Tardi, sa vie, son oeuvre ...

[thyuig]

Message précédent :
Kilfou, je réagissais juste sur le "voulant écouter sa femme", c'est juste ça qui me hérisse.
Pour le reste, je suis bien de ton avis sur la baisse de niveau.

[Cabarezalonzo]

Et est-ce que tu confirmes que Tardi largue complètement Casterman ou bien ça n'est que le temps de cet ouvrage un peu en marge de sa production de romans graphiques grand public ?

[Gaius!]

J'ai acheté d'occasion le jeu de société "Terrain vague" dans l'univers de "jeux pour mourrir", malheureusement le livret avec les règles n'était pas avec. Pas facile de jouer du coup. J'ai bien trouvé un site consacré aux jeux de société qui explique les règles mais tout n'y est pas très clair. Est-ce quelqu'un aurait le jeu et pourrait me faire un scan du manuel? Ce serait top!

[Cabarezalonzo]

Désolé, Gaius, je ne possède pas ce jeu, seulement l'album.

Il était question, en page précédente, des difficultés relationnelles croissantes entre Tardi et Casterman. On y parlait de Delcourt qui courtisait le vieil anar (avec des arguments sonnants et trébuchants).

Est-ce que derrière tout cela il y avait un bras de fer sur une intégrale ABS ? Je n'en ai pas la moindre idée. En tout cas, un premier tome (omnibus des trois premiers titres) est annoncé à paraître pour une date indéterminée (on doit juste calculer le meilleur moment, mais il se pourrait que l'album soit imprimé ou sur le point de l'être). Chez Casterman.
Intégrale qui viendra s'ajouter à celle du Cri du peuple, toujours chez l'éditeur "historique".

[Genug]

un premier tome (omnibus des trois premiers titres) est annoncé à paraître pour une date indéterminée

Tiens, où as-tu lu ça ?

[JYB]

J'ai cru comprendre qu'on cherche des choses inédites de Tardi ? A défaut, voici de l'inconnu total, datant de juin 1971 :

[Cabarezalonzo]

Merci pour ce partage.

Serait-ce là une contribution de Tardi pour le bulletin confidentiel BSV ?

Très drôle, "les méfaits de la syphillisation"... Enfin sauf pour ceux qui doivent lutter contre le chancre, évidemment.

Le MAC50 (une spécialité de Cambrai), je ne l'ai utilisé que dans l'armée.

[Cabarezalonzo]

un premier tome (omnibus des trois premiers titres) est annoncé à paraître pour une date indéterminée

Tiens, où as-tu lu ça ?

En fait, j'ai péché cette info sur le site de vente et commande en ligne d'un libraire généraliste bien fourni en BD. Mais, à bien y réfléchir, il s'agit peut-être d'une de ces annonces de l'éditeur d'un album dont la date est régulièrement repoussée sine die ?

[Genug]

J'en trouve une trace ici... mais elle est plus très fraîche...

[Genug]

Là aussi... "édition en néerlandais"...?

[JYB]

Merci pour ce partage.

Serait-ce là une contribution de Tardi pour le bulletin confidentiel BSV ?

Eh oui, bien vu, Cabarezalonzo. J'ai déjà parlé à plusieurs reprises sur le topic Tanguy et Laverdure de cette revue interne à l'Armée de l'air, et en effet confidentielle (et très difficile à trouver de nos jours...). Pour ceux qui n'auraient pas suivi les discussions sur le topic Tanguy : BSV signifie "Bureau de Sécurité des Vols" et la revue ainsi titrée avait pour buts de faire de la prévention et d'instruire les aviateurs militaires (pilotes, mécanos, contrôleurs des tours, etc.) au sujet de tous les dangers possibles, en vol comme au sol.

BSV a embauché Tardi quand il était sous les drapeaux, en 1971 et 1972, à l'antenne du boulevard Victor à Paris. Il était jeune appelé - enfin, "jeune appelé", faut le dire vite car il avait 25 ans - et affecté au 3e Bureau. Au sein de la rédaction de BSV, il faisait du dessin, des illustrations de jeux, des BD, etc., et s'occupait aussi de la maquette. Il a même dessiné pour la couverture de six numéros, dont celui-ci :


A noter que pour ce numéro 109, il a fait pas mal de crobards et une BD.

