Dans quelle mesure votre passage dans une école de commerce vous a servi pour exercer ce métier ? Paradoxalement, pas tant l’école de commerce en elle-même, mais la capacité à comprendre le compte d’exploitation d’un livre et lire un contrat. Au-delà de cet aspect, qui reste anecdotique, la prépa HEC, elle, sert pas mal à la formation d’un scénariste dans le sens où c’est à la fois une formation littéraire, et on en a besoin quand on est scénariste, et en même temps une formation pour la rigueur de penser. Lorsque l’on veut écrire un scénario d’aventure, un polar, un scénario de genre quel qu’il soit, il faut un certain esprit de synthèse et de rigueur qui, à mon sens, est plutôt bien enseigné en prépa. C’est, en fait, une façon de penser, ne pas comprendre par là : appât du gain ou vanité, juste une façon de penser carré. Le scénariste doit penser carré 50 % du temps, les 50 autres % devant être plus libres, ce qui correspondrait plus à une formation d’une école d’Art. Avez-vous analysé le processus de création ? Comment vous viennent vos idées ? Sans rentrer dans le trop personnel, je suis quelqu’un de très stressé et d’assez angoissé : je voudrais pouvoir tout contrôler donc j’ai choisi le métier où par définition on ne contrôle à peu près rien !! Alors oui j’ai analysé le processus, je sais quand je dois lâcher prise ou au contraire quand je dois me battre pour faire sortir l’idée. Quand il faut la nourrir : aller voir des films, aller voir des gens. Mettre en route ce que j’appelle le serveur caché : aller faire un footing, aller à la piscine, faire tout autre chose. Ne pas s’en occuper pour justement résoudre le problème. Et s’il m’arrive encore de bloquer, dans ces cas là j’appelle un autre scénariste et on en parle. Je ne peux pas m’empêcher de tout théoriser, et je théorise aussi ce processus. Vous n’avez jamais écrit de comédies ou de récits humoristiques... En effet. Cependant, on trouve dans mes albums, du comique de situation, des pointes d’humour. C’est lié aux personnages. Il y a deux sortes d’histoires : celles qu’on aime raconter et celles qu’on aime lire. J’aime lire des choses drôles mais je préfère écrire des histoires plus « tragiques ». C’est une façon très différente d’écrire, que ce soit en ce qui concerne le rythme, la gestion des hasards, la façon d’aborder les sujets. C’est très spécifique. Comment travaillez-vous avec votre dessinateur, E. Breccia ? Je lui envoie un scénario entièrement découpé (écrit en français traduit par l’éditeur en espagnol) et ensuite quand nous devons discuter, c’est en anglais. J’avais déjà écrit Sentinelle. J’ai rencontré ensuite Enrique et, effectivement, cela a super bien « collé » entre nous. En général, le scénario ou l’idée du scénario est là bien avant le dessinateur. Parfois, c’est le dessinateur qui va me donner l’énergie d’avancer sur un projet et je peux m’adapter au dessinateur en nuançant mon récit.
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