Lorsque nous avons découvert les albums de la série à l'automne dernier, nous avons décidé, enthousiastes, de nous associer au lancement de cette série. Ce coup de projecteur devrait vous permettre d'en apprendre un peu plus sur ce projet. Bonne lecture !
« Qu’adviendrait-il si la solidarité devenait une question vitale au plan individuel ? ». C’est en ces termes que Pierre-Paul Renders présente à Denis Lapière, en 2006, les bases de son nouveau projet. Une période de cinq ans a été nécessaire pour mener à bien cette formidable aventure éditoriale et donner naissance à une série pour le moins atypique. En avril 2011, les deux premiers volumes d’Alter ego, Camille et Fouad sont disponibles dans les bacs.
Alter ego, qu’est-ce que c’est ?
C’est tout d’abord un concept : six tomes, six histoires, six personnages. Chaque album est une pièce d’un immense puzzle, une partie de la solution d’une gigantesque énigme. Un air de déjà vu ? Non, si l’on considère que la série peut être lue de façon aléatoire, sans forcément suivre l’ordre de parution.
C’est aussi une véritable équipe : deux scénaristes, cinq dessinateurs qui se partagent le travail entre personnages, décors et couvertures, et une coloriste.
C’est enfin un thriller d’anticipation, dont le thème principal, celui des âmes sœurs, possède de multiples ramifications prenant leurs sources, notamment, dans la bioéthique.
Voila trois bonnes raisons de donner un coup de projecteur à une série, dont la conclusion est prévue, déjà, pour octobre 2011.
Comment avez vous monté le projet ?
Pierre-Paul-Renders : Au départ, une idée un peu folle qui germe: le principe qui est au cœur du mystère des alter ego. Très vite, l’envie et le besoin de la développer dans un projet de grande ampleur, si grande qu’une concrétisation audio-visuelle paraissait infaisable; par contre, en BD, pourquoi pas? Et immédiatement, le surgissement du concept: une première saison éclatée en six albums autonomes et complémentaires, suivant chacun un personnage en narration parallèle. Denis est emballé par l’idée. Dupuis, éditeur de notre projet commun précédent (ndlr : Comme tout le monde), s’impose comme premier interlocuteur naturel et se montre intéressé. On développe le concept sous forme de six synopsis détaillés. Sur base de ce travail, l’éditeur est convaincu et signe pour le challenge des six albums simultanés.
Denis Lapière : Il s'est monté petit à petit sur base d'une idée originale de Pierre-Paul. Ensuite, le choix du dessinateur principal s'est porté très vite sur Mathieu et l'affaire était lancée. Il est vrai que la constitution du "studio" a pris un peu de temps mais une fois tout en place, tout le monde s’est donné à fond pour que les six albums voient le jour en un temps raisonnable.
Á ce propos, pourquoi avez-vous décidé de travailler en studio ? Qui assure la cohérence graphique ?
PPR : Le studio était la seule possibilité de parvenir à six albums prêts simultanément dans un délai raisonnable. Comme expliqué précédemment, c’est Mathieu qui, en tant que créateur de la bible graphique et story-bordeur global, assure la continuité graphique et narrative du tout, avec l’œil aguerri de Denis en dernier rang...!
DL : Il fallait un studio pour réaliser six albums de soixante pages qui devaient tous sortir en quelques mois, puisque ces albums peuvent se lire dans n'importe quel ordre. Mais, en même temps, nous voulions une cohérence graphique. Elle a été assurée par Mathieu qui a réalisé tous les storyboard et créé tous les personnages.
Sur quels critères s'est effectué le recrutement des dessinateurs ?
DL : Essentiellement sur le style. Á partir du moment où Mathieu était le dessinateur principal, il fallait des dessinateurs qui lui soient complémentaires.
PPR : Au départ, une envie commune de Denis et moi pour un trait semi-réaliste, grand public, attirant, pas trop sec, avec une dimension émotionnelle (références, je dirais pour moi: Gazzotti, Ralph Mayer, Mathieu Bonhomme). Ensuite le feeling de Denis qui, tombant sur sketch-book de Mathieu (Reynes) a vu chez lui la potentialité de ce style. L’enthousiasme immédiat de Mathieu et notre conviction vite acquise, au vu des essais, qu’il pouvait être le capitaine graphique de l’entreprise, celui qui réaliserait la création des personnages, la bible graphique et tout le découpage des albums... Enfin, le recrutement en parallèle de décoristes (Benjamin Benéteau d’abord puis Luca Erbetta) et d’autres dessinateurs de personnages (Ricard Efa et Emil Zuga), choisis pour leur aptitude à développer un style proche de celui défini avec Mathieu.