[Genug]

Je me demande s'il apprécie qu'on lui rappelle cette collaboration. M'est avis que non...

[JYB]

Je me demande s'il apprécie qu'on lui rappelle cette collaboration. M'est avis que non...

Il ne le nie pas, en tout cas ; il en est question (succinctement) dans un livre qui lui est consacré et auquel il a apporté lui-même quelques éléments d'information sans qu'on ait eu besoin de le pousser. Je crois même que c'est lui qui a appris aux auteurs du livre cette collaboration à BSV...

[Cabarezalonzo]

Un document rare, que cette couverture !... Encore merci.

Oui, je crois volontiers que Tardi doit être à l'aise dans ses baskets. Avoir fait de l'illustration et des BD, même didactiques, pendant que d'autres dans des unités semi-disciplinaires s'entraînaient à lancer des grenades ou tirer au mortier, ça ne lui a pas fait renier ses convictions ni mis en porte-à-faux avec ses idées pour autant. Il a dû se sentir privilégié mais sans nuire aux intérêts d'autrui, de ses camarades, dont certains devaient préférer "sauter de la girafe" ou ramper sous des barbelés.
Son passé de bidasse n'est pas infâmant comme le serait celui, peu reluisant d'un collaborateur bien compromis dans des dénonciations ou des spoliations, ou encore simplement comme ces palinodies dont les dirigeants politiques sont coutumiers, sachant combien certains électeurs ont la mémoire courte.
L'illustration en noir et blanc (très réussie) eût pu figurer dans Hara-Kiri ou le journal Pilote de 1973 ou postérieurement.

[Jopo de Pojo]

Merci, oui, c'est de l'inédit (en tout cas pour moi).

[JYB]

Merci, oui, c'est de l'inédit (en tout cas pour moi).

Dans un des sept numéros de BSV auxquels Tardi a participé entre avril 1971 et août 1972, on trouve ce "jeu des 7 erreurs", dessiné par lui (n°107, décembre 1971) :



On pourrait se demander ce que fait, dans une reve d'aviation militaire française (et confidentielle) dévolue à la prévention des accidents, ce jeu mettant en scène un coq gaulois fumant une cigarette sur la place Rouge à Moscou, avec un ours (symbole, lui, de l'URSS) dansant. Il faut savoir que, dans les pages du même numéro de BSV, ce jeu suit une longue interview de pilotes français qui revenaient d'URSS, après s'être posés à Moscou à bord de leurs avions de chasse Mirage III. Ce vol et ce voyage furent exceptionnels, et la rencontre avec les personnels de l'armée de l'air soviétique également. Je suppose que Tardi a voulu illustrer cette confrontation de deux milieux différents par un jeu amusant.

[Cabarezalonzo]

Un grand merci, Jean-Yves :
1/ Pour le double scoop que constituent :
- un jeu des 7 erreurs par Tardi paru dans la revue BSV, déjà, personne ne s'y attendait... Quand même, il devait savourer sa situation, Tardi le non violent, pendant que d'autres crapahutaient, bivouaquaient, nettoyaient des culasses à 2h00 du mat' et se tapaient des parcours du combattant en guise de gymnastique matinale...
- et cette mission des pilotes français à Moscou en pleine Guerre froide (du temps de Pompon et Brejnev) est en effet totalement méconnue du grand public, cinquante ans plus tard. Ça mériterait au minimum un récit complet succinct de type Oncle Paul mais je suis certain qu'un scénariste habile (et rompu aux histoires d'aviation militaire ) pourrait tirer de cette situation un bon 44 planches. Par contre, au niveau documentaire, il y aurait une recherche en amont à effectuer chronophage et incertaine quant aux résultats (en raison du contexte historique situé en 1971).
2/ Pour la possibilité qui nous est donnée de chercher ces sept erreurs !

[JYB]

- et cette mission des pilotes français à Moscou en pleine Guerre froide (du temps de Pompon et Brejnev) est en effet totalement méconnue du grand public, cinquante ans plus tard. Ça mériterait au minimum un récit complet succinct de type Oncle Paul mais je suis certain qu'un scénariste habile (et rompu aux histoires d'aviation militaire ) pourrait tirer de cette situation un bon 44 planches. Par contre, au niveau documentaire, il y aurait une recherche en amont à effectuer chronophage et incertaine quant aux résultats (en raison du contexte historique situé en 1971).

