien oui et non... À la base, moi je voulais faire deux tomes ! Mais les éditeurs n'aiment pas beaucoup ça, les séries... Alors c'est devenu un one shot. J'ai dû supprimer des passages pour que ça rentre, j'aurais aimé prendre plus de temps... Donc en fait oui, une telle pagination a facilement été acceptée... Mais par eux, pas par moi !

Une jeune fille proche de la nature et qui va à la rencontre d’animaux… Êtes-vous une fan de Miyazaki ?

M. : Ce serait mentir effrontément que de dire non ! Et je suis effrontée mais pas à ce point. Oui, je l'avoue, j'adore les films de Miyazaki. La bande originale de Princesse Mononoke m'a accompagnée pendant une grande partie de la réalisation de l'album.

Qu’apporte au récit l’utilisation de personnages anthropomorphes ?

M. : Graphiquement, déjà, ça m'apporte le plaisir de dessiner des animaux ! Après, au niveau du récit, ça fixe très vite certains caractères aux personnages, car culturellement nous leur en avons attribué un. Renard rusé, singe voleur, chien fidèle... Pas besoin de faire beaucoup d'efforts pour faire un personnage animalier qui colle au caractère qu'on lui a attribué. Une Déesse Caïman maternelle et protectrice, peut-être que ça aurait été moins évident à faire passer pour le lecteur... ? Est-ce que les reptiles sont condamnés à être méchants dans les histoires ? J'ai peut-être trop facilement foncé tête baissée dans les clichés sur les animaux : crocodile sournois et gros nounours gentil... J'aime beaucoup nous comparer aux autres animaux, physiquement et comportementalement. La théorie de l'évolution, je trouve ça passionnant, ça nous situe par rapport au reste du vivant. On apprend beaucoup sur nous même en se comparant aux autres, et ça m'intéressait d'en parler. Dans Roi Ours, ce sont les animaux qui observent les humains au travers de Xipil qui se retrouve comme un spécimen d'observation. Même la Mère des Singes, pourtant bienveillante, ne peut s'empêcher en découvrant Xipil de commenter son physique, qu'elle trouve disgracieux selon ses critères. Elle n'a pas tort : pour des singes, on est super moches ! On est habitués alors on ne s'en rend pas compte, mais on ne gagne pas le prix de beauté du mammifère...

Xipil apparaît dans les premières cases passive et prête à accepter son sort. Puis elle se relève et prend sa vie en main. Roi Ours est-il comme beaucoup de contes un vrai parcours initiatique ? 

M. : Oui, au début elle accepte la loi des hommes car c'est tout ce qu'elle a connu, elle ne se pose aucune question et fait ce qu'elle croit juste. C'est à dire accepter la mort, en l'occurrence. Quand on lui donne le choix, plus tard, elle s'accroche à la loi des hommes qu'elle a toujours connue : on lui propose de lui apprendre à pêcher, elle refuse car sa place a toujours été en cuisine. Elle ne se sent même pas capable d'apprendre. Elle se sent à l'aise dans son absence de choix, et la liberté qu'on lui propose la sort de sa zone de confort. Elle finira par prendre ses décisions par elle-même, au moment où il ne reste plus beaucoup de choix disponibles... Mais elle est libre. Je ne m'inquiète pas beaucoup pour elle maintenant, elle s'en sortira !

La guenon dit à Xipil : « Tu penses encore comme les humains ». Les méchants hommes et les gentils animaux, ce n’est pas une vision un peu trop manichéenne ? (sourire)

M. : Ah oui en effet, dit comme ça c'est terriblement manichéen ! (sourire) Heureusement que ce n'est pas ce que j'ai dit. On a beau être des animaux comme les autres, on a des spécificités bien à nous... Par exemple, ici, la vengeance. Ça c'est bien un truc d'humain ! On a déjà observé des éléphants et des singes se venger, ceci dit. Un éléphant qui attaque son dresseur violent au moment où il ne s'y attendait plus et qu'il ne représentait aucune menace pour lui. Un groupe de singes qui attend des jours au bord d'une route que la voiture qui a écrasé leur compagnon repasse, pour lui jeter des cailloux. Ce n'est donc pas le propre de l'homme, mais on est assez forts dans le domaine quand même. Ça n'a aucun intérêt, au niveau de la survie, de se venger ! Xipil se met en danger volontairement pour... rien. Pour se sentir mieux. Aucun animal sensé ne ferait ça.

Malgré l’apparente douceur et sagesse de Xipil, la fin du récit prouve qu’elle ne peut finalement pas échapper à sa condition humaine. Le message est plutôt pessimiste, non ? 

M. : Pessimiste, ou réaliste ? Aucun humain ne peut échapper à sa condition humaine ! Est-ce qu'elle a eu raison ou est-ce qu'elle a eu tort ? Vous seriez resté chez les ours, vous ? Moi non. La vengeance ça sert à rien, mais ça défoule. Je ne suis pas très sage, moi non plus...