Ont-ils eu le choix des albums qu'ils devaient réaliser ?
PPR : Pour ce qui est de la répartition des albums, on peut dire que cela s’est fait d’un commun accord... (avec beaucoup de frustration pour Mathieu de ne pas pouvoir les dessiner tous )
Comment avez-vous planifié l'interaction entre les différents personnages ?
PPR : D’abord, identifier des parcours et des situations qui pourraient être intéressants dans la masse des personnages potentiels. Ensuite, faire entrer toutes les idées d’évènements dans un tableau chronologique synoptique qui sera la référence. Localiser les points de jonction et d’interactions possibles entre les parcours. Tisser une toile. Se lancer dans chacun des six récits et les écrire en parallèle, en passant sans cesse de l’un à l’autre. Travail de va et vient constant, où des idées sont exploitées puis abandonnées maintes fois. Trouver l’équilibre entre la ligne de chaque personnage, son parcours psychologique, ses enjeux et son rôle dans le complot global. Affiner toujours plus la mécanique de précision, en dosant la logique et le hasard, le destin et la fatalité.... Bref, un travail préparatoire de longue haleine. Ensuite, lors de l’écriture définitive de chacun des scénarios définitifs, l’un après l’autre cette fois, toujours être plus exigeant, se laisser surprendre par les nouvelles directions qui surgissent et les nouvelles exigences de nos personnages qui prennent chair....
DL : Il a été nécessaire d'écrire toutes les histoires avant d'entamer les scénarios. Pierre-Paul a même créé un petit séquencier chronologique pour pouvoir s'y retrouver. Mais la magie de l'écriture fait qu’au fur et à mesure où on écrivait, d'un album à l'autre, les personnages prenaient de l'ampleur et de la profondeur. Cela m'a même surpris, parfois.
Si on peut commencer la série par n'importe quel tome, comment avez-vous choisi l'ordre de parution ?
PPR : Sur le principe, je n’aurais pas voulu devoir choisir, puisque le but est de laisser le lecteur choisir. Donc, dans l’idéal, le lecteur devrait avoir les six albums disponibles en même temps. Mais les contraintes du marché en ont décidé autrement. Du coup, en effet, pour les premiers lecteurs fidèles, un ordre de lecture sera induit par la publication. Il a été déterminé principalement, en fonction des albums déjà terminés... avec aussi une certaine attention à créer l’attente, l’attachement et le désir d’en savoir plus, même si, de ce point de vue tous les albums recèlent leur part de suspense... De toute façon, le “piège” est conçu pour qu’après chaque album, on ait envie de relire les autres, si bien que très vite, on ne sait plus dans quel ordre on les a lus.
DL : Il a bien fallu commencer par écrire un scénario puis un autre… Donc Mathieu a commencé par dessiner le premier scénario que nous avions finalisé. Il y a donc des albums qui sont déjà terminés depuis un certain temps et d'autres qui ne seront finis qu'au début de l'été. L'ordre de parution suit donc cet ordre "naturel".
De la même manière, dire qu'il n'y a pas de premier tome veut dire qu'il n'y a pas dernier. Comment assurer une fin dans ce cadre là ?
PPR : Qui a dit que nous assurions une fin? Ces six premiers tomes ne sont qu’un début, nous l’espérons....! Et de toute façon, rassurez-vous, une suite est en préparation, et elle verra le jour sans tarder après les six premiers tomes.
DL : La série ne s'arrête pas à ces six albums. Ceux-ci ne forment qu'une "première saison", en quelque sorte. D'autres surprises sont à venir…
Comme un septième tome ?
PPR : Ah ah ! Les auteurs en disent toujours trop sur les forums.
Vous qui connaissez toute l'histoire, qu'elle est votre ordre de lecture ?
PPR : Si j’avais un ordre de lecture favori, ce serait pour moi une source de déception, la preuve que le travail n’aurait pas été bien fait. Sincèrement, mon plus grand bonheur est de savoir qu’il n’y a pas d’ordre de lecture qui fonctionne mieux que les autres... ni aucun qui fonctionnerait moins bien et serait à déconseiller. Et ma plus grande frustration est justement de connaître toute l’histoire, parce que je me prive du plaisir de la découvrir comme un lecteur vierge. Je voudrais perdre 720 fois la mémoire pour redécouvrir à chaque fois avec un œil neuf, les 720 combinaisons possibles. Si ensuite, je retrouvais toutes mes mémoires d’un coup, je pourrais vous dire quel est le meilleur ordre de lecture, à mon avis ...
DL : Pour moi, il n'y a pas eu un ordre de lecture, mais un ordre d'écriture. Et je n'ai vraiment pas d'ordre préféré pour la lecture… Il y a par contre des albums ou des personnages que, pour des raisons personelles, je préfère à d'autres.