Cette mission répondait à la visite de pilotes soviétiques venus sur la base aérienne de Reims avec cette fois six Mig. L'interview du principal pilote, du principal mécano et du principal contrôleur aérien qui ont participé à ce raid sur Moscou détaille le truc, et l'intervieweur (lui-même un aviateur militaire qui connaît bien son sujet) a posé de bonnes questions techniques, de sorte qu'on a un récit précis et avec des anecdotes. Sont évoqués aussi les avions employés (des Mirage III, mais aussi des Transall, un "Paris"...). L'illustration de la longue interview est faite de morceaux de cartes de navigation militaires montrant le trajet des avions avec leurs escales, les stations de radionavigation, etc., jusqu'à Moscou. C'est sûr qu'on ne trouve pas ce genre d'informations dans la presse, même spécialisée...

[Cabarezalonzo]

Hors sujet (désolé) :

[Révéler] Spoiler:

Les Mirage III venaient de Creil, n'est-ce pas ? Tu confirmes que ce sont ceux du 2/10 Seine qui eurent l'honneur et le privilège d'être les premiers "chasseurs" français à se poser (officiellement) en Union soviétique depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ?
Six ans avant ceux du Neu-Neu qui ne participèrent aux commémorations franco-soviétiques qu'en 1977 ?

Perso, je lirais volontiers les pages consacrées par le BSV à ce déplacement, l'interview, etc...
Je serais assez curieux de connaître les détails concernant le vol (étapes, terrains de dégagement, l'indicatif à trois lettres ou l'emplacement des radiobalises -VOR, VOR-DME, TACAN- utilisées, d'une manière générale les renseignements portés sur le plan de vol) et ravi de pouvoir examiner les morceaux de cartes ayant servi à préparer les navigations. La relation des conditions de vol voire des éventuelles péripéties m'intéresse au plus haut point. Ma curiosité s'étend également au contexte géopolitique, mais je doute que la revue en question se fût aventurée sur ce terrain mouvant. De Gaulle (qui avait abandonné le pouvoir) et Brejnev (et dans le domaine de l'industrie, le constructeur Marcel Dassault lui-même) étaient favorables à un dégel des relations et à diverses coopérations, notamment dans le domaine aéronautique. Ce que les Américains voyaient d'un œil peu complaisant.

Dans la presse spécialisée, aujourd'hui, un tel événement pourrait être analysé sur quelques pages, mais j'achète peu de revues. Alors, à moins de tomber fortuitement sur un documentaire télévisé (comme j'en avais vu un, passionnant, sur Arte relatif aux missions diplomatiques françaises derrière le Rideau de fer, de l'espionnage soft expressément autorisé par Moscou pour éviter un niveau de tension trop dangereux en cas d'interprétation erronée de certains "paramètres") ou un magazine en maison de la presse à condition d'examiner le sommaire, j'ai toutes les chances de passer à côté de ces petites histoires qui font aussi l'Histoire.

Et sur le net, on tombe aussi bien sur des âneries que sur des articles pouvant contenir des coquilles, en raison de l'absence, le plus souvent, de véritable correcteur ou de rédacteur en chef, à la différence d'un magazine un tant soit peu sérieux.

Comme ici (fin du paragraphe "L'après-guerre", juste avant "L'ère du Mirage F1"), où, par simple étourderie j'en suis convaincu, l'auteur parle de six Mirage F1 en 1971 qui se rendent en Union Soviétique. Sauf que le F1 n'était pas encore en service ! Le paragraphe suivant, en totale contradiction avec ce qui vient d'être rapporté, précise que les pilotes du 2/30 sont passés sur Mirage F1 en 1973 (en décembre). Ce fut d'ailleurs le premier escadron à avoir touché cet avion, successeur du Mirage III. Ce qui met la puce à l'oreille...
L'explication est simple mais nécessite un peu de réflexion et une recherche pour rétablir les choses : il y a erreur sur le quatrième chiffre du millésime. En l'espèce, un 7 s'est transformé en 1, donnant 1971. Le risque de confusion, surtout en lisant des notes manuscrites, étant important.
La commémoration de 1977 (soit six ans après celle de 1971) où des pilotes français du 2/30 (l'escadrille du Normandie-Niemen) volaient sur Mirage F1, se trouve relatée dans la presse spécialisée. Il y est d'ailleurs fait mention (au début et à la fin) de la mission de 1971.