L’album aurait pu n’être qu’une jolie histoire pour enfants. Pourtant, vous évoquez certaines considérations très pragmatiques sur le sexe. La violence est aussi très présente... Faire un album « tout public », c’était important pour vous ? 

M. : Roi Ours n'est pas à mettre entre toutes les mains, malgré le dessin en apparence « gentil ». Il y a un peu de sexe, et de la violence. Mais jamais je ne dessinerai une scène de sexe si elle n'est pas nécessaire à l'histoire, et jamais je ne la censurerai si elle est logique et narrative. Pareil pour la violence... En fait, je ne pense pas à mon public quand j'écris. J'écris ce que l'histoire doit être pour être bien, pour me plaire à moi en premier lieu. Je veux faire plaisir au lecteur, bien sûr ! Mais jamais je n'ai pensé à un « public cible ». Adulte ou enfant, homme ou femme, entre les deux ou les deux à la fois, ça c'est pas mon problème. Je fais de la BD pour humains, après pour la caser dans un rayon précis c'est pas mon boulot ! Peut-être qu'un jour je ferai une histoire pour enfant par inadvertance ?

Comment avez-vous abordé graphiquement cet album ?

M. : Ça n'a pas été simple... À cause de mon dessin « gentil », justement. Avant, c'était pire ! Thierry Joor (Directeur éditorial aux éditions Delcourt, NDLR) m'a fait recommencer les pages du dossier jusqu'à atteindre quelque chose de plus réaliste, moins enfantin. Il a bien fait... Je ne supporte plus ces anciennes pages ! C'est bien mieux maintenant. Même si Roi Ours se retrouve encore parfois au rayon jeunesse... Mais j'aime bien le contraste entre ce que ça a l'air de raconter, et ce que ça raconte vraiment. Ensuite, il faut parler de ce gros trait noir que l'on me reproche parfois. Moi je l'aime bien ! Il vient de l'outil que j'utilise : ce sont des roseaux taillés en pointe, c'est pas évident à utiliser. Quand j'étais étudiante, les profs me reprochaient souvent la propreté de mon dessin. Alors j'ai commencé à dessiner avec des outils difficiles à maîtriser, pour avoir plus d'accidents... Mais avec le temps j'ai appris à apprivoiser mes roseaux, et c'est tout de même très très propre. (sourire) Pour la couleur, on me demande souvent si c'est de l'aquarelle, mais ce n'en est pas. Mes originaux sont au brou de noix, donc uniquement dans des teintes brunes. Je scanne, et à l'ordi je change la teinte de chaque zone. Tout le travail de lumières et de textures est déjà fait, malgré tout c'est très long...

Avez-vous pensé à faire de la couleur directe ? 

M. : Non, je trouve ça trop difficile. Savoir dès le départ choisir LA bonne couleur, élément par élément, pour qu'à la fin le tout soit cohérent... Quand je m'y essaye, ça part dans tous les sens. Mes rouges sont trop rouges, mes verts trop verts, et à la fin le tout est sans ambiance. J'ai besoin de bouger chaque couleur les unes par rapport aux autres, petit à petit, pour tendre vers ce que je veux. Si l'ordinateur n'existait pas, soit j'aurais un coloriste, soit l'album serait couleur brou de noix !

La fin de l’album est plutôt ouverte. Peut-on s’attendre à découvrir une suite ou une autre histoire dans le même univers ? 

M. : Non, il n'y aura pas de suite. Évidemment si un beau jour il me vient une idée de génie pour la suite de Roi Ours, je ne me gênerais pas pour la faire ! Mais je n'ai pas l'intention de chercher.

Avez-vous d’autres projets ? 

M. : J'ai adoré faire Roi Ours, je compte bien continuer à faire de la BD ! Mais je me suis sentie très seule pendant la réalisation de cet album... Donc pour mon prochain projet, je m'associe à une amie romancière, Katia Lanero Zamora. J'ai envie de voir comment c'est de travailler en équipe. En tout cas pour le moment ça commence bien entre nous deux! Là on bosse sur un projet pour pouvoir le présenter à des éditeurs, donc pour le moment rien n'est sûr mais tout est possible. On a envie d'une série courte, on va dire plutôt heroic fantasy. Je ne sais pas encore si je vais pousser la curiosité jusqu'à travailler avec un coloriste... J'y pense ! Hugo Poupelin est un très bon coloriste en plus d'être mon compagnon, il faudra bien que ça arrive un jour... Mais je sais très bien que je reviendrai à des albums en solo un jour ou l'autre.





Propos recueillis par L. Gianati

Bibliographie sélective

Roi Ours

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  • Mobidic
  • Mobidic
  • 05/2015 (Parution le 13/05/2015)
  • Delcourt
  • 9782756034256
  • 108