Vous avez déjà travaillé ensemble dans le 7ème Art à l'occasion de Comme tout le monde. Avez-vous déjà réfléchi à une possible adaptation d'Alter ego sur grand ou sur petit écran ?
DL : Disons qu'on y a juste pensé. Pas vraiment réfléchi. Il faudrait sans doute tout remettre à plat dans le récit, la magie opérerait-elle encore ?
PPR : Á dire vrai, l’idée est même née d’abord comme un projet de série télé, mais la complexité et l’ampleur de la chose rendait le projet peu réaliste. Finalement, je me demande si la voie BD, qui m’ a offert la possibilité de cette structure ludique à entrées multiples, pourra trouver un équivalent valable sur un écran.... peut-être plus sur Internet qu’au cinéma ou à la télé finalement. Mais bon, tout cela, pour l’instant, c’est de l’utopie. Si on fait un carton avec Alter Ego, on en reparlera peut-être un jour... Pour l’instant, je préfère consacrer mon imagination à rêver la suite d’Alter Ego en BD.
Comment imaginez-vous vos propres alter ego ? Les avez-vous déjà rencontrés ?
PPR : Bien sûr, mais c’est une question qui touche la sphère privée, donc vous me permettrez de rester discret... Par contre, certains petits talents me permettent de “détecter” les alter ego des autres. Les lecteurs intéressés peuvent venir me trouver lors des séances de dédicaces, je leur divulguerai quelques infos....
DL : Parfois je me demande si mes alter ego ne sont pas, justement, Pierre-Paul et Mathieu.
CAMILLE
Camille est une jeune Française résidant à Singapour. De père inconnu, elle entretient des rapports conflictuels avec sa mère, dont les occupations professionnelles la tiennent très souvent éloignée de son domicile. Pourtant, ce soir-là, Suzanne Rochant prend le téléphone pour appeler sa fille et laisse sur sa boîte vocale un message étrange et alarmiste. Celle-ci, d’abord surprise, décide de se rendre sur place pour connaître les raisons de ce coup de fil inattendu. Sitôt arrivée, elle découvre la maison en flamme et Suzanne, agonisante, a tout juste le temps de lui glisser quelques mots à l’oreille. Un accident ? Quelques jours plus tard, le notaire s’occupant de la succession remet à Camille une enveloppe, écrite de la main de Suzanne et adressée à un certain Zé Teixeira, domicilié en Angola. Désirant en savoir un peu plus sur ses origines et rencontrer, peut-être, son géniteur, elle choisit de porter elle-même le pli à son destinataire, au fin-fond de l’Afrique.
Camille est-il le premier tome de la série Alter ego ? L’une des pièces d’un immense puzzle serait sans doute un terme plus approprié. Le concept, imaginé par Pierre-Paul Renders et Denis Lapière, permet non seulement de lire indépendamment chacun des six tomes prévus, mais de le faire, également, dans un ordre totalement aléatoire, le tout devant former un thriller aux innombrables ramifications. Le thème ?
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FOUAD
Fouad traîne un lourd passé derrière lui et n’a qu’une idée en tête, se racheter des erreurs qu’il a commises dans sa jeunesse. Alors, quand il a l’occasion de travailler comme infirmier bénévole pour le bénéfice du WWZA, il n’hésite pas une seconde. Le WWZA ? Une vaste campagne de vaccination contre le virus du SIDA, dirigée par Miranda Grynson. La première mission de Fouad se déroule à Puerto Tejada, en Colombie. Là-bas, il sympathise avec Zélia, une jeune femme qui subit un examen médical beaucoup plus approfondi que la simple piqure de routine. C’est en cherchant à connaître les raisons de cette curieuse expertise que le repris de justice met le doigt dans l’engrenage. Molesté par les Farcs, puis renvoyé sans autre forme de procès en Europe, il a juste le temps de récupérer un fichier contenant des renseignements sur son amie, désormais disparue. Il décide de mener sa propre enquête, aidé par Miep, une experte en informatique.
Fouad est le deuxième titre de la série Alter ego à paraître en avril, et sa construction ressemble à s’y méprendre à celle de « sa petite sœur », Camille : une mise en situation expresse, un flashback explicatif, plus ou moins long, suivi par un retour vers le présent, une fois que le lecteur possède, à peu près, toutes les clés de l’histoire. C’est à Johannesburg que démarre le récit, mené tambour battant. Un vol de voiture suivi d’une prise d’otage et c’est une véritable course contre la montre qui démarre pour l’ancien taulard, transformé pour l’occasion en justicier.
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Dossier réalisé par Stéphane Farinaud et Laurent Gianati