[Le Rescator]

Par la cocarde de Saint-Hélier, on se croirait dans un post de Buck Danny ou Tanguy et Laverdure ! Quelle érudition !

[Cabarezalonzo]

HS :
Non, pas d'érudition, navré de te décevoir.

[Révéler] Spoiler:

Je suis seulement capable de distinguer visuellement un Mirage F1 d'un Mirage III et d'un Rafale comme on distinguerait une Peugeot 404 d'une Ford Mustang 1968 ou encore une carabine à plombs d'un fusil de chasse, un trombone à coulisses d'une flûte traversière.
Aucun mérite à cela (même si pendant longtemps, j'ai entendu des gens autour de moi saluer le passage d'imaginaires Mirage dans le ciel quand il s'agissait de Fouga, d'Alpha Jet, de Jaguar, de F-16 Falcon venus d'Europe, tout avion à réaction aux formes un peu effilées, avec un nez pointu constituant pour eux un Mirage, terme devenant dans leur bouche une appellation générique signifiant avion de chasse à réaction), j'ai toujours levé le nez quand des avions passaient au-dessus de ma tête, j'ai eu l'occasion de traîner mes pieds sur des bases aériennes, de m'y poser parfois, et de regarder autour de moi. Aucune science là-dedans. Quelques connaissances éparses qu'on peut acquérir en lisant des livres de vulgarisation et des BD, en visitant des musées, en se rendant à des meetings, en étant attentif aux commentaires de journalistes spécialisés, etc...
Pour le reste, quand on s'intéresse un peu aux escadres de chasse célèbres (en activité ou passées à la postérité), on sait facilement comment trouver sur le net le matériel dont elles disposent ou disposaient dans le temps.

J'avais la quasi-certitude que Jean-Yves ne pouvait avoir confondu Mirage III et Mirage F1 dans son post. Et la certitude absolue que le bulletin BSV qu'illustrait parfois Jacques Tardi ne pouvait se livrer à de la science-fiction. En 1971, il ne pouvait raconter ce qui se produirait en 1977.

Ensuite, à propos de rencontres amicales entre pilotes militaires de France et d'URSS dans les années 70 puis 90 (pas d'échange dans les années 80 à cause de l'engagement de l'URSS en Afghanistan), j'ai automatiquement pensé (en partie à tort pour le cas que rapporte JYB) au Normandie-Niemen, cette escadrille qui opéra depuis l'Union soviétique pendant la Deuxième Guerre mondiale pour lutter contre les nazis. Si les rencontres spectaculaires se sont multipliées après 1980, elles avaient un caractère exceptionnel dans les décennies précédentes. Des commémorations existaient, mais sans caractère ostentatoire.
J'ai donc un peu cherché sur le net pour me rendre compte rapidement qu'en 1971 cet escadron volait sur de poussifs bombardiers tactiques Vautour 2N, encore plus faciles à distinguer de chasseurs ou de bombardiers Mirage, fussent-ils de la série des III, IV, F1 ou 2000.
Et la contradiction figurant dans un document trouvé sur le web fut mise à jour.

Il est pour moi savoureux de découvrir que Tardi a participé en qualité d'illustrateur et dessinateur de BD au bulletin militaire BSV (où il y est avant tout question de sécurité, et dans une certaine mesure, éviter des crashes d'avions, c'est aussi prendre en considération la sécurité des populations civiles).
Et de savoir que durant l'accomplissement de son service militaire, il a assisté à des rencontres pacifiques entre aviateurs d'un camp opposé (mais historiquement, les Russes et les Français de bonne volonté et un brin cultivés ont toujours su trouver des terrains d'entente et s'apprécier).
A cette époque, il avait déjà à son actif une vingtaine de planches dans l'hebdomadaire Pilote.

Mais Tardi publiera aussi, quelques mois plus tard, des planches dans le mensuel catholique Record. Sans pour autant renier son athéisme ou ses convictions laïques.


Mais c'est en 1972, avec cette première histoire à suivre, que Tardi va véritablement émerger, ne plus être cantonné à publier des récits complets permettant de boucler un numéro.